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Commission de la d�fense nationale et des forces arm�es

Mercredi 10 septembre 2008

S�ance de 10 heures

Compte rendu n� 37

Copr�sidence de MM. Axel Poniatowski, pr�sident de la commission des affaires �trang�res, et Guy Teissier, pr�sident de la commission de la d�fense nationale et des forces arm�es

– Audition, commune avec la commission des affaires �trang�res, du g�n�ral d’arm�e Jean–Louis Georgelin, chef d’�tat–major des arm�es, sur les �v�nements et la situation en Afghanistan

– Information relative � la commission

Audition du g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es, sur les �v�nements et la situation en Afghanistan

La commission a proc�d�, conjointement avec la commission des affaires �trang�res, � l’audition du g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es, sur les �v�nements et la situation en Afghanistan.

M. Guy Teissier, pr�sident de la commission de la d�fense nationale et des forces arm�es. Nous sommes tr�s heureux de recevoir aujourd’hui le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es, dans le cadre d’un cycle d’auditions communes avec la commission des affaires �trang�res, organis� dans la perspective du vote sur l’autorisation de prolongation de l’intervention de nos forces arm�es en Afghanistan. Il s’agira de la premi�re application de l’article 35 r�vis� de la Constitution.

Compte tenu de l’enjeu, il est n�cessaire que nous disposions d’une information aussi compl�te que possible sur notre pr�sence en Afghanistan. � cet �gard, je vous remercie, mon g�n�ral, pour les moyens que les arm�es ont mis � la disposition de la d�l�gation de d�put�s des deux commissions, repr�sentant l’ensemble des groupes, qui s’est rendue pendant trois jours en Afghanistan afin d’y rencontrer des troupes. Vos hommes nous ont r�serv� un accueil remarquable en d�pit de conditions pr�caires et difficiles, et alors qu’ils devaient continuer � assurer leur travail quotidien – ce qu’ils ont fait, comme nous avons pu constater. Cela m�rite d’�tre salu�, de m�me que leur sens de la mission et du devoir.

La pr�sente audition portera essentiellement sur les aspects militaires de notre participation aux op�rations.

Ma premi�re s�rie de questions devrait pouvoir recevoir des r�ponses s’appuyant sur le retour d’exp�rience de l’embuscade qui a co�t� la vie � dix de nos soldats au mois d’ao�t dernier. Le nombre d’hommes d�ploy�s en Afghanistan correspond-il aux besoins ? La formation pr�alable � l’envoi sur ce th��tre d’op�rations difficile doit-elle �tre am�lior�e ? Je pr�cise que cette question, qui a �t� fr�quemment pos�e ici, a vivement contrari� les soldats que nous avons rencontr�s sur le terrain ; ils ont �t� meurtris qu’on fasse le proc�s de leur jeunesse, alors qu’ils pensaient – � juste titre, me semble-t-il – que celle-ci �tait plut�t un atout pour un soldat. � quels besoins urgents de mat�riel faut-il faire face ? Je pense bien entendu � la protection des hommes et aux dotations en munitions, mais aussi, plus largement, aux carences en mati�re de drones, d’a�romobilit� et d’appui feu. Concernant le renseignement militaire, o� en sont les r�flexions sur l’envoi en renfort de certains �l�ments des forces sp�ciales ? Je pr�cise, mon g�n�ral, que nous poserons �galement ces questions au g�n�ral Puga, nouveau directeur des renseignements militaires, que nous recevrons dans le cadre de cette s�rie d’auditions.

De mani�re plus g�n�rale, nous souhaiterions conna�tre votre analyse de l’�volution de la situation militaire en Afghanistan � moyen et long terme, compte tenu de la strat�gie actuelle de l’OTAN et de l’�volution de celle des talibans. En particulier, eu �gard � la progression de son niveau de formation et d’�quipement, quelle sont possibilit�s r�elles de d�veloppement des op�rations men�es par l’arm�e nationale afghane ?

J’informe imm�diatement mes coll�gues de la commission de la d�fense qu’ils devront rester apr�s la fin de l’audition du g�n�ral Georgelin, puisqu’il nous faudra examiner le lancement d’un rapport d’information sur, pr�cis�ment, la situation en Afghanistan.

M. Axel Poniatowski, pr�sident de la commission des affaires �trang�res. Il me para�t important que la mission conduite par l’OTAN en Afghanistan r�ussisse, parce qu’il s’agit de lutter � la fois contre l’obscurantisme et contre le terrorisme international.

Guy Teissier vient, � raison, de soulever le probl�me du bon �quipement de nos troupes ; je pense, mon g�n�ral, que vous aurez l’occasion de nous en parler. Quant aux hommes, � ma connaissance, les effectifs op�rationnels d�ploy�s actuellement en Afghanistan s’�l�vent, en tout, � quelque 100 000 hommes : 50 000 au titre des forces de l’OTAN, auxquels s’ajoutent un certain nombre de troupes afghanes et les 18 000 hommes de l’op�ration Enduring Freedom. Or, selon certains experts, il faudrait d�ployer 200 000 � 250 000 soldats pour stabiliser la situation en Afghanistan. Quel cr�dit peut-on accorder � ces affirmations ? Selon vous, mon g�n�ral, combien d’hommes seraient n�cessaires pour stabiliser durablement la situation dans le pays ? Et s’il faut davantage de troupes, peut-on envisager qu’elles soient, pour l’essentiel, afghanes, ou une augmentation importante du nombre de soldats de l’OTAN vous para�t-elle n�cessaire ?

Je souhaiterais par ailleurs vous entendre sur deux autres sujets que je juge importants.

La production et le trafic de la drogue � la fois procurent des ressources aux talibans et constituent une source de corruption majeure au sein des autorit�s afghanes, ce qui a contribu� � leur faire perdre une grande partie de leur cr�dibilit� dans le pays. Le commandant-adjoint de la Force internationale d’assistance � la s�curit� (FIAS), le lieutenant-g�n�ral britannique Jonathon Riley, m’avait dit, lors de ma visite en Afghanistan, d�but juillet, qu’il consid�rait que si l’�radication des champs de pavot �tait l’affaire de l’arm�e afghane, la destruction des laboratoires de transformation du pavot en opium et en h�ro�ne devrait �tre celle de l’OTAN. Quelle est la position de la France sur ce sujet ? Consid�rez-vous qu’il faille revoir le mandat de la FIAS et l’�tendre � la destruction de ces laboratoires, qui ont �t� pour la plupart identifi�s ?

Ma derni�re question concerne l’�tendue g�ographique de la mission de l’OTAN. Les talibans et leurs alli�s utilisent aujourd’hui la r�gion frontali�re entre l’Afghanistan et le Pakistan comme principale base de soutien et de repli. Comment r�soudre ce probl�me ? L’arm�e pakistanaise saura-t-elle le faire seule ? Le nouveau pr�sident pakistanais, M. Zardari, vous para�t-il apte � mener en ce domaine une politique plus efficace que son pr�d�cesseur ? Comme le rappelait le pr�sident Teissier, des frappes ont �t� men�es depuis des drones par les forces am�ricaines ; doit-on aller plus loin et envisager une intervention de l’OTAN sur le sol pakistanais, avec le risque de r�gionalisation du conflit que cela comporterait ?

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d'�tat-major des arm�es. Je r�sumerai toutes vos questions par une seule : nous, pays membres de la coalition, voulons-nous, ou non, nous donner les moyens de r�gler au fond la crise afghane ? Je crois qu’il n’y a pas d’autre solution – mais j’y reviendrai.

Avant de r�pondre � vos questions, je voudrais revenir rapidement sur l’embuscade du 18 ao�t, afin que nous soyons au clair sur un certain nombre d’�l�ments bien �tablis et que le chef d’�tat-major des arm�es que je suis fasse deux ou trois commentaires fondamentaux. Pardon si, pour certains – notamment ceux qui vous ont accompagn� sur le terrain, monsieur le pr�sident – cela a un air de redite, mais je veux que les choses soient claires.

L’embuscade du 18 ao�t s’est d�roul�e dans le commandement r�gional Capitale – RC-C –, dans un district excentr� situ� � une soixantaine de kilom�tres � l’est de Kaboul, le district de Surobi. Il s’agit d’une zone relativement isol�e, situ�e entre une heure trente et trois heures de route de Kaboul, ou vingt � trente minutes d’h�licopt�re. Depuis 2006, le contr�le de cette zone est d�volu � la nation charg�e du commandement de la r�gion Capitale ; chacun l’assure � tour de r�le, ce qui est un aspect int�ressant de la strat�gie g�n�rale. La France y �tait d�j� pr�sente en 2006 ; le 6 ao�t dernier, elle a repris la t�te du commandement, succ�dant aux Italiens, qui eux-m�mes avaient succ�d� aux Turcs.

Depuis 2006, pour contr�ler cette zone, le RC-C a retenu comme mode op�ratoire le d�ploiement d’une base op�rationnelle avanc�e – ce qu’on appelle, dans le langage de l’OTAN, une FOB, Forward Operations Base ; il s’agit en l’occurrence de la FOB Tora, d�sormais connue de tous les Fran�ais ou presque. Une compagnie, soit 150 hommes, y est d�ploy�e. Soit dit en passant, la garnison sovi�tique qui tenait cet emplacement avait �t�, � l’�poque, compl�tement d�truite par les Afghans.

Tora est un poste isol� situ� sur un point haut, qui permet de contr�ler le d�bouch� de cinq vall�es vers la ville de Surobi. Il s’agit d’une zone cl� dans la mesure o� Surobi est un point de passage oblig� de l’axe en provenance de Jalalabad, � l’est, pour rejoindre soit Kaboul, soit Bagram et, plus au nord, les r�publiques d’Asie centrale, � travers la fameuse vall�e de Kapisa. Ce cadre g�n�ral est important, il faut l’avoir pr�sent � l’esprit.

Suivant les directives de la FIAS, le commandant du RC-C a confi� au bataillon fran�ais la mission de reconna�tre l’ensemble de la zone qui lui avait �t� attribu�e – ce qui est normal. Les op�rations ont d�but� le 8 ao�t. L’action de combat qui a retenu l’attention s’est d�roul�e le 18 ao�t au cours d’une de ces reconnaissances, effectu�e dans la vall�e de d’Uzbeen, qui est une vall�e de 25 kilom�tres de long et qui, contrairement aux autres vall�es, est particuli�rement peupl�e puisqu’elle compte une trentaine de milliers d’habitants. La mission visait � reconna�tre les points importants du terrain et � prendre contact avec la population : dans une guerre contre-insurrectionnelle, la p�n�tration du tissu humain est en effet une cl� du succ�s. Le dispositif �tait constitu� de deux sections fran�aises, de deux sections de l’arm�e nationale afghane et d’un d�tachement des forces sp�ciales am�ricaines – douze hommes dont un JTAC (Joint Terminal Attack Controller), c’est-�-dire une �quipe permettant de guider, dans des conditions optimales, un appui a�rien. C’est au moment o� elle proc�dait � la reconnaissance d’un col contr�lant les d�bouch�s est de la vall�e que la section du 8e RPIMa est tomb�e dans une embuscade. L’embuscade est la hantise du soldat ; tout d�tachement d’infanterie envoy� sur le terrain la craint comme la peste : par d�finition, une embuscade, quand elle est bien mont�e, surprend.

� 13 heures 30, apr�s avoir atteint le village de Sper Kunday, la section du 8e RPIMa entame la reconnaissance du col situ� � 1 500 m�tres de celui-ci. La route n’�tant plus carrossable � partir de ce point, la reconnaissance s’effectue � pied. L’embuscade est d�clench�e � 15 heures 45, alors que les hommes de t�te de Carmin 2 abordent le dernier lacet conduisant au col ; c’est ce que j’appellerai � partir de maintenant l’heure � H �.

