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En� Argonne�� (mars � novembre 1915)

 

 

Le lendemain de la Marne, l'Ar�m�e du Kronprinz en retraite s'arr�tait dans la partie nord de la for�t d'Argonne, se r�ta�blissait sur la ligne g�n�rale Servan-Varennes et s'y organisait d�fensivement.

D�s le milieu de septembre 1914, nos troupes se trouvaient sur ce front en pr�sence d'un adversaire tr�s actif, pourvu de tous les moyens de la guerre de si�ge, � la puis�sance desquels notre mat�riel ne pouvait r�pondre.

Aussit�t commence une longue bataille sous bois qui, par suite de la nature du terrain et des difficult�s de la lutte, rev�t bient�t un caract�re d'acharnement extr�me.

 

 

Longue d'environ 60 kilom�tres, sur une lar�geur moyenne de 12, la grande for�t d'Argonne se composait de magnifiques arbres s�culaires, ch�nes et h�tres surtout, sous la haute futaie des�quels s'abritaient un taillis touffu de pousses plus jeunes, et, en certains endroits, un fourr� tr�s �pais et presque imp�n�trable.

Le sol de cette for�t est d'une humidit� carac�t�ristique ; les sources y jaillissent partout, jus�qu'au sommet des cr�tes, et le terrain d'une argile �paisse retient prisonni�res, sans aucune issue, les eaux qui ruissellent de toutes parts ; aussi le moindre trou se change t il en puits de boue, la moindre d�pression en mar�cage.

La plus petite piste, o� le sol est tant soit peu fray�, devient vite une orni�re gluante.

Pour que les sentiers forestiers ne soient pas impraticables, il faudra les � parqueter � d'une couche de rondins ; quant aux tranch�es, il faudra sans cesse vider l'eau qui s'y accumule.

La vall�e de la Biesme coupe la for�t � peu pr�s du sud au nord; mais, � droite et � gauche de cette d�pression, s'ouvrent des ravins � pente raide, aux berges escarp�es, cr�ant de nouvelles difficult�s aux combattants et n�cessi�tant, � travers les obstacles, des tranch�es en zigzag, au trac� particuli�rement capricieux et compliqu�.

 

Le chef allemand qui commandait les forces ennemies dans ce secteur �tait le g�n�ral Von MUDRA , sapeur distingu�; en plus du XVIe Corps, il dispo�sait de nombreuses compagnies de pionniers, pr�lev�es sur la place de Metz, qui lui fournissait, d'ailleurs, un mat�riel in�puisable.

De notre c�t�, le 2e Corps d'Arm�e tenait le sec�teur sous le commandement du g�n�ral G�rard.

La lutte s'engageait d�s le milieu de septembre et se poursuivait sans interruption pendant tout l'hiver. L'�tat-major allemand manifestait aussit�t un grand int�r�t aux �v�nements de l'Argonne

Le vieux mar�chal von Haeseler venait s'installer dans un village du secteur pour suivre de pr�s les op�rations.

Le Kronprinz, de son Quartier G�n�ral de Stenay, se rendait assez fr�quemment sur ce front, et le Kaiser lui-m�me y apparut plus d'une fois. Par la pouss�e sur les Hauts de Meuse qui, d�s la fin de septembre, le rendait ma�tre de Saint-Mihiel, le Haut Comman�dement allemand avait fait un pas vers l'inves�tissement de Verdun, qu'il envisageait comme un de ses objectifs principaux.

S'il parvenait, par une pression continue et irr�sistible, � prendre pied sur la route Sainte �Menehould - Verdun, et � menacer ou � couper la voie ferr�e, il r�aliserait ainsi, � l'ouest de cette place tant convoit�e, une avanc�e analogue � celle de Saint-Mihiel � l'est.

De l�, l'activit� incessante de l'ennemi dans ce secteur, de l� ses efforts et ses sacrifices pour conqu�rir pied � pied un terrain �pre et tour�ment�, que nos troupes d�fendirent avec une ma�gnifique bravoure.

De l�, enfin, l'importance que la trompette de l'Agence Wolff tentait de donner aux plus minimes succ�s allemands, transform�s par elle en claironnantes victoires.

 

Le 8 janvier, au moment o� il �tait relev� en Argonne par le 32e Corps d'Arm�e, le 2 Corps, dans une lutte ininterrompue de trois mois et demi, avait perdu 389 officiers dont 118 tu�s, et 21380 hommes dort 3200 tu�s, 11958 bless�s et 6182 disparus ; la plupart de ces derniers �taient des combattants tomb�s entre les lignes et qu'il n'avait pas �t� possible de relever.

Dans ce secteur, on a vu que, dans les premiers mois de 1915, l'ennemi lance plusieurs attaques violentes, qui lui valent quelques succ�s locaux rapidement neutralis�s par nous.

 

Pendant tout le mois de mai , la vivacit� de la lutte en Argonne occidentale, sur le front du 32e Corps d'Arm�e, persiste.

Le but poursuivi par l'ennemi semble toujours le m�me : s'emparer du saillant de Bagatelle qu'il enveloppe et bat de feux convergents, en combinant une attaque directe avec des actions sur les flancs.

 

Une attaque g�n�rale ex�cut�e le 1 mai sur tout le front de Bagatelle avec une brigade enti�re n'a procur� aux Allemands qu'un succ�s minime.

 

Le 8 mai, apr�s un tr�s vif bombardement et une explosion de mines, l'ennemi prononce une nouvelle attaque sur ce point. Pendant quatre heures, sur le front de deux bataillons, le combat se poursuit autour des postes avanc�s et devant nos tranch�es de premi�re ligne; lutte acharn�e � coups de p�tards, de fusils, de ba�onnettes, et m�me de haches et de serpes. Malgr� l'emploi de gaz asphyxiants, l'ennemi est finalement repouss� en laissant de nombreux cadavres sur le terrain.

Mais, de notre c�t�, le 19e bataillon de chasseurs perd 3 officiers et 130 hommes; le 94e r�giment d'infanterie est �galement assez �prouv�.

