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ETUDE SUR LES PAROISSES
DU VAL D'ALLARMONT- suite 1

Pierre GENY (de Glacimont)


Chapitre II
L'abbaye de Senones et les comtes de Salm


       A Henri I, deuxi�me comte de Salm en Vosges, succ�da son fils, Henri II.

       C'est lui qui fit �difier avant 1190 le ch�teau de Salm entre la Chatte Pendue et le hameau qui a pris son nom, en plein domaine de l'abbaye; il n'en reste que bien peu de chose: le sommet d'une petite tour d'o� on a une vue agr�able, notamment vers le Donon qui se pr�sente particuli�rement bien, on remarque aussi fix�e au rocher une plaque de fonte provenant de Framont portant une inscription comm�morative de la visite d'un des princes de Salm au XVIII� si�cle au ch�teau de ses lointains anc�tres.

       D'apr�s Dom Calmet, Henri, 32� abb� de Senones de 1205 � 1225, commit l'erreur de recourir � Henri II pour arbitrer un diff�rend qui s'�tait �lev� entre lui et ses religieux: le comte en profita pour reprendre sur le domaine de Senones les empi�tements inaugur�s par son grand-p�re. Il n'en prit pas moins part � la troisi�me croisade dans l'arm�e de l'empereur Fr�d�ric Barberousse.

       Il eut une bien triste fin racont�e par le chroniqueur Richer, moine de Senones, son contemporain. Henri avait deux fils, Henri et Fr�d�ric, qui s'entendirent pour le d�pouiller. Le premier tomba si gravement malade qu'on le crut mort; la m�re, Judith de Lorraine, le fit ensevelir � la h�te dans l'abbaye de Haute-Seille; quand on s'aper�ut qu'on s'�tait trop press�, il n'�tait plus temps. Richer consid�re cet affreux fait comme un avertissement du ciel. Bien loin d'en �tre effray�, Fr�d�ric poursuivit ses projets et chassa son vieux p�re qui s'�loigne � pied, cherchant un asile. L'abb� de Senones lui procura un cheval et il gagna le ch�teau de Salm o� il finit ses jours dans la mis�re. L'abbaye lui assura une s�pulture honorable dans son �glise et Richer affirme avoir grav� lui-m�me sur la pierre tombale l'effigie du d�funt.

       Son petit fils, Henri IV, lui succ�da et, plus encore que ses pr�d�cesseurs, s'en prit au domaine de Senones. C'est lui qui �difia les forges de Framont, �v�nement important pour nos villages car si leurs habitants ne furent jamais mineurs ni m�tallurgistes, beaucoup d'entre eux exer�aient dans la suite le m�tier de bocquillons: ceux-ci coupaient le bois en for�t, le transformaient en charbon par le proc�d� des meules et le transportaient aux forges. Le ban des Forges de Framont, tout entier dans le ban de Salm, fut � l'origine sp�cialement appr�t� � cette fourniture, mais assez t�t il n'y suffit plus malgr� l'importance de son �tendue qui �tait de 11355 arpents soit 2316 hectares: il fallait chercher le charbon plus loin, m�me dans des for�ts ne d�pendant pas du comt�. C'est ainsi que l'on retrouve aujourd'hui encore, � grande distance de Framont, de nombreuses "places � charbon"; d'o� aussi le nom des "chemins des bannes" ou Bennes qui servaient au transport, sur le cr�te Plaine - Rabodeau par exemple.

       Comme Henri IV avait construit ses installations sur le terrain de l'abbaye, il s'ensuivit au proc�s au cours duquel le comte dut excommuni� en 1264 et qui se termina par sa condamnation � d�molir ses b�timents; ce n'�tait pas une solution et un compromis intervint: les forges seraient exploit�es conjointement par les comtes et par l'abbaye. Les divers �l�ments de cette industrie �taient assez curieusement dispos�s. Le minerai, on disait alors la mine, �tait extrait � ciel ouvert de la mini�re. Celle-ci se trouvait sur le versant Nord de la t�te Mathis, au-dessus du village actuel des Mini�res, un peu � l'ouest de la cote 685 de la carte au 1/25000�. Au cours de la guerre de 1914-1918, les allemands ont tent� de retrouver ce gisement: il existe encore un d�couvert important vers la cote 669 de la m�me carte et plusieurs galeries furent creus�es au fond m�me de la vall�e: de l'une d'elles est sortie pendant plusieurs ann�es une source chaude qui s'est depuis refroidie mais reste tr�s charg�e en sel de fer. Il ne semble pas que ces recherches aient �t� couronn�es de succ�s; il est toujours dangereux de m�sestimer l'efficacit� des mineurs du temps pass�.