� � H � plus huit minutes, la deuxi�me section fran�aise Rouge 4, qui progressait derri�re Carmin 2, se porte � hauteur du village pour appuyer celle-ci. Elle est imm�diatement prise sous un feu nourri � partir des hauteurs nord du village.

� � H � plus vingt-cinq minutes, un sous-groupement renforc� par des �l�ments d’appui quitte la FOB Tora pour rejoindre la zone des combats. Il lui faut pr�s d’une heure pour l’atteindre en s�ret�. D�s son arriv�e, une heure et vingt minutes apr�s les premiers accrochages, elle est prise � partie aux abords du village. Elle r�ussit cependant � appliquer les premiers tirs d’appui au profit de Carmin 2 et de Rouge 4 : mortier, Milan et canon de 20 mm.

Au m�me moment, � � H � plus vingt-cinq minutes, le chef de section de Carmin 2 fait une demande d’appui a�rien. � � H � plus trente-cinq minutes, soit dix minutes apr�s – comme c’est la r�gle � la FIAS –, les avions A10 de l’arm�e am�ricaine d�tach�s � la FIAS sont sur zone. Compte tenu de l’imbrication des insurg�s et des forces fran�aises, ils ne peuvent pas ouvrir le feu ; les insurg�s ont parfaitement compris qu’en proc�dant ainsi, ils rendaient difficile le jeu des appuis.

� � H � plus deux heures et cinq minutes, Carmin 2 peut enfin entamer un repli, appuy�e par des h�licopt�res et des avions A10 am�ricains, qui peuvent maintenant appliquer leur tir. Il est 17 heures 50 et l’appui durera pr�s d’une heure. Lorsque la nuit tombe, � 19 heures 30, soit � H � plus trois heures et quarante-cinq minutes, Carmin 2 poursuit toujours son repli. Les insurg�s tentent de la devancer sur le village de Sper Kunday pour fermer la nasse et l’encercler.

� 20 heures, soit � H � plus quatre heures et quinze minutes, les renforts provenant de Kaboul arrivent sur zone. Ils r�ussissent � reprendre l’initiative des combats. Ils b�n�ficient � � H � plus cinq heures et quinze minutes de l’appui d’un drone Predator am�ricain de la coalition, qui permet de pr�ciser le renseignement et de guider les tirs d’appui. Les premiers bless�s sont �vacu�s par h�licopt�re.

� 22 heures, soit � H � plus six heures et quarante-cinq minutes, la reprise des abords est du village est lanc�e. Un C 130 � Gunship � am�ricain de la coalition commence � appliquer des tirs dans la profondeur au-del� du col. En deux heures, toute la zone du village est sous contr�le. Il est minuit, soit � H � plus huit heures et quinze minutes. Les premiers corps de nos soldats sont relev�s � 1 heure 40, soit dix heures apr�s le d�but de l’embuscade.

Au lever du jour, l’ensemble du col est sous contr�le ; alors que des tirs de harc�lement sont toujours appliqu�s par les insurg�s, l’appui a�rien des forces am�ricaines de la coalition est continu. La zone est enti�rement contr�l�e � 12 heures, soit vingt heures apr�s le d�but des combats.

� l’issue du recueil de l’ensemble des �l�ments, la mission drone du RC-Est, en appui de la coalition, se poursuit ; elle va durer jusqu’au 20 ao�t dans la matin�e, soit pr�s de quarante-huit heures apr�s le d�but de l’embuscade, afin de localiser les �l�ments rebelles r�fugi�s dans la province voisine de Laghman. Ces �l�ments sont attaqu�s gr�ce � l’action combin�e des forces sp�ciales am�ricaines et des appuis a�riens, avions et h�licopt�res, guid�s par les forces au sol, ce qui permet de d�truire deux �normes caches destin�es � la logistique des insurg�s.

Voil�, pr�sent�e de mani�re tr�s sommaire, la chronologie des faits telle que je l’ai �tablie. J’ai pass� sur beaucoup de d�tails ; nous y reviendrons si vous le souhaitez.

Cet accrochage nous ram�ne � la r�alit� des actions de guerre : quand des troupes ouvrent le feu, elles conduisent des actions de guerre. La nation dans son ensemble vient de prendre conscience qu’envoyer des militaires en op�ration comporte toujours des risques ; si ce n’�tait pas le cas, le recours � la force serait inutile, d’autres instruments permettraient d’atteindre les objectifs fix�s. Il faut avoir les id�es justes et reconna�tre que l’action de guerre, dans son essence, reste une r�alit�. Elle demeure l’affrontement de volont�s o� chacun, par l’usage de la force, tente de dicter sa loi � l’adversaire. Elle n’a pas chang� de nature, elle s’est simplement transform�e.

Comme j’ai eu l’occasion de le dire lors de mes pr�c�dentes auditions devant la commission de la d�fense de l’Assembl�e, nous sommes aujourd’hui confront�s � des op�rations plus dures, � des adversaires plus d�termin�s, qui se sont adapt�s � nos m�thodes de combat et qui entendent bien nous porter les coups les plus s�v�res. La r�alit� des conflits asym�triques, c’est que l’on bascule d�sormais instantan�ment de la basse intensit� � la haute intensit� et � l’extr�me violence. Nous sommes engag�s dans des op�rations longues et complexes, o� la pers�v�rance est le premier facteur de r�ussite. Or – et les talibans l’ont bien compris – cette pers�v�rance est impossible sans le soutien de la nation dans son ensemble et, en particulier, celui de la repr�sentation nationale. De ce fait, nous sommes engag�s dans une v�ritable bataille de la communication, dont il nous faut tirer tous les enseignements.

Je crois que tous les commentaires entendus au lendemain de l’accrochage prennent racine dans le refus d’accepter la vraie nature des op�rations de guerre ; cela est particuli�rement le cas de nos mentalit�s occidentales, encore marqu�es par les abominations de deux si�cles de guerre totale.

La vocation du soldat n’est pas de mourir. En revanche, sa grandeur est d’accepter de tuer et de se faire tuer, de donner librement sa vie pour que d’autres puissent vivre. La mort d’un soldat au combat, aussi regrettable soit-elle, reste inh�rente � l’action de guerre, qui ne pourra jamais �tre r�duite � un mod�le math�matique.

En conclusion de cette br�ve introduction, je veux saluer le courage et la bravoure dont ont fait preuve nos soldats. Partis pour une simple reconnaissance, ils ont trouv� la mort, avec noblesse et h�ro�sme. Je rappelle le bilan des coups port�s � l’adversaire, que nous connaissons gr�ce aux t�moignages de nos soldats, aux renseignements fournis par les capteurs am�ricains et aux �coutes des r�seaux de communication adverses : entre trente et quarante rebelles ont �t� mis hors de combat dans la journ�e du 18 ao�t et autant le lendemain, lors des interventions du RC-Est. Je veux aussi rendre hommage � la dignit� des familles de nos morts, ainsi qu’au courage de leurs fr�res d’armes qui, rest�s sur place, ont �t� profond�ment bless�s – vous le rappeliez, monsieur le pr�sident – par les commentaires sur leur jeunesse, leur pr�paration insuffisante ou leur �quipement d�fectueux. Enfin, je note que, depuis l’embuscade d’Uzbeen, le 18 ao�t dernier, vingt-deux autres soldats de la coalition ont trouv� la mort, rejoignant ainsi la liste des 879 qui ont donn� leur vie depuis le d�but des op�rations en 2001.

Les questions que vous m’avez pos�es touchent � la nature m�me des op�rations conduites en Afghanistan et aux conditions dans lesquelles elles sont men�es.

Pour aborder la question des effectifs, il convient d’avoir � l’esprit l’encha�nement des �v�nements qui ont conduit � la situation pr�sente, le point de d�part �tant les attentats du 11 septembre 2001. Une coalition, men�e par l’arm�e am�ricaine et � laquelle nous avons particip�, s’est alors mise en place et a lanc� les premi�res op�rations destin�es � d�truire les camps d’entra�nement des terroristes et � renverser le r�gime taliban. Ensuite, la conf�rence de Bonn a repr�sent� une �tape essentielle, en fixant le cadre des actions men�es – non seulement sur le plan militaire, mais aussi sur tous les autres aspects – en en attribuant des responsabilit�s � chaque pays de la coalition. L’Afghanistan a �t� dot� d’un gouvernement provisoire de fa�on � ce que l’�tat retrouve un fonctionnement normal. Par la suite, une assembl�e nationale a pu �tre �lue, un gouvernement et un pr�sident ont �t� d�sign�s et une constitution a �t� adopt�e. Ni la police, ni l’arm�e locale n’�tant en mesure d’assurer la s�curit� du pays, il a �galement �t� d�cid�, lors de cette conf�rence, de confier, � titre provisoire, ce r�le � une force internationale d’assistance et de s�curit� jusqu’� ce que les forces afghanes puissent prendre le relais. D�s le d�part � l’afghanisation � �tait le but poursuivi par la communaut� internationale.

Depuis lors, des conf�rences ont eu lieu chaque ann�e. � Londres, en 2006, un document capital, l’Afghan compact, a �t� �labor�. Il fixe des objectifs quantifi�s dans des domaines tels que la gouvernance, le d�veloppement �conomique, les droits de l’homme ou la s�curit�. Il confirme la volont� de transf�rer aux Afghans eux-m�mes la charge d’assurer la s�curit� du pays. Ce document a �t� repris lors du sommet de Bucarest dans un autre document, qui d�taille la strat�gie adopt�e par l’OTAN. Contrairement � ce que j’entends souvent dire, en effet, il y a une strat�gie en Afghanistan, et celle-ci d�coule des trois documents que je viens de citer, compl�t�s par la r�solution des Nations unies. La strat�gie politico-militaire reprise � Bucarest repose sur sept objectifs: assurer un environnement s�curis� ; assister le gouvernement dans le d�veloppement de l’ANA, l’arm�e nationale afghane ; permettre, gr�ce aux �quipes provinciales de reconstruction, l’expression de l’autorit� du gouvernement et de l’�tat de droit ; soutenir la stabilit� r�gionale – le Pakistan, mais aussi l’Iran sont nomm�ment cit�s ; am�liorer la communication strat�gique et prendre l’ascendant sur celle des talibans, en particulier en ce qui concerne les dommages collat�raux, r�els ou suppos�s ; soutenir le gouvernement dans le domaine de la lutte contre la drogue ; et, enfin, am�liorer la coordination internationale en favorisant l’expansion de la mission d’assistance des Nations Unies en Afghanistan (MANUA).

La derni�re conf�rence de suivi de l’action de la communaut� internationale s’est tenue � Paris. Elle n’�tait pas seulement une conf�rence de donateurs, mais a conduit � r�affirmer les objectifs affich�s, notamment par le Pr�sident de la R�publique, � Bucarest : s’engager durablement au c�t� des Afghans, renforcer la mission des Nations Unies et mettre le gouvernement afghan devant ses responsabilit�s. C’est dans ce cadre g�n�ral que doit se comprendre l’action des forces de l’OTAN.

L’action militaire est confi�e � l’Alliance atlantique. Dans ce domaine, on ne peut que constater la supr�matie des Am�ricains, lesquels repr�sentent 38,8 % des forces d�ploy�es. Dans ces conditions, il faudrait �tre hypocrite pour s’�tonner de les voir ma�triser le tempo des op�rations. Par ailleurs, une autre caract�ristique importante des forces d�ploy�es en Afghanistan est qu’elles sont � caveatis�es �. Cela signifie que le g�n�ral am�ricain McKiernan, qui commande les 50 000 hommes de la FIAS – mais aussi les forces am�ricaines et de celles de l’op�ration Enduring freedom –, ne dispose pas librement des troupes mises � sa disposition, car les nations imposent des restrictions sur l’usage de leurs forces. Par exemple, l’Allemagne, qui a des troupes dans le nord de l’Afghanistan, interdit qu’elles soient employ�es ailleurs, et limite � certains cas d�termin�s l’usage de ses avions Tornado. Il en est de m�me pour l’Italie, stationn�e dans l’ouest du pays, etc. Au total, il existe une liste impressionnante de 83 caveat. Ainsi, avant de s’interroger sur le volume des effectifs, il faut s’interroger sur le fonctionnement d’une coalition, car toutes ces contraintes compliquent la t�che des commandants sur le th��tre des op�rations.