 

Le 9 mai, en m�me temps qu'ils font sauter deux mines � Fontaine-Madame et devant les tranch�es de la Sapini�re, les Allemands attaquent de nouveau � Bagatelle,. appuy�s par un tir violent de 105, de 150 et de grosses bombes.�

Nous les repoussons apr�s une lutte qui dure deux heures.

Toute la nuit, l'ennemi fait usage de gaz �asphyxiants et lance des p�tards; nous r�pondons par des p�tards et des bombes.

 

Le 11 mai, apr�s une journ�e marqu�e par des tirs de minenwerfer, l'ennemi prononce entre 20 et 22 heures une s�rie d'attaques partielles vers Bagatelle. En m�me temps, il ouvre une vive fusillade � Marie-Th�r�se et � Blanleuil, il y fait sauter deux mines en avant de nos tranch�es, puis, 21 heures, il tente une attaque par surprise qui �choue.

 

Le 12 mai, nouvelles explosions de mines. A Bagatelle, la journ�e semble d'abord se borner � une lutte active de bombes et d'engins. Brusquement, vers 15 heures, sans aucune pr�paration, l'ennemi se jette sur notre ligne avanc�e ; il est rejet� apr�s un violent combat de p�tards et de grenades.

 

Le 13 mai, nouvelle attaque : une centaine d'Allemands p�n�trent � quelques m�tres de nos tranch�es, mais sont rejet�s � coups de p�tards.

 

Les 14 et 15 mai, explosions de mines auxquelles nous r�pondons par de semblables explosions.

D�s lors, la lutte souterraine se poursuit avec une intensit� croissante. Chaque jour trois, quatre� explosions, parfois davantage, se produisent, faisant sauter des �l�ments de tranch�es, des postes d'�coute, enfouissant fr�quemment leurs d�fenseurs.

Devant nos tranch�es avanc�es du secteur de Bagatelle, une centaine d'entonnoirs jointifs forment un chaos ininterrompu.

Notre r�seau de mines offensif se d�veloppe; chaque jour nous en faisons jouer quatre ou cinq, bouleversant les travaux avanc�s de l'ennemi en camouflant ses fourneaux de mines.

A chaque nouvelle explosion s'engage une lutte imm�diate de bombes et de p�tards, chacun s'effor�ant d'occuper l'entonnoir; fr�quemment, nous occupons un des rebords et l'ennemi l'autre, et de l� se poursuit un �change de grenades incessant.

Ces actions multiples s'accompagnent de violents bombardements par obus de tous calibres. Sur tout le secteur de Bagatelle , la Sapini�re ,Blanleuil , Marie Th�r�se, les lignes adverses s'affrontent � 5,10 ou 20 m�tres ;en beaucoup de points, notre r�seau de sapes et de tranch�es s'enchev�tre inextricablement avec celui des Allemands.

Cette lutte acharn�e, incessante, inexorable, qui se poursuit sur terre et sous terre, nous co�te journellement 8o � 100 hommes hors de combat.

 

patientez  un peu ...................

Du 6 mai au 15 juin, nous avons inflig� � l'ennemi 78 explosions ; le g�nie a travaill� sans rel�che � cette oeuvre difficile et p�rilleuse.

Les conditions de la lutte rapproch�e, dans un terrain couvert, ont amen� la substitution presque compl�te du p�tard au fusil.

La consommation d'engins explosifs atteint des proportions �normes; du 6 au 15 juin, le 32e Corps d'Arm�e n'utilise pas moins de 90000 p�tards.

D'autre part, il faut r�parer constamment les br�ches faites dans les tranch�es boulevers�es, constituer des barrages dans les boyaux. Le Corps d'Arm�e a ainsi utilis� 53200 sacs � terre, 740 ch�ssis de mines, 2.800 cr�neaux en bois, 200 boucliers d'acier.

Pour soutenir la lutte dans ces conditions, il faut aux troupes une vigilance incessante et un moral � toute �preuve.

 

Le 32e Corps d'Arm�e fournissait depuis cinq mois un admirable effort, mais au prix de lourdes pertes ; du 17 janvier au 5 mai : 6082 tu�s, 10636 bless�s, 10148 malades �vacu�s ; du 5 mai au 15 juin : 579 tu�s, 2.582 bless�s, 4.640 malades.

 

Au combat de mines acharn�, qui caract�risait la lutte pendant la p�riode pr�c�dente, va succ�der, sur tout le front du 32e Corps d'Arm�e, une s�rie d'attaques plus ou moins g�n�rales, ex�cut�es par l'ennemi avec des forces consid�rables.

 

A partir du 15 juin, la r�partition des secteurs et la composition des troupes sont les suivantes

Le secteur est limit� � l'ouest par la route de Binarville � Vienne-le-Ch�teau. Le 32e Corps d'Arm�e dispose, pour occuper la partie gauche de son front jusqu'� l'ouvrage central, de la 241e brigade (55e et 112e r�giments d'infanterie) et de la 126e division.

Dans le secteur de La Haraz�e, se trouvent le 44e colonial et le 261e r�giment d'infanterie.

 

D�s le 16 juin, l'activit� de l'artillerie augmente dans presque tous les secteurs ; les tranch�es de la face est de Bagatelle sont boulevers�es, cinq mines explosent dans cette journ�e devant notre front.

 

Le 17, au petit jour, un groupe ennemi surgit sans aucune pr�paration et se jette sur un �l�ment avanc� de notre ligne, o� il r�ussit � se maintenir malgr� nos contre-attaques men�es par quatre compagnies.

 

Le 18 juin, � Bagatelle, tandis que le bombardement reprend avec violence, trois mines nouvelles font explosion et endommagent nos tranch�es � la Sapini�re, au Ravin-sec et � Blanleuil. (journal de marche du 161e r�giment)

L'ennemi lance dans nos lignes un billet ainsi con�u : � Vous avez beau faire venir le 15e Corps, nous r�sisterons jusqu'au bout. M�fiez-vous. � Un prisonnier raconte que deux batteries de 210 viennent d'arriver dans le secteur.