       Le haut fourneau se trouvait dans la basse de Framont pr�s de la petite agglom�ration qui en a conserv� le nom: d'o� premier transport du minerai. Quant � la forge, elle �tait � Framont m�me: d'o� deuxi�me transport de la fonte. Enfin, le nom de la basse du Marteau implique qu'au bas de celle-ci existait un marteau pilon, sans doute m� hydrauliquement. On voit que la concentration n'�tait pas encore � l'ordre du jour.

       D'apr�s Dom Calmet, l'abb� de Senones fit en 1284 un tort irr�parable � l'abbaye en "accompagnant" les comtes de Salm pour tous les bois de l'abbaye, soit pour plus de 80.000 arpents, chiffre qui para�t peu exag�r�, alors qu'en contrepartie les comtes n'�taient accompagn�s que pour les bois des Ougney de 2.000 arpents environ. D'apr�s cet arrangement le propri�taire originaire restait ma�tre su sol, gardait le droit de paissonnage mais c�dait la moiti� des produits forestiers. L'abbaye ne conservait en toute propri�t� que "quelques forestelles et bois taillis", en particulier le bois dit "de la tour" au-dessus de la Broque qui a aujourd'hui disparu.

       En 1328, Jean I de Salm fit avec les abbayes de Senones et de Moyenmoutier une op�ration analogue par laquelle il les accompagnait dans tous les bois de la vall�e de Ravines qui prirent alors le nom de bois de compagnie.

       Un si�cle et demi s'�coule ensuite sans qu'� notre connaissance il se passe rien qui int�resse directement nos trois villages.

       En 1459, Jeannette de Salm, fille du comte Claude qui n'a pas r�gn�, �pouse le rhingrave Jean V. La famille des rhingraves �tait originaire du Palatin et comprenait deux branches, celle de Dhaun et celle de Kirburg. La premi�re qui nous int�resse plus sp�cialement avait ajout� � son titre celui de comtes sauvages par confusion entre les mots allemands Waldgraf et Wildgraf, depuis que le rhingrave Jean III avait �pous� Ad�la�de, fille du dernier rhingrave de Kirburg. Du mariage de Jeannette de Salm et de Jean V sort la branche des rhingraves qui r�gn�rent conjointement avec celles des comtes en restant en indivision. C'est ainsi qu'en 1488 le rhingrave Jean VI fait hommage pour sa part dans les ch�teaux de Pierre Perc�e et de Salm � l'�v�que de Metz.

       Jean VI mourut en 1499. Ses fils, Philippe et Jean se partag�rent ses biens ressuscitant la branche de Kirburg et recevant la terre de Neuviller sur Moselle et la moiti� de la baronnie de F�n�trange, Philippe conservant le titre de Dhaun et recevant les droits de la famille sur le comt� de Salm.

       Le rhingrave Philippe eut lui-m�me deux fils, Philippe Fran�ois et Jean Philippe; celui-ci apr�s une vie tr�s mouvement�e au service du roi de France mourut sans enfants; ses neveux, Jean Philippe II et Fr�d�ric succ�d�rent donc � leurs p�re et oncle

       C'est en 1540 que les rhingraves embrass�rent la r�forme luth�rienne. En 1524 d�j�, l'abbaye de Saint Sauveur avait �t� d�vast�e une premi�re fois par les Rustauds: ces paysans alsaciens protestants, r�volt�s contre les nobles et le clerg�, furent peu apr�s �cras�s par le duc Fran�ois de Lorraine.

       Le rhingrave Jean Philippe appela des ministres � Badonviller et la religion protestante se r�pandit rapidement dans le comt�.

       En 1552, le roi de France Henri II s'empara de Metz dont la possession fut confirm�e par le trait� de Coteau Cambr�sis en 1559: la suzerainet� de l'�v�que de Metz sur les ch�teaux de Pierre Perc�e et de Salm ainsi que sur la vouerie de Senones disparaissant ainsi et le comt�, tout en continuant � faire partie du Saint Empire devenait pratiquement ind�pendant.

       Un fait curieux est que les rhingraves de Salm, quoique protestants et favorisant la r�forme dans leurs possessions autant qu'ils le pouvaient, continu�rent � servir le roi de France et c'est ainsi qu'en 1569 Jean Philippe, combattant dans les rangs catholiques � la bataille de Moncontcour, fut gri�vement bless� au cours d'un combat singulier contre l'amiral de Coligny, chef de ses coreligionnaires: quoique soign� par le c�l�bre chirurgien Ambroise Par�, il mourut au bout de quelques jours.