De m�me, avant de poser la question des effectifs, il convient de savoir quelle est l’action men�e sur le terrain. J’entends parfois poser la question : � quand y aura-t-il victoire – ou d�faite ? � Mais nous ne sommes pas dans un sch�ma de type clausewitzien : il ne s’agit ni de d�truire un ennemi identifi�, ni de conqu�rir des territoires. Il s’agit d’une entreprise combin�e, civilo-militaire, qui comprend des actions de d�veloppement dans toutes les branches d’activit�. Des progr�s ont ainsi �t� accomplis dans les domaines de l’�ducation, des communications, de l’eau, etc. Dans ce domaine du d�veloppement, l’Allemagne, par exemple, met plus d’argent qu’un pays comme le n�tre. De m�me, les PRT, c’est-�-dire les �quipes provinciales de reconstruction – dont nous ne faisons pas partie – sont des �l�ments cl�s de la tactique sur le terrain. Les troupes militaires sont l� pour assurer une pr�sence, rassurer la population et faire en sorte que celle-ci abandonne les talibans et bascule du c�t� du gouvernement afghan.

Bien entendu, compte tenu de l’�tendue du pays, si nous reprenions, par exemple, les ratios employ�s en Alg�rie, il faudrait un ou deux millions de soldats. Ce n’est �videmment pas ce que je r�clame. Tout d�pend de notre d�termination et de l’objectif que nous souhaitons atteindre. Avons-nous vocation � mener une op�ration d’une telle ampleur ? Ce n’est pas � moi de r�pondre � cette question.

Nous menons des op�rations de contre-insurrection : il s’agit de d�stabiliser un adversaire qui se structure progressivement et devient de plus en plus efficace. Dans un tel contexte, le renseignement constitue une des cl�s du succ�s. Celui-ci n’est pas seulement affaire de satellites et de capteurs – m�me s’ils ont leur r�le � jouer – mais consiste en un ensemble de perceptions permettant d’�valuer l’�tat de la menace repr�sent�e par les talibans. Tous les livres consacr�s � la guerre insurrectionnelle insistent en particulier sur la n�cessit� d’�tablir un organigramme de la r�bellion, car en neutralisant leurs chefs, on rend plus difficile l’action des rebelles. On a beaucoup entendu parler, ces derniers temps, de � soldats de la paix �, de � french touch �, mais la r�alit� op�rationnelle � laquelle nous sommes confront�s est aujourd’hui beaucoup plus difficile.

Les Am�ricains ont fait d’un �crivain fran�ais totalement inconnu en France, David Galula, l’inspirateur de toute leur action. Il est int�ressant de relire, en ayant � l’esprit la situation en Afghanistan, les r�flexions de cet auteur sur les conditions de succ�s d’une insurrection. Ces conditions sont l’existence d’une cause � d�fendre – c’est le cas pour les talibans ; d’une faiblesse dans la contre-insurrection – contraintes propres � la constitution d’une coalition internationale, moyens chichement distribu�s, caveat de toutes sortes; d’une g�ographie favorable – l’Afghanistan est un pays tr�s montagneux et connaissant des conditions climatiques extr�mes, avec des temp�ratures de 40 degr�s en �t� et de moins 15 en hiver ; d’un soutien ext�rieur, qu’il soit moral, politique, technique, financier ou militaire – c’est le cas pour les talibans, qui re�oivent des financements en provenance du Pakistan ou d’autres pays du golfe arabo-persique. Par ailleurs, selon Galula, une strat�gie victorieuse contre l’insurrection passe par huit �tapes : d�truire ou expulser la majorit� des insurg�s ; d�ployer des unit�s statiques au contact de la population ; renforcer le contr�le de celle-ci ; d�truire les structures politiques de l’insurrection ; organiser des �lections locales ; tester la fiabilit� des leaders �lus ; organiser un parti de gouvernement ; enfin, nettoyer les derni�res poches de r�sistance. Je ne rappelle pas tout cela pour indiquer ce qu’il faut faire ; je r�sume simplement ce que sont, d’apr�s les gens qui ont r�fl�chi � ces questions, les conditions optimales pour parvenir � des r�sultats significatifs dans une guerre de type contre-insurectionnelle, dont l’issue d�pend en grande partie de la d�termination dont on fait preuve.

�videmment, il faudrait davantage d’effectifs. Mais les pays europ�ens y sont-ils pr�ts ? Est-ce souhaitable sur le plan politique ? Ce n’est pas � moi de r�pondre. Mais je note que d’apr�s le g�n�ral Schloesser, qui commande la RC-Est, depuis l’arriv�e, dans la r�gion de Kapisa, d’un bataillon fran�ais de 700 hommes – ce qui repr�sente un effectif taill� au plus juste –, six chefs talibans r�gionaux ont �t� tu�s, et les villageois sont plus nombreux � offrir spontan�ment des renseignements � l’arm�e nationale afghane et aux embedded training teams. Cela traduit une plus grande confiance de la population et une plus grande emprise du gouvernement afghan sur la r�gion. De m�me, dans les vall�es qui, comme celles d’Uzbeen ou de Tizin, sont gouvern�es par Surobi, m�me si un seul bataillon repr�sente un effectif faible, la combinaison de diff�rentes actions permet de parvenir � des r�sultats. Si elle veut �tre plus efficace, la communaut� internationale doit donc rendre plus souples les capacit�s du commandement de la FIAS sur l’ensemble des forces qui sont mises � sa disposition, poursuivre opini�trement les objectifs, tant civils que militaires, qu’elle s’est fix�s, d�velopper le renseignement et pers�v�rer dans le processus d’afghanisation. La formation de l’arm�e et de la police du pays doit se poursuivre, en d�pit des critiques et malgr� les incidents qui ne manqueront pas de survenir. Nous avons d�j� transf�r�, depuis le 28 ao�t, un certain nombre de districts de Kaboul aux Afghans, et la ville ne s’est pas effondr�e pour autant. Notre calendrier devrait d’ailleurs nous conduire � transf�rer, d’ici � l’�t�, l’ensemble de la r�gion Centre aux autorit�s afghanes, � l’exception du district de Surobi, qui pourrait �tre rattach� � la r�gion Est.

M. Fran�ois Lamy. Une observation, tout d’abord. Ce que nous apprend le drame du 18 ao�t, c’est que la mission de nos forces a �volu� avec le temps, mais sans qu’elle fasse l’objet d’un d�bat dans notre pays. D’une guerre contre le terrorisme, visant � d�manteler Al-Qa�da et � chasser les talibans qui soutenaient cette organisation, nous sommes pass�s � une guerre de contre-insurrection. Le vocabulaire que vous employez traduit d’ailleurs cette �volution : vous parlez d’insurg�s, et non plus de terroristes. Une clarification est donc n�cessaire, m�me si elle ne rel�ve pas, mon g�n�ral, de votre comp�tence.

On peut comprendre les objectifs d�termin�s par les diff�rents textes que vous avez cit�s. Il reste n�anmoins qu’� c�t� des actions de s�curisation men�es par la FIAS, une autre op�ration est men�e sous commandement am�ricain – � laquelle participent, si j’ai bien compris, nos avions de combat : c’est l’op�ration Enduring freedom, qui comprend de v�ritables actions de guerre. N’y a-t-il pas une contradiction entre l’une et l’autre ? La seconde ne risque-t-elle pas d’annihiler les efforts r�alis�s par la premi�re ?

Ma deuxi�me question porte sur la protection des troupes. Les Canadiens, qui ont subi de lourdes pertes, et op�rent d�sormais dans la r�gion de Kandahar, se sont aper�us qu’ils ne disposaient pas du mat�riel ad�quat et ont proc�d� � des achats sur �tag�res – notamment des blind�s l�gers sud-africains � l’�preuve des mines, des h�licopt�res, des chars L�opard. Comme tout le monde semble s’accorder � juger insuffisant l’�quipement de nos troupes, ne devrions-nous pas changer de politique et ne pas attendre que du mat�riel de fabrication fran�aise soit disponible ?

Ma troisi�me question concerne la rotation des 350 hommes du 3e RPIMa, dont la mission, semble-t-il, passe de quatre � six mois. Cette r�gle s’applique-t-elle � toutes les troupes engag�es en Afghanistan ?

M. Jack Lang. Je voudrais d’abord remercier les pr�sidents des deux commissions d’avoir bien voulu organiser cette s�rie d’auditions, qui nous permettra de mieux pr�parer le d�bat du 22 septembre.

Ensuite, je souhaite formuler une remarque d’ordre juridique et politique. L’Assembl�e nationale va �tre appel�e � d�battre et � se prononcer sur l’intervention des forces arm�es en Afghanistan, ce qui constitue un progr�s. Or, dans la Constitution r�vis�e, nous avons affirm� que les auditions organis�es au sein des commissions auraient d�sormais un caract�re public. Nos commissions, qui vont jouer un r�le plus important, participeront ainsi � l’information du pays. Mais je regrette qu’une distinction soit effectu�e entre les personnalit�s civiles et militaires, ces derni�res ne pouvant �tre entendues en pr�sence de la presse. Le caract�re public des auditions est une fa�on de d�mocratiser nos institutions. Pourquoi ne pourrions-nous faire chez nous ce qui est possible dans d’autres pays, notamment aux �tats-Unis ? Je pense notamment � l’hearing, qui a dur� plusieurs heures, du g�n�ral Petraeus devant le S�nat am�ricain. Nous devons nous interroger sur ce sujet et trouver une r�ponse adapt�e. Des exemples glorieux, dans le pass�, ont montr� que, m�me dans les circonstances les plus graves, le r�le des parlements et l’existence de la d�mocratie n’�taient pas incompatibles avec la bonne conduite d’op�rations militaires.

J’en viens au sujet qui nous occupe, et plus particuli�rement � la question des rapports de nos forces avec la population, sur laquelle, comme tout citoyen, je m’interroge. N’avez-vous pas le sentiment qu’� mesure que l’op�ration dure – et je n’ose pas dire s’�ternise –, les arm�es pr�sentes sont de plus en plus per�ues comme des arm�es d’occupation ? D�s lors, l’objectif de s’appuyer sur la population locale pour combattre ceux que vous appelez les insurg�s, ou les terroristes, n’est-il pas de plus en plus �loign� ?

Par ailleurs, quelles sont vos informations au sujet des bavures am�ricaines, qui semblent se produire de plus en plus fr�quemment ?

M. Philippe Folliot. Les tragiques �v�nements des 18 et 19 ao�t ont provoqu� beaucoup d’�motion dans le pays – en particulier dans la ville de Castres. L’opinion a �t� surprise, parce que beaucoup ont d�couvert � ce moment que la nature de notre engagement en Afghanistan avait chang�. Cette guerre contre-insurrectionnelle n’a pas commenc� le 18 ao�t ; elle dure depuis des ann�es, mais, auparavant, nous n’�tions pas en premi�re ligne. Aujourd’hui, nous y sommes, � l’instar d’autres membres de l’Alliance – Anglais, Am�ricains, Canadiens ou Hollandais. Notre statut au Conseil de s�curit� de l’ONU implique en effet un certain nombre de droits, mais aussi de devoirs, que notre pr�sence en premi�re ligne est sans doute une fa�on d’assumer.

Il est clair que nous devons nous interroger sur la nature de notre engagement, mais aussi sur les �quipements attribu�s � nos soldats sur le terrain, qui ne sont d’ailleurs pas les m�mes selon qu’il s’agit des forces sp�ciales ou d’unit�s plus conventionnelles. Jugez-vous les �quipements adapt�s aux op�rations ? Des efforts importants ont �t� accomplis en ce domaine, mais sont-ils suffisants ?