Le soir, un nouveau message est lanc� par-dessus nos parapets, qui pr�cise la menace: � Artilleurs fran�ais, vous vous rappellerez le 20 juin.

 

Le 19, la lutte de mines s'accompagne d'un combat de bombes tr�s violent qui nous co�te 150 hommes

 

Le 20 juin, l'ennemi, comme il l'a annonc�, prononce une offensive g�n�rale depuis Bagatelle jusqu'aux lisi�res ouest de la for�t, sur le front du 32e Corps d'Arm�e et la droite du 5e Corps.

D�s 2h30 du matin se d�clenche une pr�pa�ration d'artillerie tr�s violente de projectiles de tous calibres et de minenwerfer, accompagn�s d'obus asphyxiants en grand nombre.

A 4 heures, � Bagatelle et � Blanleuil, � la suite d'une action � coups de p�tards, l'ennemi lance deux attaques d'infanterie, qui sont repouss�es apr�s une lutte tr�s vive. Les tirs de bombardement reprennent alors et redoublent d'intensit� jusqu'� 7h30

A ce moment, se produisait la rel�ve dans le secteur tenu par la, 251e brigade, les unit�s du 55e r�giment d'infanterie venant remplacer celles du 112e.

La violence du bombardement emp�che l'ex�cution compl�te de cette op�ration.

A 7h30, le bombardement cesse subitement sur les premi�res lignes, mais continue sur les deuxi�mes et les arri�res, o� tombent en grandes quantit�s des obus asphyxiants. Nos postes avan�c�s de la 251e brigade, compl�tement �cras�s, c�dent.

L'ennemi qui a attaqu� en masse, sa droite � cheval sur la route de Binarville, r�ussit � prendre pied dans notre premi�re ligne, sur le saillant de la tranch�e Labord�re, et cherche � s'�tendre ; mais une contre-attaque vigoureuse de la compagnie de r�serve de secteur du 112e r�gi�ment d'infanterie arr�te momentan�ment cette tentative et fait quelques prisonniers.

Toute la matin�e, la lutte se poursuit sans arr�t des fractions ennemies qui ont r�ussi � enfoncer la pre�mi�re ligne du secteur voisin, � l'ouest de la route de Binarville, commencent � prendre d'enfilade la gauche du secteur du 32e Corps d'Arm�e, tenue par le 55e r�gi�ment d'infanterie.

En pr�sence de cette menace, quatre bataillons des 155e et 154e r�giments d'infanterie de la r�serve du Corps d'Arm�e sont mis � la disposition, l'un du secteur voisin de l'ouest, les trois autres du g�n�ral commandant la 4e di�vision, pour contre-attaquer.

Apr�s une pr�paration ex�cu�t�e par toute notre artillerie, trois contre-attaques sont lanc�es.

La premi�re prend comme objectif l'ouvrage Labord�re, d'o� l'ennemi cherche � progresser vers nos deuxi�mes lignes qu'il menace d'atteindre.

 

Trois compagnies du 154e r�giment d'infanterie et une du 155e r�ussissent, apr�s plusieurs tenta�tives, � refouler l'ennemi sur la pointe du saillant; elles s'y maintiennent �nergiquement jus�qu'au soir, o� � 30 m�tres de l'adversaire, elles creusent une tranch�e de raccord, coupant la pointe du saillant.

Cependant la compagnie d'extr�me gauche du secteur (55e r�giment d'infanterie) continue � r�sis�ter avec la plus grande �nergie.

Elle rejette tou�tes les attaques sur son front et sur son flanc compl�tement d�bord� : cinq fois elle refoule l'assaillant, mais finalement elle est contrainte � se replier.

Une deuxi�me contre-attaque, lanc�e � 16 heu�res au centre, rejette l'ennemi dans la tranch�e de premi�re ligne, mais sans pouvoir l'en chasser. Une troisi�me contre-attaque se d�clenche � la m�me heure, � cheval sur la route de Binarville.

Apr�s une courte progression, elle se voit arr�t�e par un tir de mitrailleuses, d�bord�e sur sa gau�che et, apr�s un l�ger recul, se maintient p�nible�ment.

 

En r�sum�, � 19 heures, nos contre-attaques, sans regagner la totalit� du terrain perdu, ont arr�t� d�finitivement la progression de l'ennemi en le rejetant sur la premi�re ligne.

 

Toute la nuit des actions locales d'infanterie se succ�dent au milieu de violents tirs d'artillerie. Vers 3 heures, le feu se ralentit, et nous en profitons pour conso�lider les positions reconquises.

Mais, dans cette dure journ�e du 20 juin, nos pertes ont �t� tr�s lourdes : 271 tu�s, 1450 bles�s�s, 495 disparus. Au total: 2216 officiers et hommes.

En outre, le mat�riel perdu ou d�truit se chiffre par 3 canons de 58, 6 mortiers de 70, 1 mortier de 90.

On estime que le bombardement ennemi a atteint la d�pense de 25000 coups de canon de tous calibres, du �77 au 210, accompagn�s d'un v�ritable barrage de gaz asphyxiants sur nos deuxi�mes lignes.

Mais, de son c�t�, l'ennemi a beaucoup souffert.

Ses prisonniers ont eu la sensation de rester les seuls survivants de leurs unit�s.

�Un prisonnier du 127e r�giment wurtembergeois d�clarait que son r�giment avait perdu 180 tu�s et 600 bless�s dans cette seule journ�e.

 

Le lendemain 21 juin, dans le secteur de Baga�telle, l'ennemi reprend une pr�paration d'artil�lerie m�thodique ; il �crase nos premi�res lignes et l'emplacement de nos r�serves sous un bombar�dement qui est une v�ritable attaque par le feu

 

Du 21 au 26, plusieurs mines explosent, causant des d�g�ts consid�rables; le bombardement d'ar�tillerie continue et s'accompagne de luttes de bombes � la Sapini�re, � Blanleuil et � l'ouvrage Marie-Th�r�se.