       Restait le rhingrave Fr�d�ric; ce sont probablement de ses sujets protestants qui incendi�rent l'abbaye de Saint Sauveur et c'est alors que celle-ci, sous le gouvernement de l'abb� Malziat se transporte � Dom�vre (Dom�vre = Dom Epvre) et il y eut plus tard une scierie Saint Epvre dans le ban de Raon-Les-Leau.

       Fr�d�ric, qui se maria quatre fois, �pousa en premi�res noces Fran�oise de Salm, soeur de Jean X, dernier comte de Salm de la premi�re dynastie, mar�chal de Lorraine comme l'avaient �t� son p�re et son grand-p�re, gouverneur de Nancy. Deux beaux fr�res r�gnaient donc en indivision sur le comt�.

       C'est en 1571 que, d�barrass�s de l'hommage auparavant d� � l'�v�que de Metz et s�rs de trouver un appui dans ceux de leurs sujets devenus protestants, ils se d�cid�rent � �tablir leur souverainet� sur le domaine de l'abbaye de Senones. En f�vrier, une premi�re assembl�e eut lieu � Badonviller, alors capitale du comt�, qui r�unit les officiers et les maires de la vall�e de la Plaine et du Val de Senones qui pr�t�rent serment de fid�lit� au comte et au rhingrave. L'abb� Raville, jusqu'alors souverain incontest� dans son domaine, adresse une plainte directe � l'empereur Maximilien qui d�signa comme arbitre Nicolas de Polweiller, grand bailli d'Alsace; sous ses auspices, plusieurs conf�rence eurent lieu, sans aucun r�sultat. C'est alors que fut employ�e la mani�re forte : une nouvelle assembl�e eut lieu le 29 septembre, � Senones cette fois, mais avec la participation de la force arm�e et de la partie de la population que l'on savait favorable. Les moines effray�s prirent la fuite et les deux beaux-fr�res n'eurent aucune peine � obtenir de ceux qui se trouvaient l� le serment de fid�lit�, constat� sur le champ par un notaire. Cette op�ration que l'on peut qualifier de pur brigandage ne se passa pas sans violence. Une bande arm�e poursuivit les moines jusqu'� l'abbaye du Moniet pr�s de Baccarat o� il s'�taient r�fugi�s et Nicolas Saxenat, cur� de Domptail, qui engageait les protestants � se retirer, fut massacr� sans piti�. L'abb� Raville ne manqua pas de protester aupr�s du pape et de l'empereur mais les choses tra�n�rent en longueur. Sur l'intervention de celui-ci Jean de Manderscheid, �v�que de Strasbourg s'effor�a de trouver un compromis et, le 2 Octobre 1573, l'abb� Raville ratifia le pr�tendu pl�biscite (de 1571). Les moines rentr�rent � Senones mais l'abbaye perdait non seulement sa souverainet� mais aussi une grande partie de ses biens. Elle renon�ait notamment � tout que qu'elle pouvait pr�tendre sur les scies du Val d'Allarmont et sur les Bois Sauvages, gardant les scies du Val de Senones, elle c�dait aussi sa part des forges de Framont moyennant une redevance annuelle de deux mille livres de fer ouvr�. Enfin, comme c'�tait d�j� le cas � Badonviller, les �glises du Val de Senones devenaient communes au catholiques et aux protestants. Il ne semble pas que la m�me mesure ait �t� prise pour les autres �glises du comt�, notamment pour celles de Luvigny et de Celles.

       En bref, la maison de Salm pouvait consid�rer que son oeuvre multis�culaire �tait heureusement men�e � bien. Le proc�s-verbal de la visitation des bois du comt� effectu�e par le sieur Barnet, ch�telain de Badonviller, pour le comte et par Mr de Billistein, super intendant de Mgr le rhingrave depuis 1564 au moins pour ce dernier, d�montre en effet que les propri�t�s de l'abbaye �taient pass�es en presque totalit� aux mains du comte et du rhingrave de Salm. Il est int�ressant de remarquer qu'au milieu du XVIII� si�cle, l'un des principaux officiers des princes de Salm �tait un Billistein. C'est de lui sans doute qu'il est question dans l'ouvrage intitul� : R�flexions sur l'histoire de Lorraine d' Hubert Elie (1961).

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