Compte tenu de notre engagement en Afghanistan et de la nature du conflit, on peut craindre que l’op�ration du 18 ao�t ne soit pas la derni�re dans laquelle nous laisserions des hommes sur le terrain. Ma question concerne la fa�on dont notre pays � encaisse � ces pertes. Je pense, non au discours fait avec �-propos par le Pr�sident de la R�publique aux Invalides, mais � la visite des familles, qui aura lieu dans quelques jours. En tant que chef d’�tat-major des arm�es, que pensez-vous de cette visite ? Consid�rez-vous qu’un pr�c�dent est cr��, et qu’il faudra agir de m�me chaque fois que des hommes tomberont sur le th��tre des op�rations ? Dans le cadre de la guerre des opinions � laquelle nous assistons, notre position ne risque-t-elle pas de s’en trouver fragilis�e ? Nos ennemis ont en effet appris � ma�triser l’arme de l’�motion, comme le prouve la publication r�cente de certaines photos dans un hebdomadaire.

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es. Vos questions sont nombreuses… La premi�re d’entre elles porte sur l’�quipement des soldats fran�ais en Afghanistan. D’une mani�re g�n�rale, on fait la guerre avec les moyens dont on dispose au moment o� elle nous surprend. L’�tat de pr�paration d’un pays qui doit faire face � des op�rations militaires r�sulte de d�cisions prises ant�rieurement. Notre pays est engag� en Afghanistan et nous red�couvrons la r�alit� des op�rations de guerre. Les Am�ricains l’avaient red�couverte avant nous, puisqu’ils d�plorent 580 morts, sans compter les 100 morts canadiens. Jusqu’� pr�sent, nous nous trouvions dans la r�gion Centre, o� les menaces �taient essentiellement li�es � des attentats par IED ou � des attaques suicides.

Il est �vident que l’arm�e fran�aise se d�ploie en Afghanistan avec les moyens que les budgets et les lois de programmation successives lui ont accord�s. Je ne souhaite pas pol�miquer sur ce sujet, mais certains programmes ne b�n�ficient pas des m�mes soutiens que d’autres, plus embl�matiques, et que ce sont eux qui sont les premiers amput�s. C’est ainsi que le VBCI – v�hicule blind� de combat d’infanterie – a environ cinq ans de retard. Ces retards sont li�s � l’ensemble du processus de d�cision – je n’accuse naturellement personne. Quoi qu’il en soit, la qualit� d’une unit� tient autant � son commandement, � son entra�nement et � son leadership qu’� ses �quipements. Chacun sait qu’au combat, la force morale et la d�termination des personnes sont un �l�ment important du succ�s.

Apr�s ces quelques consid�rations d’ordre g�n�ral, j’en reviens � votre question sur l’�quipement de notre arm�e. Je dispose d’un dossier qui met en �vidence les effets des IED – Improvised explosive devices – sur les v�hicules de la coalition. Tous ces v�hicules, y compris les Humvees am�ricains et les v�hicules canadiens, ont, � un moment ou � un autre, �t� compl�tement d�truits par un IED, m�me si les effets de ceux-ci sont li�s � des facteurs conjoncturels : position et volume de la charge, position du v�hicule par rapport � l’IED. Jusqu’� pr�sent, dans les attentats � l’IED, nos VAB – v�hicules de l’avant blind�s – ont plut�t bien r�sist�. Et je refuse le proc�s qui nous est fait d’envoyer nos soldats au combat la poitrine nue. C’est faux ! Nous avons valoris� les VAB en les rendant les plus performants sur le plan du blindage et du brouillage �lectronique face aux IED.

S’agissant du bataillon que nous avons envoy� dans la r�gion de Kapisa, le 8e RPIMa, nous avons accompli un effort consid�rable en mati�re de formation et d’�quipement. Cela dit, nous connaissons les faiblesses du VAB : il serait pr�f�rable que les servants de mitrailleuse ne soient pas oblig�s de s’exposer. C’est ainsi qu’un soldat a �t� tu� il y a un an dans la r�gion du Wardak, dans le cadre des OMLT (Operational mentoring liaison teams).

Cela est pass� totalement inaper�u, mais nous avons d�ploy� r�cemment une �quipe d’OMLT de Kaboul � Kandahar, ce qui correspond � pr�s d’une dizaine d’heures de route. Lors de ce mouvement, cette �quipe a �t� accroch�e six fois par les rebelles, accrochages qui prennent l’appellation de TIC (Troops in contact), selon le nouveau jargon de l’OTAN. Notre OMLT a en particulier subi un attentat suicide : un insurg� s’est servi d’une moto bourr�e d’explosif pour attaquer leurs VAB, mais personne n’est mort et il n’y a eu aucun bless� grave.

Depuis le 18 ao�t dernier, le bataillon du 8e RPIMa est en contact quotidien avec les talibans dans les vall�es autour des FOB de Nijrab et de Tagab, et il est amen� � ouvrir le feu. Nous ne comptons aucun bless�, ce qui tend � prouver que notre �quipement n’est pas aussi d�ficient que certains le pr�tendent, avec une certaine complaisance. De la m�me mani�re, j’ai �t� tr�s choqu� de d�couvrir, � l’occasion des d�bats qui ont suivi la parution du Livre blanc, le proc�s en mis�rabilisme fait � l’arm�e fran�aise, proc�s qui �clatait apr�s avoir entendu chanter les �loges de nos arm�es en op�ration.

Je ne dis pas que tout est bien. Comme nos partenaires, nous devons am�liorer la protection de nos v�hicules, acc�l�rer un certain nombre de programmes, et, lorsque c’est n�cessaire, proc�der � des achats de mat�riel sur �tag�re. Mais cessons de dire que nous sommes moins bien �quip�s que les autres, car ce n’est pas juste. L’exp�rience nous montre que nos alli�s, dans les conditions particuli�res d’un combat, peuvent eux aussi se trouver expos�s, quelle soit la qualit� de leur �quipement. La meilleure protection du soldat, je le r�p�te, c’est d’abord son entra�nement, la qualit� de ses chefs et, dans ce type de conflit, le renseignement, c’est-�-dire notre aptitude � �tre renseign�s, sur le terrain, sur les intentions et les capacit�s de l’adversaire.

Je vais r�pondre � votre question sur l’OEF, la FIAS, et les victimes civiles. Il y a effectivement deux op�rations en Afghanistan : l’OEF, � dominante am�ricaine, lanc�e apr�s les attentas du 11 septembre, dans la mouvance de la lutte antiterroriste, et la FIAS, qui s’est progressivement �tendue � l’ensemble de l’Afghanistan, conform�ment aux phases 1, 2 et 3 du plan de l’OTAN.

Je suis convaincu que l’unit� de commandement est pr�f�rable � des commandements s�par�s. Cela me para�t plus clair. Une telle unit� permettrait d’�viter un certain nombre de difficult�s et de malentendus qui ont des cons�quences sur les populations : en effet, chaque fois qu’une action g�n�re des victimes civiles, cela fait le jeu des insurg�s. Je vous pr�cise que je n’oppose pas le mot � insurg� � � celui de � terroriste �, ce dernier se recrutant parmi les insurg�s. Je suis donc favorable � une unit� de commandement.

Les �tats-Unis, qui repr�sentent 50 % des d�penses mondiales consacr�es � l’armement et 40 % des effectifs d�ploy�s en Afghanistan, comptent � ce jour 580 morts : il faut comprendre que face � des nations qui � caveatisent � � outrance leurs unit�s, qui restent dans leur FOB comme dans un bunker, au lieu d’aller sur le terrain pour remplir leurs missions – comme le font les n�tres – , les �tats-Unis sont enclins, compte tenu de leur immense sup�riorit� mat�rielle, � prendre des dispositions pour assurer la s�curit� de leurs troupes.

Vous m’interrogez sur les victimes civiles. Je suppose qu’il s’agit de l’information selon laquelle 90 personnes auraient �t� tu�es � cause d’une erreur de la coalition. Bien entendu, cela a �t� d�menti par le g�n�ral qui commande la FIAS. Je dirais, pour ma part, que la v�rit� n’est pas in between mais plut�t du c�t� de celui qui a d�clench� l’op�ration. Je m’explique. La coalition a obtenu un renseignement selon lequel des chefs talibans, des seigneurs de la guerre et des trafiquants de drogue devaient se r�unir. Ayant eu connaissance de ce renseignement, la coalition a d�cid� de traiter l’objectif et de le d�truire. Voil� la th�se officielle. H�las, trois enfants qui se trouvaient l� ont �t� tu�s.

L’ONU, sans prendre le temps de consulter le commandant de la FIAS, a imm�diatement publi� un communiqu�, par le biais de ses services sur place, reprenant les d�clarations des autorit�s afghanes, sur la mort de 90 personnes. Il e�t �t� pr�f�rable qu’un minimum de coop�ration existe entre les diff�rents acteurs internationaux qui se soucient de l’avenir de l’Afghanistan.

Dans cette affaire, on retrouve le probl�me habituel d’une approche am�ricaine fond�e sur la notion d’�crasement de l’adversaire. Cela se passe diff�remment dans le cadre de l’OTAN, o� les r�gles d’engagement sont d�finies selon des protocoles extr�mement pr�cis.

Dans cette affaire, on retrouve aussi les pr�occupations du pr�sident Karza� qui, � la veille d’une campagne �lectorale, prend ses distances avec la coalition puisqu’il a souhait� que soient revues les conditions de son d�ploiement. Naturellement, s’il signifiait � la coalition qu’il n’a plus besoin d’elle, elle se retirerait. Cela r�glerait le probl�me, mais les talibans reviendraient au pouvoir.

J’en viens � la question de la dur�e du s�jour de nos soldats sur le terrain. J’ai personnellement souhait� que celle-ci passe de quatre � six mois. Pourquoi ? Permettez-moi d’employer un anglicisme, mais il faut que les soldats et leurs chefs, sur le terrain, soient in the mood, qu’ils soient p�n�tr�s de l’esprit de leur mission. Or, quatre mois ne suffisent pas : on arrive, on met un mois pour s’installer, on remplit sa mission pendant deux mois et l’on repart. Les Am�ricains, quant � eux, restent plus d’un an sur le terrain. Le g�n�ral am�ricain qui commande la RC-Est est l� depuis quinze mois. On ne peut pas conduire des actions de ce genre si les personnes ne passent pas un certain temps sur le terrain. J’ai entendu les r�actions provoqu�es par ma prise de position : j’en ai d’ailleurs discut� avec les soldats du 8e RPIMa et ceux du 3e RPIMa, qui va remplacer le r�giment de marche du Tchad. Comme je l’ai d�j� indiqu�, je suis tr�s pr�occup� par la banalisation du m�tier militaire. J’estime qu’un soldat doit �tre capable de partir six mois en op�ration, et qu’il doit �tre soutenu par sa � base arri�re �. Je sais bien que la d�cision d’allonger la dur�e du s�jour de nos soldats sur le terrain a suscit� de nombreuses r�ticences de la part des familles. Il sera d’ailleurs int�ressant d’observer l’impact de cette affaire du col d’Uzbeen sur nos recrutements et sur les contrats des personnes actuellement sur le terrain ; je suis pour ma part convaincu qu’il sera faible.

Comme vous l’avez sans doute vous-m�mes constat�, j’ai �t� frapp� par la d�termination de nos soldats sur le terrain. Cette affaire a provoqu� une prise de conscience et stimul� leur d�termination car elle rappelle � chacun ce que signifie� �tre soldat �. Il est vrai que, depuis, dans de nombreuses familles, on incite les jeunes � ne plus s’engager. Les Am�ricains ont connu cela. Pour en avoir discut� avec mon homologue britannique, je sais que toutes les arm�es qui s’engagent dans des op�rations plus dures connaissent un temps d’ajustement ; nous n’y �chapperons pas. Je pense malgr� tout qu’il convient d’augmenter la dur�e des s�jours si l’on veut que nos unit�s soient plus performantes, leurs chefs davantage in the mood, dans l’esprit de la mission, et leur instinct mieux aiguis�. Dans ce type d’op�ration, il faut sentir les choses. Pour cela, il faut �tre immerg�, et cela n’est possible qu’en passant un certain temps sur place.