 

Le 27 juin, apr�s un violent tir d'efficacit� de notre artillerie, nous d�clenchons deux attaques locales qui progressent tr�s difficilement dans les boyaux ; l'une d'elles est men�e par deux compa�gnies du 154` r�giment d'infanterie, avec le concours d'appareils Schilt, lan�ant du p�trole enflamm�.

 

Le 29 juin, le bombardement ennemi devient d'une intensit� sans pr�c�dent. On compte 162 tor�pilles tombant sur nos lignes, dont plusieurs hautes de 1,10m. Toutes nos tranch�es des premi�re et deuxi�me lignes sont d�molies, nos abris de mitrailleuses d�truits, nos communications interrompues.

Nos hommes entendent des commandements dans les tranch�es d'en face tout fait pr�voir une attaque imminente, r�solu�ment attendue.

 

Le 30 juin, les Allemands prennent l'offensive; mais au lieu d'�tre localis�e � Bagatelle (d�fendu par le 8e chasseurs), la lutte s'�tend sur tout le front du 32e Corps d'Ar�m�e, de la route de Binarville au Four-de-Paris.

D�s 4 heures, l'ensemble de la position est soumis � un bombardement par pi�ces de tous calibres, surpassant en violence et en pr�cision ce qu'on avait vu jusqu'alors : projectiles de 150, de 210 et de gros minenwerfer.

Toutes les tran�ch�es de premi�re ligne sont d�molies et �cras�es, une grande partie des d�fenseurs ensevelis, tu�s ou bless�s.

Sous le couvert de cette pr�paration, l'ennemi prononce trois attaques d'infanterie successives et finit par percer tout d'abord � l'Ouvrage cen�tral et � la gauche du cimeti�re.

D'autre part, � la suite d'une s�rie de combats locaux, dans lesquels nos troupes ont � soutenir une lutte acharn�e, l'ennemi, malgr� des pertes consid�rables, notamment devant le front de Bagatelle, s'avance jusqu'au poste de comman�dement de Beaumanoir. Plusieurs fractions attei�gnent la cote 213.

Cependant, nos contre-attaques men�es par quatre bataillons, dont la premi�re, particuli�rement brillante, ex�cut�e par le 16e bataillon de chasseurs, r�ussissent, vers 11 heures, � nous assurer le R�duit central et � d�gager la cote 213 et Beaumanoir.

Mais, vers 13 heures, nous sommes contraints d'abandonner la Sapini�re et la premi�re ligne de l'ouvrage Blanleuil, attaqu�es depuis le matin sans succ�s et couvertes d'un nuage persistant de gaz asphyxiants qui s'�tend jusqu'� La Haraz�e.

Une vigoureuse contre-attaque d'un bataillon du 151e r�giment d'infanterie nous remet en pos�session d'une partie de l'ouvrage de Blanleuil, sur la cr�te m�me.

Au saillant Triboullier, perdu dans la matin�e, des contre-attaques r�p�t�es du 162e r�giment d'infanterie nous permettent de reprendre, au cours de la nuit, une partie des �l�ments perdus. La lutte continue acharn�e, dans l'apr�s-midi, sur tout le front ; vers 16h30, � la suite d'un violent bombardement, l'ennemi attaque de nou�veau et parvient � s'emparer des derniers �l�ments de notre ancienne premi�re ligne. Toute la nuit est employ�e � consolider notre nouveau front et � remettre de l'ordre dans nos unit�s.

 

Le 1 juillet, vers 3 heures, � l'est de la route de Binarville, l'ennemi lance une attaque sans pr�paration d'artillerie.

Elle est arr�t�e par notre feu.

D'autre part, vers 4 heures, le 151e r�giment d'infanterie ex�cute une attaque sur la gauche du secteur de Bagatelle pour reprendre la cr�te de Beaumanoir; mais, re�u par un ennemi sup�rieur en nombre, pris sous le feu d'innombrables mitrail�leuses et de canons de gros calibre, il ne peut pro�gresser malgr� tous ses efforts.

 

Nos pertes subies dans ces vingt-quatre heures sont tr�s lourdes : 45 officiers et plus de 1500 bless�s ont �t� �vacu�s, plus du double tu�s ou disparus.

Le 8e bataillon de chasseurs, qui s'est battu h�ro�quement, est r�duit au commandant, � 3 sous-lieutenants et � moins de 200 hommes.

La 251e brigade a perdu de 800 � 1000 hommes. On signale, en outre, 2 commandants de brigade, 5 officiers d'�tat-major tu�s ou bless�s.

 

Le 2 juillet, d�s le matin, notre artillerie ex�cute des r�glages sur les positions ennemies. L'artillerie allemande se con�tente d'abord de r�pondre � notre tir ; puis, � midi, elle d�clenche un bombardement d'une extr�me violence sur nos premi�res lignes, et en arri�re de celles-ci de v�ritables bar�rages d'obus � gaz.

A Bagatelle, l'ennemi attaque avec un effectif �valu� � une brigade. Sur notre gauche, vers Beau manoir, il �choue, contenu parles �l�ments du 16e bataillon de chasseurs et du 94e r�giment d'infanterie, amen� dans la nuit.

Mais � droite il progresse, mal�gr� les efforts des 151e et 154e des infiltrations atteignent m�me la cote 213.

�Mais une magni�fique contre-attaque � la ba�on�nette, ex�cut�e au son de la charge par les troupes en sec�teur: compagnies du 16e batail�lon de chasseurs, du 94e r�giment d'infanterie et du 162e, refoule l'ennemi qui se retire en d�sordre avec de grosses pertes.

La situation est r�tablie.

Cependant quelques fractions ennemies s'in�filtrent encore � droite; la derni�re troupe dispo�nible, une compagnie-du 63e r�giment territorial, les rejette vigoureusement et r�tablit la liaison avec le secteur de La Haraz�e.