J’en viens � la question de la visite des familles sur le th��tre des op�rations. La d�cision a �t� prise, je ne ferai donc aucun commentaire. Je vous rappelle simplement que nous avions fait la m�me chose – dans un contexte tr�s diff�rent – pour les victimes de Bouak�, dont les familles avaient �t� invit�es � se rendre sur le terrain. Il est �vident que l’exercice deviendrait difficile si le rythme de nos pertes s’acc�l�rait.

M. Jacques Remiller. Certains rescap�s, encore hospitalis�s ou rentr�s dans leur famille, semblent infirmer la th�se officielle. Pouvez-vous, mon g�n�ral, nous faire part de votre point de vue sur cette question ?

Par ailleurs, lors de son audition, le ministre de la d�fense a �voqu� la faiblesse des moyens a�riens et la question des drones. Ce sujet rel�ve peut-�tre du secret d�fense, mais je me permets de vous poser la question que j’ai pos�e au ministre et � laquelle il n’a pas r�pondu : � l’�poque de la guerre entre les Sovi�tiques et les Moudjahidins, ces derniers poss�daient des missiles Stinger, qui leur permettaient d’abattre les moyens a�riens de leurs adversaires. � votre connaissance, les talibans disposent-ils aujourd’hui de telles armes, qui, selon certaines sources, leur auraient �t� transmises – ce qui pourrait expliquer la faiblesse des moyens a�riens mis en œuvre pour prot�ger nos soldats ?

Mme Patricia Adam. Personne ici ne met en doute le professionnalisme des hommes – et des quelques femmes – qui sont pr�sents sur le terrain. Notre confiance en eux est totale. Il �tait important de le pr�ciser, particuli�rement �tant donn� le climat qui r�gne actuellement.

Je souhaite obtenir plus de pr�cisions � propos des moyens, question � laquelle vous n’avez pas v�ritablement r�pondu. Quels sont les moyens qui vous manquent aujourd’hui en mati�re de renseignement – et, comme vous, je pense que le renseignement est essentiel –, d’�quipement des hommes, de puissance de feu, d’h�licopt�res ? Sachant que vous connaissez les r�ponses, j’aimerais que vous nous r�pondiez tr�s pr�cis�ment, d’autant que, avec l’examen du budget, nous allons aborder dans quelque temps les questions financi�res.

Par ailleurs, nous avons appris, par la presse et au cours de diff�rentes rencontres avec des militaires, que certains d’entre eux, en particulier au sein de l’arm�e de terre, engagent leurs fonds propres pour s’�quiper. Est-ce exact ? Si c’est le cas, comment rem�dier � une telle situation ?

M. Jean-Claude Viollet. �voquant la coalition et ses difficult�s, vous avez, mon g�n�ral, cit� Clausewitz, pour pr�ciser nous ne nous retrouvons pas dans un environnement de ce type. Mais que pensez-vous de la coalition ennemie ? La pr�sentation qu’en font nos alli�s am�ricains est celle de la lutte du bien contre le mal. � mon avis, cela ne correspond pas � la r�alit� des choses. Nous sommes face une coalition : aux nostalgiques du r�gime abattu en 2001 et aux djihadistes d’Al-Qa�da – qui, pour un certain nombre d’entre eux, ne sont pas afghans – viennent s’ajouter quelques seigneurs de la guerre au fonctionnement f�odal bien connu. Parmi ceux-ci figure Hekmatiar, dont les liens avec les services pakistanais ne sont peut-�tre pas aussi distendus que cela. Si je cite ce personnage, c’est qu’il a �t� dit ici ou l� qu’il pourrait ne pas �tre totalement �tranger � une intervention situ�e dans sa zone d’influence, compte tenu de ses vis�es sur Kaboul. N’oublions pas que les �lections pr�sidentielles auront lieu l’ann�e prochaine et les �lections l�gislatives l’ann�e suivante ! Ni le pr�sident Karza� ni nos alli�s am�ricains ne consentiront � �voquer l’existence d’une telle coalition. Pour autant, qu’en pensez-vous ? Je n’attends pas de vous une r�ponse politique, mais une appr�ciation de militaire avis�, qui permette aux parlementaires que nous sommes de prendre leurs responsabilit�s. Et je fais r�f�rence ici � ce qui a �t� fait avec le Hamas � Gaza. Dans la population musulmane, les djihadistes sont ultra-minoritaires, ce qui n’est pas le cas des islamistes. Faute de pouvoir obtenir une victoire totale, un jour, la n�gociation devra s’imposer. Pour sortir de la crise, il faut savoir ce que nous cherchons.

Ma deuxi�me question porte sur les moyens d�ploy�s par rapport aux besoins. Le nombre de nos h�licopt�res, par exemple, est d�ficitaire. Je pense en particulier aux Tigre, en tr�s petit nombre au sein de nos forces. Ne pourraient-ils �tre d�ploy�s dans leur premi�re version ? Quel est votre avis sur ce point, notre pr�sident ayant parl� de renforcer nos moyens avec quelques Caracal ?

Quant aux drones, nous savons que certains sont disponibles. Pourquoi ne sont-ils pas d�ploy�s ? Et si nous avons besoin de drones, pourquoi n’avons-nous pas recours, comme d’autres forces pr�sentes sur le terrain, � la location ?

Je ne reviendrai pas sur les blind�s.

Pour conclure, le Livre blanc fait express�ment r�f�rence aux crash programs, qui correspondent � l’urgence d’une intervention � l’ext�rieur. Hier, lors des universit�s d’�t� de la d�fense, j’ai indiqu� qu’il nous faudrait prendre la responsabilit� politique de dire au Gouvernement que s’il en �tait besoin, les acquisitions et locations de mat�riel devaient �tre faites sur la ligne budg�taire consacr�e aux OPEX. De deux choses l’une : ou bien l’on consid�re qu’il y a des besoins en Afghanistan, et on les satisfait par ce biais, ce qui permet � nos forces de remplir leur mission ; ou bien on ne les satisfait pas, et il ne faut pas envoyer de forces ! Mais ce n’est pas de votre responsabilit�, mon g�n�ral : c’est notre responsabilit� de parlementaires, et c’est la raison pour laquelle je tenais � �voquer ici ces deux points.

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat major des arm�es. Monsieur le d�put�, je partage totalement vos propos !

Je voudrais dire � M. Remiller qu’il n’y a pas de th�se officielle, mais seulement une v�rit�, celle des faits. J’ai demand� au colonel Paulet, ancien commandant du 2e r�giment �tranger de parachutistes de reconstituer cet accrochage dans son ensemble. Pour cela, il a interrog� tous les bless�s, notamment le chef de section – je les ai moi-m�me rencontr�s. Apr�s avoir confront� toutes les informations, nous avons reconstitu� les �v�nements, notamment les conditions de la mort de nos neuf camarades – le dixi�me �tant d�c�d� dans un accident de VAB. � Kaboul, les journalistes se sont pr�cipit�s sur les bless�s et chacun d’entre eux a racont� ce qu’il avait per�u sur le terrain, sans avoir une vision d’ensemble. Vous avez d’ailleurs remarqu� que des informations contradictoires nous �taient parvenues. Je comprends que l’on puisse douter des d�clarations du commandement, mais j’ai trouv� regrettable que nous soyons suspect�s d’embl�e, ce qui n’�tait pas loin d’une accusation. Je sais bien que c’est la r�gle de la d�mocratie et de la libert� de la presse, et je prends cela comme une donn�e de terrain. Mais il n’y a pas de th�se officielle, qui aurait �t� invent�e comme au temps du Second Empire et qui contredirait ce qu’ont d�clar� les bless�s.

S’agissant des missiles Stinger, si les talibans en poss�dent ils ne les utilisent pas. La coalition poss�de la supr�matie a�rienne, mais cela ne signifie pas que les h�licopt�res soient la panac�e : les talibans en ont abattu plusieurs. Au cours des dix derniers jours, nos h�licopt�res ont subi six agressions : tirs d’armes l�g�res ou de RPG-7. Des h�licopt�res am�ricains ont �t� d�truits au d�but de l’OEF en 2002-2003, occasionnant plusieurs dizaines de victimes, notamment au cours de missions de reconnaissance. Il est �vident que si nous avions mis en place des h�licopt�res le 18 ao�t et que ceux-ci avaient �t� abattus, les m�mes qui nous critiquent pour avoir conduit une reconnaissance � pied auraient trouv� cela incompr�hensible. � ma connaissance, les talibans n’ont pas d’armement du type que vous �voquez, et heureusement, car leurs capacit�s tactiques sont tout � fait remarquables.

L’un des bless�s nous a confi� qu’il attendait une intervention des A-10 d�s leur arriv�e. Mais si nous l’avions fait, les tirs auraient �t� fratricides. � cet �gard, je rappelle que l’examen des corps de nos soldats a permis d’�carter l’hypoth�se de tir fratricide !

J’en viens aux questions sur les �quipements ; si vous le permettez, je vais les regrouper, tout en essayant de r�pondre aussi pr�cis�ment que possible.

Je souscris tout � fait � la derni�re partie de votre intervention, monsieur le d�put� Viollet. On peut r�ver que tout bataillon fran�ais soit d�ploy� avec ses h�licopt�res, ses drones et sa batterie propres. H�las, l’arm�e fran�aise n’est pas taill�e de telle sorte qu’un �quipement aussi riche soit envisageable. En revanche, nous faisons partie d’une coalition, ce qui fait que sur le terrain, il y a mutualisation des moyens ; dans l’affaire d’Uzbeen, nous avons ainsi pu b�n�ficier d’avions, d’h�licopt�res et de drones de la coalition. Ainsi, dire que nous sommes d�pourvus de drones est vrai � l’�chelle du contingent fran�ais, mais pas � l’�chelle de la coalition. Le colonel Aragones, qui commande remarquablement son bataillon dans la vall�e de Kapisa, r�alise toutes ses op�rations avec des drones. Toutefois, ce n’est pas une excuse au manque de moyens.

S’agissant pr�cis�ment des drones, je r�clame depuis longtemps que tous les d�tachements fran�ais partant sur le terrain en disposent. J’en avais demand� pour le Liban ; des consid�rations diplomatiques ont fait que nous avons d� les retirer. Dans les r�flexions en cours, cette question est au premier plan. Nous disposons de syst�mes de drones tactiques int�rimaires (SDTI), de syst�mes int�rimaires de drones MALE (SIDM) – encore qu’ils soient en phase d’acquisition; je fais tout mon possible pour que les d�lais administratifs de mise en service soient r�duits au minimum –, et de drones de reconnaissance au contact (DRAC), dont nous avions quelques unit�s au Kosovo. Des propositions seront donc faites en ce sens. Cependant, ne croyons pas que cela r�soudra tous les probl�mes : les op�rations de guerre ne sont ni un mod�le math�matique, ni un jeu vid�o. Elle ne se r�duit pas � reconna�tre le terrain, d�ployer des drones, rep�rer les talibans et leur envoyer des avions les tuer ! Nous ne devons pas sous estimer l’adversaire ! Il trouvera des parades !

� toutes les conf�rences de g�n�ration de forces, l’OTAN manque d’h�licopt�res, parce que les nations ne veulent pas en donner. Nous devons nous demander quel effort nous pouvons faire en ce domaine – sachant que, l� encore, ce n’est pas la parade absolue. Quant aux Tigre, dans l’�tat actuel de mes informations, leur d�ploiement op�rationnel imposerait des d�lais plus difficilement compressibles que ceux des SIDM.

S’agissant du renseignement, celui-ci passe d’abord par des capteurs humains : tous les hommes sur le terrain sont des agents de renseignement, et c’est au chef d’agr�ger leurs informations. Toutefois, nous devons chercher � augmenter encore nos capacit�s, gr�ce notamment � de nouveaux �quipements – ce que je proposerai. Nous devons en outre utiliser des drones, les satellites n’ayant pas toujours la souplesse n�cessaire pour obtenir les renseignements ad�quats.

S’agissant de l’�quipement des soldats sur leurs fonds propres, il s’agit d’une faute de commandement : un chef militaire n’a pas le droit de laisser un soldat qui est sous ses ordres acheter un �quipement au pr�texte qu’il le trouve meilleur que celui que lui procure la R�publique. Le commandement doit imposer aux soldats le port de l’uniforme, au sens large, ce qui inclut l’�quipement : il s’agit, � mon sens, d’une des bases de la discipline. Aussi ai-je demand� au chef d’�tat-major de l’arm�e de terre de faire cesser ces achats � titre priv�. S’il existe un �quipement jug� int�ressant, le commandement doit en tenir compte.

C’est en particulier le cas des moyens de renseignement technique ou des gilets pare-balles. Le chef d’�tat-major de l’arm�e de terre a pris le probl�me � bras-le-corps : toutes les troupes seront �quip�es du gilet S4. Soit dit en passant, ce mod�le pr�sente d’autres inconv�nients par rapport au pr�c�dent.

M. Guy Teissier, pr�sident de la commission de la d�fense nationale et des forces arm�es. Mon g�n�ral, vous �tes pass� rapidement sur les h�licopt�res – au 9e ou au 1er RCP, on aurait parl� d’un passage ventral –, en vous contentant de signaler qu’il �tait pour l’instant compliqu� de mettre en œuvre les Tigre. Quelques Gazelle ne pourraient-ils pas �tre envoy�s en attendant ? En effet, l’appui-sol et la vision de la troisi�me dimension nous paraissent tr�s importants.

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d'�tat-major des arm�es. Je suis parfaitement d’accord. L’utilisation de Gazelle-canon comme substituts des Tigre fait partie des mesures � �tudier et � soumettre au Pr�sident de la R�publique, avant pr�sentation au Parlement.

M. Michel Vauzelle. Des soldats ont pu �tre choqu�s par les r�actions de certains Fran�ais qui, bien qu’ils soutiennent, comme l’ensemble de la nation, notre arm�e, et admirent son courage et son professionnalisme, ont �voqu�, avec quelque tendresse familiale, leur jeune �ge et leur manque d’�quipement. Mon g�n�ral, pouvez-vous leur assurer qu’il ne s’agit nullement d’une critique qui leur est adress�e mais, bien au contraire, de la marque affectueuse, quoique maladroite, du soutien de la population ?

S’agissant de la latitude dont b�n�ficient les commandements nationaux au sein de la coalition, vous avez indiqu� ce qu’avaient d�cid� les Allemands et les Canadiens en ce qui concerne les conditions d’intervention de leurs troupes, mais vous n’avez pas �voqu� ce qu’il en �tait du c�t� des Fran�ais. Pouvez-vous pr�ciser si l’engagement des troupes fran�aises est soumis � des limitations particuli�res ?

Lors de la pr�c�dente audition, nous avons beaucoup parl� d’h�licopt�res. Le ministre de la d�fense a eu un mot tout � fait inou� : il a dit qu’il courait apr�s les h�licopt�res… Cette phrase �tait particuli�rement mal venue. D’abord, elle pouvait pr�ter � rire, alors que la chose n’est pas dr�le sur le fond. Ensuite, nous disposons en Afrique d’appareils qui pourraient peut-�tre �tre utilis�s pour prot�ger nos soldats. Cette d�cision, mon g�n�ral, est de votre ressort et de celui du chef des arm�es.

Au cours de cette m�me audition, le ministre des affaires �trang�res a �voqu� des �changes d’exp�rience avec les Russes sur ce qu’ils ont appris avant leur retrait d’Afghanistan. Mon g�n�ral, nos chefs militaires sont-ils en contact avec leurs homologues russes dans le cadre d’une coop�ration militaire ?

Enfin, comparativement � d’autres arm�es de la coalition, nos troupes �voluent dans une r�gion extr�mement dangereuse, proche de la fronti�re du Pakistan, lequel, on le sait, constitue un pr�cieux refuge pour les chefs talibans et pour ceux de Al-Qa�da. Pensez-vous qu’il soit possible de pacifier durablement les vall�es de l’est de l’Afghanistan tout en �tant tenus, comme viennent de le rappeler le nouveau pr�sident et le nouveau gouvernement pakistanais, de respecter l’int�grit� territoriale et la souverainet� du Pakistan ?

M. G�rard Bapt. Pour prolonger la question sur les bombardements et les dommages dits � collat�raux �, qui concernent de tr�s nombreux civils et qui, politiquement, retournent les populations contre les forces de la coalition, qui en viennent � �tre consid�r�es comme des forces d’occupation, je voudrais signaler un �v�nement qui vient de se produire. Une action h�liport�e, avec peut-�tre l’appui de troupes au sol, a �t� men�e sur le territoire pakistanais, provoquant la protestation des autorit�s pakistanaises. Selon la d�p�che de l’AFP, un gouverneur local aurait m�me demand� que le peuple pakistanais riposte contre les forces de la coalition. � Kaboul, l’OTAN n’aurait pas �t� inform�e de cette action. S’agissait-il donc d’une op�ration Enduring Freedom – la dualit� des structures rendant l’analyse strat�gique particuli�rement complexe ?

Ma seconde question porte sur le moral des troupes. Une pol�mique a surgi apr�s la publication d’un reportage et de plusieurs photos ; par ailleurs, une vid�o circulerait sur Internet. Mon g�n�ral, estimez-vous que la bataille de la communication que vous �voquiez tout � l’heure n�cessite de limiter la libert� d’information ? Un de nos coll�gues a demand� qu’une enqu�te soit diligent�e contre la journaliste de Paris Match � l’origine de la publication de ces informations. Nous souhaiterions conna�tre l’opinion du chef op�rationnel sur ces questions qui engagent le fonctionnement de notre soci�t�.

M. Serge Grouard. Mon g�n�ral, je souhaiterais obtenir quelques compl�ments d’information sur la mission du 18 ao�t.

Tout d’abord, de quels renseignements pr�alables, notamment humains, disposaient nos troupes pour effectuer cette reconnaissance ? Dans votre expos� liminaire, vous avez dit que la vall�e comptait 25 � 30 000 habitants : je suppose qu’un tel d�ploiement de forces ne passe pas inaper�u. L’adversaire, quant � lui, �tait de toute �vidence bien renseign�. Qu’en savions-nous ?

Par ailleurs, quel fut le soutien imm�diat apport� aux deux sections prises � partie ? En particulier, quel r�le ont jou� les autres unit�s qui participaient � cette mission de reconnaissance ?

Enfin, je suppose qu’� l’occasion de ce genre de missions, d’autres unit�s sont mises en alerte, afin de venir en renfort si besoin est. �tait-ce le cas le 18 ao�t ? Si oui, ces unit�s sont-elles intervenues ? Quand et dans quelles conditions ?

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d'�tat-major des arm�es. S’agissant de l’emploi des unit�s nationales au sein d’une coalition, en l’occurrence l’OTAN, les �tats participants conservent �videmment la ma�trise de l’emploi de leurs forces. Ma responsabilit�, devant le Pr�sident de la R�publique, est de v�rifier que les forces fran�aises sont employ�es conform�ment � ce qui fut d�cid� lors de la conf�rence de g�n�ration de forces au SHAPE. Leur action doit �tre conforme � l’esprit et aux r�gles de cette mission, qui s’inspire d’une r�solution des Nations Unies. Il est �vident que les nations doivent contr�ler l’emploi de leurs forces.

Les difficult�s commencent lorsque les restrictions qu’elles imposent rendent quasiment impossible l’accomplissement de la mission. Ce fut le cas au mois d’ao�t 2006, lorsque, suite aux premiers combats lourds men�s contre la coalition dans les r�gions du sud et de l’est, le commandant de la FIAS de l’�poque n’a pas pu pr�lever sur les autres r�gions les unit�s n�cessaires pour renforcer celles du sud. Il faut assouplir ce fonctionnement si l’on veut que l’action de la coalition sur le terrain soit plus efficace.

Quant � nous, nous n’avons pas pr�sent� de caveat formel � l’OTAN. Toutefois, si un d�placement de forces fran�aises �tait r�alis� dans une autre r�gion que celle o� nous sommes d�ploy�s, j’exercerais bien �videmment un contr�le op�rationnel et ferais un compte rendu au Pr�sident de la R�publique.

S’agissant des h�licopt�res, il s’agit d’une denr�e extr�mement rare, sensible et qui co�te cher. Quand on d�ploie un h�licopt�re sur le terrain, il faut pr�voir non seulement les �quipages qui en assurent le fonctionnement, mais aussi un ensemble de soutiens n�cessaires � son fonctionnement. Tous les jours, je fais �tablir une situation d�taill�e, afin de savoir o� se trouvent nos appareils. Vous avez raison, monsieur le d�put� Vauzelle : certains sont d�ploy�s en Afrique – ou ailleurs – et la logique voudrait qu’on les concentre sur les th��tres d’op�ration, en fonction des besoins. Toutefois, aux conf�rences de g�n�ration de forces de l’OTAN, on voit bien que c’est pour les h�licopt�res que les nations montrent le plus de r�ticences. Certes, nous pourrions fournir davantage d’appareils, mais il faut garder mesure : nous autres Fran�ais n’avons probablement pas besoin de d�ployer cinquante h�licopt�res en Afghanistan.

M. Fran�ois Lamy. De deux � cinquante, il y a de la marge !

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d'�tat-major des arm�es. Nous pouvons faire mieux. Cependant, je le r�p�te, nous b�n�ficions de la mutualisation des moyens au sein de la coalition. Dans l’affaire du col d’Uzbeen, nous avons ainsi obtenu le soutien, suivant les normes de l’OTAN et de la FIAS, d’h�licopt�res am�ricains de la FIAS.

S’agissant de la coop�ration avec les Russes, elle consiste � tirer tous les enseignements de l’intervention russe en Afghanistan. C’est la t�che de la direction du renseignement militaire, non celle des forces d�ploy�es sur le terrain. Ce travail de renseignement se passe bien. Il existe encore en Afghanistan de nombreuses caches d’armes datant de l’�poque sovi�tique ; la coalition en d�truit presque tous les jours, remplies de mines, de munitions, de roquettes sovi�tiques. Et tous les jours, les insurg�s tirent des roquettes contre les FOB. Il faut dire que, dans leur tactique, ces attaques tendent � s’ajouter aux IED, aux attentats suicides et aux embuscades. C’est pourquoi je m’emploie � mieux prot�ger les FOB.

Comme l’ont montr� l’Afghan Compact de Londres et le conseil strat�gique de l’OTAN au sommet de Bucarest, les contacts avec le Pakistan et l’Iran sont au cœur de la strat�gie de la coalition. Une action d�termin�e du Pakistan sur les camps d’entra�nement terroristes et les d�ploiements abondants de talibans sur son territoire serait l’un des meilleurs rem�des aux difficult�s de l’Afghanistan. Mon homologue am�ricain, le g�n�ral McMullen, a d’ailleurs re�u la semaine derni�re le chef d’�tat-major pakistanais sur le porte-avions am�ricain Abraham-Lincoln, qui croisait au large des c�tes pakistanaises, afin de lui demander d’accentuer son action. L’id�e d’une concertation rapide et efficace, � un niveau restant � d�finir, afin de persuader le Pakistan de faire sa part du travail, fait son chemin. Elle me para�t essentielle.