Dans ce secteur, la lutte n'a pas �t� moins vio�lente. L'ennemi p�n�tre dans nos lignes par le fond du Ravin-Sec ; apr�s un bombardement intense, nous �vacuons Blanleuil, compl�tement �cras�.

Dans la vall�e de la Fontaine-aux-Charmes nous perdons, puis reprenons la Tranch�e des Mitrailleuses; pr�s de la route de Binarville, l'ennemi a r�ussi � progresser, mais il est contenu par nos contre-attaques.

La nuit, l'activit� se maintient; fusillade tr�s vive et tirs d'artillerie violents.

Enfin, la lutte s'arr�te peu � peu.

L'ennemi a �t� tr�s �prouv� ; mais, de notre c�t�, toutes les troupes ont �t� engag�es jusqu'� la derni�re compagnie de r�serve, nos hommes sont �puis�s et nos unit�s presque d�pourvues de leurs cadres.

 

Dans cette p�riode du 16 juin au 3 juillet, les pertes du 32e Corps d'Arm�e atteignent le chiffre de 13000 tu�s, bless�s ou disparus, dont 257 officiers.

Malgr� l'�tat de fatigue qui r�sultait d'une lutte de pr�s de six mois en Argonne, lutte incessante et particuli�rement dure, ces troupes ont fait face aux plus rudes efforts sans une d�faillance, sans un flottement et, jusqu'au bout, avec une t�nacit� et un courage admirables.

Toute notre premi�re ligne allant du plateau de Bagatelle � la route de Binarville a �t� perdue du 20 juin au 2 juillet; mais l'ennemi n'a pu r�aliser ces gains qu'en �crasant les d�fenseurs sous les d�combres de leurs tranch�es, gr�ce � la puissance de son artillerie.

Sur tous les points, nos contre-attaques ont �t� men�es avec vigueur ; et c'est devant nos ba�onnettes que l'avance allemande est venue se briser le 2 juillet.

 

Bien que le succ�s remport� par l'ennemi f�t purement local, le commandant de la 3e Arm�e, le g�n�ral Sarrail, n'entendit pas rester sur cet

�chec. Il d�cide de r�agir et de reprendre l'initiative.

 

D�s le 2 juillet, il fait conna�tre que la 128e di�vision va entrer en ligne, qu'avec l'appoint de cette troupe fra�che il appartient au g�n�ral commandant le 32e Corps d'Arm�e d'interdire � l'ennemi de faire un pas de plus, et qu'une attaque g�n�rale sera entreprise dans quelques jours, d�s que l'Arm�e aura re�u les canons de gros calibre qui lui manquent.

 

L'instruction du 9 juillet prescrit que le 32eCorps d'Arm�e, renforc� par la 128e division et par la 15e division coloniale, ainsi que par l'artillerie lourde suppl�mentaire attribu�e � la 3e Arm�e, attaquera sur tout le front compris entre la r�gion du bois Beaurain, � la lisi�re ouest de l'Argonne, et le saillant Triboullier, au nord de la route de Saint-Hubert.

Cette op�ration sera appuy�e, � droite, par une attaque qu'ex�cutera le 5e Corps d'Arm�e, � cheval sur la Haute-Chevauch�e. Le 15e Corps d'Arm�e couvrira la gauche du 32e Corps.

La date de l'op�ration est fix�e au 12 juillet; mais en raison de l'insuffisance des r�glages d'artil�lerie, le g�n�ral Sarrail d�cide de la reporter au 14

 

D�s les premiers jours de juillet, on poussait activement les travaux pr�liminaires, un important mat�riel �tait r�uni dans les tranch�es,

notamment 15 canons de 58.

Mais ces pr�paratifs �veill�rent probablement l'attention de l'ennemi, qui r�solut de nous devancer et de contrarier nos projets en Argonne occidentale par une attaque en Argonne orientale.

Dans cette derni�re r�gion, le 5e Corps d'Arm�e occupait sur les deux rives de l'Aire un secteur compris entre la Biesme et la Buanthe, dont le front s'�tendait du Four-de-Paris � Vauquois.

L'organisation comportait deux positions suc�cessives, la premi�re constitu�e par des tranch�es trop rapproch�es, �chelonn�es sur une faible profondeur de 100 � 150 m�tres, et dont les plus avanc�es couraient � une distance des premi�res lignes ennemies variant entre 20 et 150 m�tres.

Adoss�e � gauche au vallon tr�s encaiss� des Courtes-Chausses, elle d�veloppait plus � l'est deux saillants, l'un � cheval sur le parc des Meurissons, l'autre en face de l'�peron 263. En arri�re de ces points faibles, on avait m�nag� des r�duits.

Sur le front du 5e Corps d'Arm�e, la r�partition des secteurs de divisions �tait la suivante : � droite, la 1e division tenant la rive gauche de l'Aire avec une brigade ; au centre, la 9e division, install�e � cheval sur la Haute-Chevauch�e, sa droite � l'Aire ; � gauche, la 125e division s'�tendant jusqu'� la Biesme.

 

Le 13 juillet, au matin, sur le front attaqu� par l'ennemi, la 9e division avait encore en premi�re ligne deux r�giments, le 4e r�giment d'infanterie vers la croupe 263, le 113e en avant de la hauteur 285.

Le 66e bataillon de chasseurs et le 82e r�gi�ment d'infanterie formaient r�serve, partie dans les baraquements, partie en cantonnement d'alerte � Clermont-en-Argonne.

La 125e division occupait, avec le 91e r�giment d'infanterie, le fond des Meurissons, avec le 76e, la ligne des Courtes-Chausses.

Les 72e et 131e r�giments d'infanterie, en r�serve, s'�chelonnaient dans la vall�e de la Biesme.

 

Le 13 juillet, � 4 heures, une puissante artillerie ennemie ouvrait, sur tout le front compris entre la hauteur 263 et le ravin des Courtes-Chausses, un violent bombardement, pr�curseur de l'assaut. Bient�t on apprenait par un d�serteur que l'attaque devait se produire vers 10h30, entre le Four�de-Paris et Vauquois.