En ce qui concerne la presse, ce n’est certainement pas moi, serviteur de la nation, qui appellerai � la b�illonner : ce serait une maladresse absolue. Cependant, il est choquant de constater qu’une journaliste peut avoir acc�s � des terroristes ayant tu� des soldats de son pays. Cela provoque un certain malaise. La libert� de la presse est un tr�sor � pr�server, mais comme le disait Clemenceau, la libert� est le droit de se discipliner soi-m�me pour ne pas �tre disciplin� par les autres. La presse doit donc faire preuve d’une certaine mesure.

J’�tais pr�sent lorsque, � la FOB de Tora, les parachutistes ont appris par la t�l�vision la publication des photos de Paris Match. J’ai �t� impressionn� par le silence r�probateur avec lequel ils ont accueilli cette nouvelle.

La question du renseignement est particuli�rement complexe. Bien s�r, � un certain moment, l’�v�nement annonc� � de nombreuses reprises finit par se produire. Ainsi, lorsque j’�tais � la FOB de Tora, une threat warning a �t� transmise : on annon�ait qu’une attaque aurait lieu dans la nuit. Que faire dans un tel cas ? Partir, se r�fugier dans des abris ? J’ai choisi d’aller me coucher. C’est le flair, la facult� de faire le tri dans les renseignements qui fait la diff�rence, et c’est difficile. Bien s�r, on peut faire des erreurs, mal sentir les choses. Et au bout du compte, on vous dit toujours : � on vous l’avait bien dit �.

Le caract�re instantan� du traitement de l’information a compl�tement modifi� le travail de l’�tat-major. Vous avez d� le voir sur place, on est inform� en permanence de tous les �v�nements concernant la coalition, ce qui permet, � chaque fois, le choix des moyens les plus adapt�s. Ainsi, des A-10 tournent en permanence dans le ciel afghan. On a une meilleure id�e du contexte de l’accrochage d’Uzbeen lorsque l’on sait que ce jour-l�, cinquante op�rations du m�me genre �taient en cours.

Vous m’avez interrog� sur les sections engag�es en Uzbeen. La premi�re section fran�aise a pris le col ; la seconde a �t� imm�diatement fix�e par des tirs nourris, ce qui montre que l’affaire �tait bien mont�e. Je vous ai expliqu� comment les renforts de la FOB de Tora sont arriv�s sur le terrain dans un d�lai d’une heure et ont permis, en engageant le combat, de faire rel�cher la pression sur la section rouge. Les premiers appuis �taient rendus difficiles par le feu des talibans et l’imbrication des forces. � vingt heures, 300 soldats fran�ais �taient pr�sents.

Dans le cadre de la formation de l’ANA, toute force de la coalition qui part en op�ration doit �tre accompagn�e de troupes afghanes. Cela compl�te l’action des OMLT. Les deux sections fran�aises �taient donc accompagn�es de deux autres sections compos�es d’une quinzaine d’hommes. L’une �tait une unit� de la garde pr�sidentielle charg�e de surveiller un barrage situ� en contrebas, et n’�tait pas habitu�e au combat. L’autre aurait d� se trouver en t�te, la r�gle �tant de placer les Afghans devant puisqu’il s’agit de d�fendre leur pays. Mais leur v�hicule est tomb� en panne et ils ont �t� retard�s. Cette section a �t� prise sous le feu, comme la section rouge, et s’est comport�e tr�s honorablement.

M. Jean-Pierre Kucheida. Je vous ai �cout�, mon g�n�ral, avec beaucoup d’int�r�t. Je suis moi-m�me all� en Afghanistan il y a un peu plus de deux ans, en tant que repr�sentant de l’UEO. J’ai donc pu appr�cier la qualit� de nos soldats, dont on ne peut mettre en doute la bravoure.

� propos d’Uzbeen, je souhaite savoir pourquoi on n’a pas utilis�, � titre pr�ventif, des drones pour conna�tre la situation sur le col avant d’y envoyer des soldats.

Je partage votre avis en ce qui concerne la rotation des troupes. En �tant pr�sentes sur le terrain six mois au lieu de quatre, elles seront sans doute plus efficaces. N�anmoins, lorsque les troupes fra�ches arrivent, celles qui partent emportent avec elles leur exp�rience du terrain. Ce probl�me reste entier.

Je n’approuve pas la fa�on dont nous op�rons en Afghanistan. J’ai d’ailleurs cru d�celer certaines r�ticences dans votre propos : vous avez employ� plusieurs fois le terme de � guerre �, pourtant �vit� il y a une semaine par M. Morin ; et vous avez soulign� que l’action de l’adversaire �tait de plus en plus efficace et sa d�termination toujours plus grande. J’�tais moi-m�me pessimiste en quittant l’Afghanistan il y a deux ans, d’autant que j’avais eu la chance de d�couvrir le pays en 1964, bien avant l’invasion sovi�tique. C’est pourquoi je souhaite vous interroger sur la question des effectifs. En prenant en compte l’arm�e afghane, ce sont, dites-vous, 100 000 soldats qui sont actuellement engag�s dans un pays de 40 millions d’habitants et de 700 000 kilom�tres carr�s, dont la topographie est particuli�rement tourment�e. Or les arm�es impliqu�es, de quelque origine soient-elles – car il ne fait pas de doute que la population ne fait aucune diff�rence entre les Am�ricains, les Canadiens, les Fran�ais, les Allemands ou les Italiens – sont clairement per�ues comme des arm�es d’occupation, et je crains fort que les gens qui s’engagent dans l’arm�e afghane ne passent pour des collaborateurs. Tout cela n’est pas une bonne chose lorsque l’on conna�t un peu la culture du pays.

Cent mille hommes, ce n’est pas grand-chose, surtout lorsque l’on sait que les Sovi�tiques, en leur temps, en ont engag� au moins 150 000 sans parvenir � leurs fins. Je vous pose donc la question : combien faudrait-il de soldats pour r�gler le probl�me afghan, et la meilleure solution ne serait-elle pas de quitter le pays ? Quand je lui ai pos� la question, Mme Mich�le Alliot-Marie m’a r�pondu qu’il faudrait r�unir les conditions politiques pour pouvoir partir.

M. Pierre Lellouche. Je souhaite joindre ma voix � celle, �minente, de Jack Lang – une voix qui a compt� pendant la r�forme constitutionnelle. En effet, la d�mocratie comme le consensus national, essentiel dans ce type de conflit, gagneraient � ce qu’une audition comme celle-ci soit connue des Fran�ais. Les propos du g�n�ral sont passionnants, et il n’y a aucune raison de penser qu’ils doivent rester confidentiels. Plus nous serons transparents, plus nous aurons de chances de r�unir un consensus, qui est une des conditions de la pers�v�rance.

D�s lors que le pr�sident Sarkozy a d�cid� de nous faire passer, dans l’affaire afghane, du r�le de voyeur � celui de combattant, nous nous sommes retrouv�s dans une logique de guerre. C’est d’ailleurs ce qui m’avait amen�, � l’�poque, � souhaiter, d’une part, que l’on revoie la strat�gie avec nos alli�s et, d’autre part que l’on donne au Parlement les moyens de contr�ler cette op�ration, parce que l’on allait avoir des morts. En liaison avec Fran�ois Lamy – il m’a sembl� que l’opposition devait �tre associ�e –, j’ai donc demand� que la commission de la d�fense se consacre au conflit afghan, se fasse le relais de l’arm�e lorsque des besoins se font sentir et participe � l’�laboration du consensus. Je me r�jouis qu’un rapport d’information soit envisag�. Mais je rappelle qu’en Afghanistan interviennent deux types de pays : ceux qui se battent et ceux qui ne se battent pas. Et les premiers, parmi lesquels nous n’�tions pas jusqu’� une date r�cente, ont connu pas loin de 900 morts. Au moment o� le pr�sident Sarkozy a pris sa d�cision, les Canadiens �taient sur le point de partir, car ils comptaient 90 morts et �taient � bout. Enfin, il faut rappeler que les Sovi�tiques ont engag� 150 000 hommes et en ont perdu 13 500. Il s’agit donc d’une affaire lourde. Et c’est une guerre, en effet.

De nombreuses questions se posent, et les rapporteurs devront accomplir un travail approfondi. Je me contenterai ce matin d’aborder deux points. Vous avez donn� votre sentiment sur la question de l’articulation entre l’Alliance et l’OEF. Mais jugez-vous que sur le plan microlocal, lors de l’accrochage du 18 ao�t, la coordination entre les officiers pr�sents sur le terrain, notre commandement et l’OTAN se soit bien pass�e ? Serait-il possible que des op�rations de forces sp�ciales survenues la veille aient conduit, sans que vous soyez au courant, � compliquer la situation ?

Deuxi�me question, dont la r�ponse est importante pour l’avenir. Le g�n�ral Petraeus change de commandement et devient ainsi le responsable des op�rations, aussi bien en Irak qu’en Afghanistan. Or il a d�clar� en public que la strat�gie employ�e ne marchait pas et qu’il avait bien l’intention de la remettre � plat. C’est une bonne nouvelle, parce que cela fait longtemps qu’elle ne fonctionne pas : le g�n�ral Jones disait la m�me chose en quittant son poste de SACEUR. Les Fran�ais seront-ils associ�s � cette r�flexion ? Allez-vous d�l�guer des officiers aupr�s du g�n�ral Petraeus, afin qu’ils contribuent � red�finir une strat�gie, du moins sur le plan militaire ? Par ailleurs, mille autres questions se posent – sur la partie civile des op�rations, sur la drogue, sur le r�le du Pakistan, etc. Mais dans l’imm�diat, j’aimerais avoir votre avis sur ces deux aspects.

M. Christophe Guilloteau. Je ne souhaite pas revenir trop longuement sur la question du mat�riel. Mais j’ai vu, sur place, que des gilets pare-balles �taient plac�s sur les vitres de certains de nos camions. Cela fait mal, surtout quand on sait que chez les Allemands, le m�me camion est, lui, blind�.

Vous avez �voqu� les t�l�phones portables. Je l’atteste : au fin fond de l’Afghanistan, on peut t�l�phoner vers le monde entier. En effet, par int�r�t strat�gique, les talibans ne touchent pas aux pyl�nes. En revanche, nos militaires souhaiteraient disposer de plus de brouilleurs. Allons-nous les leur donner ?

La France est impliqu�e dans un certain nombre d’op�rations ext�rieures. Est-il n�cessaire que les m�mes effectifs et le m�me mat�riel soient stationn�s en Afrique et au Liban ? Ne faudrait-il pas r�duire la voilure de certaines OPEX afin de red�ployer ailleurs certains moyens ?

Enfin, nous �tions sur place, il y a quelques jours, avec Guy Teissier, et on nous a d�taill� � plusieurs reprises la chronologie des �v�nements lors de l’embuscade. Or j’ai un point de divergence avec vous sur la question du JTAC : vous dites qu’il �tait pr�sent, mais, sur place, on nous a expliqu� qu’il n’y avait pas de guideur, mais un jeune en formation qui ne disposait pas du mat�riel n�cessaire. Si nous avions eu un JTAC � nous, les choses ne se seraient-elles pas pass�es diff�remment ?

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es. Sur ce dernier point, je r�ponds tout de suite : il y avait le JTAC des forces sp�ciales am�ricaines.

M. Christophe Guilloteau. Il n’�tait pas form� !

M. le colonel Patrice Paulet. L’�quipe des forces sp�ciales am�ricaines qui a accompagn� les deux sections comprenait un JTAC. Il �tait en formation, vous avez raison sur ce point, mais avait toutes les aptitudes pour jouer ce r�le. Dans l’heure qui a suivi le TIC – selon la formulation d�sormais adopt�e pour d�signer la d�claration de l’action de combat, qui justifie les appuis –, un autre JTAC des forces sp�ciales am�ricaines a �t� mis en place sur une des lignes de cr�te surplombant la zone. Il a permis de guider les tirs et l’action du Predator, qui s’est poursuivie jusqu’au lendemain apr�s-midi.