 

Le commandant du 5e Corps d'Arm�e prenait imm�diatement ses premi�res dispositions: il faisait errer les r�serves de divisions, soit 9 bataillons, et les tenait pr�tes � riposter par de vigoureux retours offensifs.

Cependant, notre artillerie avait tendu des barrages et r�pondait imm�diatement � l'artillerie ennemie.

D'autre part, le commandant de l'Arm�e avait remis � la disposition du 5e Corps d'Arm�e la bri�gade maintenue en r�serve de groupe d'Arm�es.

Le 89e r�giment d'infanterie, transport� en camions automobiles jusqu'au Claon, re�ut l'ordre de con�tinuer par �chelons sur la Croix-de-Pierre et de s'y �tablir en position d'at�tente. On pou�vait esp�rer que le premier ba�taillon serait� amen� � pied d��uvre vers midi.

Enfin, le 46e r�giment d'infanterie fut maintenu alert� � Parois-Vraincourt, en attendant que la situation s'�clairc�t du c�t� de la 1 e di�vision.

Cependant, d�s 6 heures, tout en poursuivant la destruction de nos premi�res lignes, les Allemands, pouf g�ner les mouvements des renforts, tendaient, � hauteur de la Pierre-Crois�e et de la Maison Foresti�re, � cheval sur la Haute-Chevauch�e, deux barrages d'obus asphyxiants.

Ce tir s'effectuait par salves de quatre coups, �chelonn�es de 30 en 30 secondes, les rafales durant une demi-heure et �tant suivies de p�riodes de ralentissement plus ou moins longues.

Peu � peu, par un temps tr�s calme qui favorisait la stagnation des gaz asphyxiants , un nuage blanch�tre � odeur d'amandes am�res, piquant les yeux et provoquant une sensation de suffocation, s'�levait au-dessus du sol et s'accumulait dans les fonds, les tranch�es et les abris.

Les hommes de renfort, munis de masques, purent franchir les barrages sans �tre trop incommod�s;�mais la situation des �l�ments immobilis�s dans la zone battue devint vite intenable.

C'est ainsi que l'�tat-major de la 9e division dut quitter son abri de Pierre-Crois�e et que les servants des deux batteries lourdes de la Maison Foresti�re furent r�duits, � plusieurs reprises, � abandonner leurs pi�ces.

Le bombardement syst�matique des tranch�es de premi�re ligne et de soutien par patientez un peu..............................
des obus de gros calibre et les projectiles de minenwerfer se poursuivait parall�lement � l'�tablissement des barrages de gaz asphyxiants.

Il semble aussi que les Alle�mands aient uti�lis�, pour lan�cer ces gaz, des bombes de grande capacit� ou des appareils d'�mission mas�qu�s sous case�mates � cr�neaux bas.

Quoi qu'il en soit, lorsque, vers 8 heures, l'attaque d'in�fanterie se pro�duisit sur la cote 263, les tran�ch�es �taient en grande partie d�truites ; cer�taines fractions du 4e r�giment d'infanterie c�d�rent sous le choc, et l'ennemi s'infiltra dans nos lignes en plusieurs points.

Le g�n�ral de division dut aussit�t faire appel � ses r�serves; une contre� attaque d'un bataillon du 82e r�giment d'infante�rie r�ussit momentan�ment � enrayer la progres�sion de l'ennemi.

Mais, � 10h30, une nouvelle attaque allemande ayant pour objectif la hauteur 285 per�ait les lignes du 4e r�giment d'infanterie, refoulait le 113e et p�n�trait jusqu'� la hauteur 285.

Les deux derniers bataillons du 82e r�giment d'infanterie furent jet�s en avant, entre les hau�teurs 263 et 285, pour enrayer ce mouvement.

Mais, un peu plus tard, on apprit que la droite de la 125e division c�dait, que le 91e r�giment d'infanterie �tait �cras�, que le 113e reculait; d�j� l'ennemi s'approchait de Pierre-Crois�e.

Le g�n�ral commandant la 9e division n'h�sita pas � engager ses derniers effectifs : le 66e bataillon de chasseurs. Il lui ordonna de reprendre � tout prix la hau�teur 285.

La contre-attaque se produisit entre 13 et 14 heures.

D�s midi, les dispositions avaient �t� prises pour faire serrer les r�serves du Corps d'Arm�e.

Le 89e r�giment d'infanterie re�ut par t�l�phone l'ordre de pousser ses deux bataillons de t�te au fur et � mesure de leur arriv�e jusqu'� la Maison Foresti�re et de les tenir � la disposition du g�n�ral commandant la 9e division, pour le cas ou' leur intervention deviendrait n�cessaire.

Le 3e bataillon devait rester � la Croix-de-Pierre, � la disposition du g�n�ral commandant le Corps d'Arm�e.

D'autre part, du c�t� de la 10e division, le bom�bardement restait mod�r�; aucune attaque n'appa�raissait imminente.

Le 46e r�giment d'infanterie re�ut en cons�quence l'ordre de se mettre en marche sur la Croix-de-Pierre. A 13 heures, toutes ces dispositions �taient en voie d'ex�cution.

Mais, d�s 14 heures, le commandant du 5e Corps d'Arm�e avait pris la d�cision de faire donner toute la fraction de la r�serve de Corps d'Arm�e arriv�e � la Maison Foresti�re (deux bataillons du 89e r�giment d'infanterie), pour r�tablir la situa�tion sur la Haute-Chevauch�e et la croupe de la Fille-Morte.

Avant que cet ordre re��t son ex�cution, la si�tuation, bien que devenue meilleure, restait ce�pendant difficile.

Le 66e bataillon de chasseurs, au prix de pertes �lev�es atteignant 30% de l'effectif, avait r�ussi � prendre pied sur la croupe 285; mais les �l�ments de la 125e division, � gauche, r�sistaient avec peine � la pression de l'ennemi.

Pour assurer d�finitivement notre ligne de ce c�t�, le bataillon de t�te du 89e r�giment d'infanterie fut, � 15 heures, lanc� � la gauche des chasseurs, et son intervention, des plus opportunes, nous permit d'assurer d�finitivement l'int�gralit� du front � l'ouest de la Haute-Chevauch�e.

Un peu apr�s 16 heures, le g�n�ral Micheler (5e Corps d'Arm�e) se transportait au poste de commandement du g�n�ral Arlabosse (9e division), � la Maison Foresti�re, pour envisager l'emploi des r�serves encore disponibles.

La situation �tait � ce moment la suivante : du cot� de la 125e division, la ligne tenait ferme; plus � l'est, les chasseurs occupaient la hauteur 285; le 4e r�giment d'infanterie se maintenait dans le r�duit du saillant 263; le 82e s'accrochait aux pentes abruptes entre ces deux points; mais la liaison restait mal assur�e et, � chaque instant, la ligne �tait expos�e � c�der.

Le g�n�ral commandant le 5e Corps d'Arm�e donna, en cons�quence, l'ordre au commandant de la 9e division de prononcer une attaque pour d�gager le front du 82e r�giment d'infanterie, et mit, dans ce but, � sa disposition les deux bataillons restants du 89e.

L'artillerie lourde pr�para l'entr�e en action du 89e r�giment d'infanterie en effectuant un tir de barrage contre les anciennes tranch�es fran�aises; et, vers le nord, l'artillerie divisionnaire fut charg�e d'appuyer plus imm�diatement l'attaque.

Notre contre-attaque se produisit vers 18 heures.

Prise � partie par l'artillerie et surtout par les mitrailleuses ennemies, elle n'aboutit � aucun r�sultat d�cisif.

En fin de journ�e, nous n'avions pas r�ussi, malgr� tous nos efforts, � reprendre la ligne de tranch�es reliant la croupe 285 au r�duit 263.

Mais la liaison �tait r�tablie un peu en arri�re.

A l'ouest de la Haute-Chevauch�e, la ligne form�e sur la cr�te de la Fille-Morte se reliait � la droite de la 125e division. Quant aux deux bataillons du 46e r�giment d'infanterie, oblig�s de prendre dans la vall�e de l'Aire des cheminements d�fil�s pour �chapper au tir de l'artillerie enne�mie et retard�s, par suite, dans leur mouvement, ils constitu�rent, � la Croix-de-Pierre, la r�serve du Corps d'Arm�e.

A la 125e division, la lutte n'avait pas �t� moins chaude. De 3h30 � ici 10h30, un bombardement extr�mement intense de projectiles de gros calibre et d'obus asphyxiants lanc�s par minenwerfer, bouleversait les tranch�es de premi�re ligne et de soutien, du Fer-�-Cheval au r�duit des Meurissons.

L'attaque suivait entre 10h30 et 11 heures.

Au r�duit des Meurissons, la garnison, consti�tu�e par un bataillon du 91e r�giment d'infanterie, se cramponnait au sol sous un violent bombarde�ment, accompagn� d'�mission de gaz ; mais un jet de liquide enflamm� for�ait la compagnie de droite � reculer, et les Allemands s'infiltr�rent par le ravin des Meurissons.

Le commandant du batail�lon chercha alors � se frayer un chemin � la ba�onnette. Les autres bataillons du 91e r�giment d'infanterie se voyaient bient�t contraints, dans les m�mes conditions, de refluer vers les lignes de soutien, non sans subir de fortes pertes.

De vigoureuses contre-attaques des fractions disponibles, qu'appuyait le gros du 131e r�giment d'infanterie, parvenaient � rejeter, un instant, l'ennemi dans le ravin des Meurissons.

Mais nous �tions bient�t arr�t�s par un feu terrible de mitrailleuses allemandes.

Les d�bris du 91e r�giment d'infanterie m�l�s au 131e,cherch�rent � se reformer dans les ouvra�ges de la ligne de soutien. A gauche, ils se maintinrent dans les ouvra�ges 12 et 11 ;mais, � droite, ils ne purent que s'�tablir � la cr�te de la Fille-Morte.

Ils inflig�rent de fortes pertes � l'ennemi qui attaquait en forma�tions compactes. Dans la soir�e, la liaison avec la gauche de la 9e division �tait assur�e.

Plus � l'ouest, le bataillon de gauche du 76e r�giment d'infanterie, peu menac�, conservait ses tranch�es de premi�re ligne; mais les autres �l�ments de ce r�giment, annihil�s par les gaz asphyxiants et les jets de liquide enflamm�, ne tardaient pas � se r�fugier dans les ouvrages 13, 14 et 15 de la ligne de soutien. Ces ouvrages n'�tant pas reli�s entre eux, l'ennemi parvint � se glisser dans les intervalles; et six contre-attaques successives, effectu�es par le 72e r�giment d'infanterie, furent n�cessaires pour conserver cette nouvelle ligne. Au cours de la nuit, la lutte se poursuivit partout sans interruption.

 

Le 13 juillet au soir, le g�n�ral commandant le 5eCorps d'Arm�e prescrivait aux g�n�raux com�mandant les deux divisions de reconstituer des r�serves en arri�re de leur front et de profiter de cette reconstitution pour r�tablir, dans la mesure du possible, les liens tactiques en partie disloqu�s par le combat. (journal de marche du 161e r�giment)

 

Pour le lendemain, 14 juillet, ordre fut donn� d'attaquer l'ennemi afin de reprendre d'abord les ouvrages de la deuxi�me ligne en avant de la Fille�Morte et de la hauteur 285, et ult�rieurement les tranch�es perdues.

Le premier objectif de l'atta�que principale men�e par la 9e division, ren�forc�e des 89e et 46e r�giments d'infanterie (deux bataillons), �tait de r�cup�rer dans son int�gralit� la hauteur 285 et de consolider la liaison entre cette hauteur et le r�duit de 263,toujours occup� par le 4e r�gi�ment d'infante�rie.