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es. Le point essentiel, c’est que, dans les dix minutes, ce JTAC en formation a pris les contacts n�cessaires pour que les A-10 soient d�p�ch�s sur le site. On ne peut donc pas dire qu’il n’avait pas la capacit� de faire venir des appuis a�riens.

Je le dis de la fa�on la plus cat�gorique, la plus ferme et la plus nette : dans cette affaire – et je r�ponds ainsi � M. Lellouche –, la coop�ration entre le commandement fran�ais et le commandant de la FIAS a �t� parfaitement efficace. Nous avons vu arriver – comme c’est la r�gle – les A-10, les gunships, les h�licopt�res d’appui – m�me si ces derniers, sous le feu, n’ont pu se poser tout de suite. Une op�ration des forces sp�ciales am�ricaines a �t� imm�diatement enclench�e. Elle a permis, le lendemain matin, de d�truire deux caches et de tuer une quarantaine d’ennemis. Il n’y a donc rien � redire sur la coordination. Mais il ne faut pas oublier qu’il s’agissait de l’un des cinquante combats qui ont eu lieu ce jour-l�.

J’en viens � la remise � plat de la strat�gie de la coalition. Le g�n�ral Petraeus a acquis, par son action en Irak, l’aura des grands chefs. Je pr�cise au passage que nous sommes camarades de promotion � l’�cole de guerre am�ricaine, qu’il est francophile et est un grand admirateur de Bigeard et de Galula. Lorsqu’il s’agit d’�valuer les effectifs n�cessaires, il avance, lui, le chiffre de 400 000. Mais on peut �videmment citer tous les chiffres que l’on veut, et c’est pourquoi, pour ma part, je n’en proposerai aucun. C’est une question d’�chelle et de volont� politique. Si, dans la vall�e d’Uzbeen, nous avions un bataillon tous les vingt kilom�tres, les choses se passeraient bien s�r diff�remment. Mais c’est moins le nombre qui compte que la volont� qu’il y a derri�re.

Vous me demandez quelle peut �tre mon influence dans la d�finition de cette strat�gie. C’est justement tout le sens d’un �ventuel retour de la France dans le commandement int�gr� de l’OTAN : nous permettre d’avoir, en temps r�el et en permanence, voix au chapitre. Bien que fournissant des troupes, nous n’�tions auparavant pas pr�sents � un niveau suffisant au SACEUR pour peser sur les d�cisions, mais les choses vont changer. C’est d’autant plus vrai que nous participons aux combats. Dans ce cas, le nombre d’accrochages est bien entendu proportionnel aux risques encourus. Si le nombre de TIC concernant les forces fran�aises augmente, comme pour les forces canadiennes, c’est parce qu’elles bougent !

J’en viens � la question des drones. Compte tenu des circonstances, la mission du 18 ao�t a �t� lanc�e comme il le fallait. Ce bataillon avait d�j� pass� deux mois et demi dans la plaine de Chamali. Depuis le 8 ao�t, trois actions impliquant la compagnie avaient d�j� eu lieu dans cette r�gion. La reconnaissance du col avait commenc� l’avant-veille, interrompue par la nuit. Il �tait logique qu’elle soit poursuivie. Aucun �l�ment n’incitait ces sections � lancer des reconnaissances pr�alables.

M. Jean-Pierre Kucheida. C’est bien dommage !

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat-major des arm�es. Cela peut-�tre consid�r� � posteriori comme une mauvaise analyse de la situation, mais c’est la guerre !

M. Paul Giacobbi. En ce qui concerne les federally administrated tribal areas (FATA), c’est-�-dire les zones tribales du Pakistan, cela fait 150 ans qu’elles sont en cours de pacification – depuis 1850 � peu pr�s.

M. Jacques Myard. Comme la Corse !

M. Paul Giacobbi. Sans rappeler les morts du pass�, on constate que la pacification des zones tribales ne marche pas tr�s bien. Ni les Britanniques, ni les Pakistanais n’y sont parvenus.

Quant � dire que le g�n�ral Musharraf n’a rien fait… Les Pakistanais revendiquent 900 morts dans les FATA pendant la p�riode o� il �tait au pouvoir, et je les crois. Pacifier la r�gion n’a rien de facile, et on ne peut pas demander au Pakistan de faire en quelques mois ce que les Britanniques n'ont pu faire en 150 ans. Au mieux, il y parviendra dans les 150 prochaines ann�es !

Nous parlons beaucoup des effectifs de la coalition, mais qu’en est-il de ceux de la coalition d’en face, celle de nos adversaires, et de leur niveau d’�quipement ? J’ai lu le chiffre de 20 000 insurg�s : cela ne me semble pas consid�rable. Je me pose donc la question suivante : dans un pays comme l’Afghanistan, o� beaucoup de gens sont arm�s – pour ne pas dire tout le monde – o� toute la population est musulmane, o� une grande partie de celle-ci est proche des id�es wahhabites depuis 150 ans, comment fait-on pour distinguer un insurg� de quelqu’un qui ne l’est pas ? Cela ne semble pas tr�s facile !

Enfin, nous sommes engag�s dans une op�ration en Afghanistan pour r�duire le risque terroriste � notre �gard, mais �galement dans la r�gion. J’observe qu’au cours de l’ann�e qui vient de s’�couler, en Inde, le terrorisme islamiste a fait 1 000 morts, et cela risque de se poursuivre. Au Pakistan, au cours de la m�me p�riode, on a d�plor� 1 200 morts. L’action de la coalition en Afghanistan a-t-elle r�duit le risque terroriste dans la zone ? Je n’en suis pas intimement convaincu.

M. Lo�c Bouvard. Devons-nous gagner cette guerre ? Bien s�r, comme l’a dit le pr�sident de la commission des affaires �trang�res. Mais pouvons-nous r�ellement la gagner, et comment ?

Comment expliquez-vous qu’en d�pit des efforts que nous d�ployons sur le terrain et du temps que la coalition a d�j� pass� l�-bas, les talibans ne cessent de progresser ?

Comment expliquer que la culture du pavot soit en pleine expansion, en d�pit des efforts qui ont �t� consentis pour l’�radiquer ?

On a souvent dit que le pr�sident Karza� �tait le pr�sident de Kaboul. Le gouvernement afghan n’est-il pas ressenti par la population comme un gouvernement import� de l’�tranger, malgr� les �lections qui ont eu lieu ? L’arm�e de la coalition n’est-elle pas consid�r�e comme une arm�e d’occupation ? Mon g�n�ral, moi qui vous parle, j’ai particip� � la deuxi�me guerre. En 1944, j’�tais dans le maquis et j’�tais consid�r� comme un terroriste. Je sais que les soldats qui combattent contre l’arm�e d’un autre pays sont aid�s par la population. La population afghane n’aide-t-elle pas les talibans ?

L’arm�e afghane est-elle s�re ? Vous dites en effet que tout le monde trahit tout le monde. O� en sommes-nous s’agissant de sa formation ? Combien y a-t-il de soldats afghans dans l’arm�e r�guli�re ?

Les Am�ricains vont augmenter leur contingent en transf�rant un certain nombre de soldats d’Irak vers l’Afghanistan – c’est d’ailleurs ce que disent les deux candidats � l’�lection pr�sidentielle. Pensez-vous que nous devrions faire de m�me ? Combien faudrait-il envoyer de soldats pour gagner cette guerre ?

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat major des arm�es. La question des effectifs de nos adversaires est une question que je pose moi-m�me r�guli�rement. Comme vous, je suis insatisfait des r�ponses qui me sont fournies. La r�ponse la plus intelligente, qui m’a �t� faite par un lieutenant colonel sur le terrain, est celle-ci : civilians by day, terrorists by night. Comme vous l’avez dit, il est extr�mement difficile de savoir qui est qui. En revanche, dans un sch�ma de guerre contre-insurrectionnelle, il est important de conna�tre l’organigramme de l’encadrement de l’adversaire, afin de le d�sarticuler et de le rendre ainsi moins efficace. C’est ce � quoi s’attache la coalition.

Des combattants sont parfois issus des villages, o�, la veille, les contacts avec les habitants �taient excellents. On voit bien que ce type d’op�rations est un puits sans fond. Je ne cesse de demander � la direction du renseignement militaire de m’affiner sa description des talibans. C’est un travail consid�rable. Vous aurez d’ailleurs l’occasion d’interroger son directeur sur ce point la semaine prochaine. Nous travaillons tous avec acharnement pour savoir qui commande les talibans, qui impulse leurs actions, qui les finance, quel est le r�le jou� par certains pays qui financent la r�bellion. Bref, le contexte est difficile et compliqu�. Pour autant, est-ce une raison pour ne rien faire ? C’est toute la probl�matique de l’engagement de nos pays. En tout cas, s’agissant des coups que notre action porte au terrorisme, les chiffres sont incontestables.

M. Pierre Lellouche. Sans compter que l’Inde est vis�e, � travers l’Afghanistan, par les services pakistanais !

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat major des arm�es. En effet !

En ce qui concerne les effectifs, je ne me hasarderai pas � donner un chiffre. Cela dit, quand la FIAS a �t� cr��e lors de la conf�rence de Bonn, il ne s’agissait pas de quadriller le terrain, mais de d�ployer une force internationale d’assistance et de s�curit� pour permettre, apr�s avoir renvers� le r�gime des talibans et d�truit les camps d’entra�nement de terroristes, la reconstruction du pays et la mise en place d’une arm�e afghane.

M. Jacques Myard. Nous en sommes loin !

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat major des arm�es. C’est ce qui explique l’encadrement et l’accompagnement syst�matique de l’arm�e afghane que nous pratiquons dans toutes nos op�rations, la pr�sence de deux sections de cette arm�e au col d’Uzbeen, les OMLT, etc.

Comme le disait pertinemment M. Myard, nous en sommes loin. Certes, mais nous faisons pour le mieux avec les moyens dont nous disposons.

Il y a tout de m�me des signes encourageants. L’un de vous a �voqu� la progression des talibans. Certes, mais ils ont aussi pris des coups, qu’il nous est tout aussi difficile d’�valuer que leurs forces. En tout cas, nous savons qu’un important chef taliban a �t� tu� lors de l’embuscade du col d’Uzbeen et qu’un deuxi�me, bless�, a �t� captur� le lendemain. Aujourd’hui, nous constatons, dans certaines zones, un regain d’int�r�t de la part de la population, mais, dans d’autres, son comportement reste hostile.

Il y a quelques temps, j’ai rencontr� pr�s de la FOB de Nijrab, une unit� de l’arm�e afghane, command�e par un lieutenant afghan, lequel �tait accompagn� d’un capitaine de Marines et de l’un de ses lieutenants, tous deux tr�s sympathiques et appartenant aux embedded training teams. Trois jours apr�s, un IED les a frapp�s dans un ouadi, au pied de la FOB de Nijrab : les v�hicules de l’arm�e afghane et les deux v�hicules du 8e RPIMa sont pass�s, mais l’humvee des Am�ricains a �t� pulv�ris�, tuant du m�me coup le capitaine et son lieutenant. Les talibans connaissaient donc parfaitement l’ordre de passage des v�hicules.

M. Guy Teissier, pr�sident de la commission de la d�fense nationale et des forces arm�es. Je vous remercie, mon g�n�ral, pour toutes les pr�cisions que vous nous avez apport�es.

M. le g�n�ral d’arm�e Jean-Louis Georgelin, chef d’�tat major des arm�es. Je vous remercie, monsieur le pr�sident, mesdames et messieurs les d�put�s, d’avoir bien voulu m’interroger.

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Information relative � la commission

La commission a nomm� MM. Fran�ois Lamy et Pierre Lellouche, rapporteurs de la Mission d’information sur l’�valuation de l’op�ration militaire fran�aise en Afghanistan.

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