 

La nuit du 13 au 14 s'�coula sans incidents s�rieux; mais, par suite du mau�vais temps, les liaisons furent difficiles. En d�pit des plus grands efforts, on ne parvint � reconsti�tuer, en arri�re de la premi�re ligne, que des r�serves partielles peu consid�rables, sauf au 89e r�giment d'infanterie o� six compagnies furent rendues disponibles.

Dans le secteur de la 9e division, notre attaque sur les ouvrages allemands 6, 7 et 8, d�clench�e le 14, � 7h30, apr�s une s�rieuse pr�paration d'artillerie, fut arr�t�e par un barrage d'obus asphyxiants et un bombardement intense sur nos lignes.

Renouvel�e � 11 heures, elle parvint � progresser par ses ailes, se rapprocha par endroits tr�s pr�s de l'ennemi, mais finit par �tre enray�e.

Aussi bien devant la hauteur 285 (89e r�giment d'infanterie et chasseurs) qu'entre cette hauteur et le r�duit de 263 (un bataillon du 46e r�giment d'infanterie), les efforts se poursuivirent toute la journ�e.

A 18 heures, le commandant du r�duit de 273 rendait compte que, gr�ce � l'appui des fractions du 46e r�giment d'infanterie, il avait pu progresser de 150 m�tres sur sa gauche ; sa situa�tion n'en demeurait pas moins tr�s difficile.

Du c�t� de la 125e division, le 131e r�giment d'infanterie chassait d�finitivement, � 10h30, les Allemands du plateau de la Fille-Morte et prenait pied dans un �l�ment de l'ouvrage 10.

Mais toute progression ult�rieure fut arr�t�e par les mitrail�leuses qui, tirant des abords de 285, prenaient nos troupes d'enfilade.

En m�me temps que nos soldats cherchaient � p�n�trer plus avant dans les lignes allemandes pour r�cup�rer les tranch�es perdues, les efforts se poursuivaient en vue de h�ter le renforcement du front et la construction de nouveaux ouvrages de soutien.

 

Dans la soir�e du 14, le g�n�ral commandant le 5e Corps d'Arm�e estima que le moment �tait venu de reconstituer les unit�s, compl�tement disloqu�es, et d'organiser les lignes de d�fense sur tout le front.

Tout en admettant la n�cessit� de tenir, comme premi�re ligne, les points occup�s par les unit�s les plus avanc�es, il prescrivit des reconnaissances en vue de la cr�ation d'une puissante position de r�sistance sur la cr�te de La Chalade et le Mont de Villers. Pour mener � bien l'organisation de cette position, tous les travailleurs disponibles furent mis � la disposition du colonel commandant le g�nie du Corps d'Arm�e.

 

En outre, dans la nuit du 14 au 15, un r�gi�ment du 15e Corps, tout en restant en r�serve d'Arm�e, fut amen� en arri�re et � gauche du 5e Corps (112e r�giment d'infanterie, d�barqu� au Claon).

 

Les pertes support�es dans ces deux journ�es par le 5e Corps d'Arm�e s'�levaient � 186 officiers et plus de 8000 hommes.

Comme mat�riel, nous avions perdu 24 mitrailleuses enterr�es, bris�es ou abandonn�es, 14 mor�tiers de 58, 2 canons de 65 qui, install�s sous casemates, n'avaient pu �tre retir�s, mais dont les servants avaient enlev� les culasses.

L'ennemi, de son c�t�, paraissait avoir beau�coup souffert de nos contre-attaques; il avait engag� au moins six r�giments et deux bataillons

de chasseurs appartenant au XVIe Corps d'Arm�e.

Dans l'ensemble, nos troupes avaient bien tenu devant la violence des attaques, et s'�taient signal�es par des actions d'�clat.

Il faut citer, en particulier, la magnifique endu�rance du bataillon Tissier, du 4e r�giment d'infan�terie, qui, au r�duit de la cote 263, r�sista six jours dans des tranch�es boulevers�es, presque entour�, repoussant des contre-attaques inces�santes, de jour et de nuit, � coups de grenades et � coups de p�tards, tout en soutenant la lutte par la sape contre les mines allemandes.�

Le 66e bataillon de chasseurs s'�tait distingu� par sa brillante et vigoureuse contre-attaque qui nous rendait la hauteur 285.

Enfin, la batterie de mortiers� de 58, avant d'abandonner ses pi�ces � moiti� ensevelies, r�us�sissait � tirer la presque totalit� des munitions accumul�es en vue de notre attaque pr�vue pour le lendemain.

 

En r�sum�, gr�ce � la puissance extraordinaire de ses moyens mat�riels, artillerie de gros calibre, minenwerfer et surtout gaz et flammes, l'ennemi �tait parvenu � faire tomber nos premi�res tran�ch�es, et � p�n�trer dans nos lignes.

Mais la vigueur de notre r�sistance avait permis de localiser rapidement ce succ�s que l'adversaire, tr�s �prouv� lui-m�me, ne pouvait ni poursuivre, ni exploiter.

 

 

Cependant, en Argonne occidentale, les attaques se d�clenchent le 14 juillet, conform�ment au plan qui n'a subi aucune modification.

Devant Marie-Th�r�se et Bagatelle, notre progression est tr�s faible, nous enlevons quelques tranch�es dans la r�gion de l'ouvrage Labord�re; � la lisi�re ouest de l'Argonne, seulement, nous r�alisons des progr�s sensibles en occupant le bois Beaurain.

 

Mais celui-ci est reperdu le 15 juillet, apr�s une s�rie de contre-attaques violentes. Puis la lutte se stabilise dans l'Argonne occidentale, tandis qu'elle se poursuit �prement dans la partie orien�tale.

 

Les enseignements

Les �v�nements des 13 et 14 juillet en Argonne orientale, comme ceux des 30 juin et 2 juillet en Argonne occidentale, comportaient pour nous divers enseignements.

 

Les attaques ennemies ont �t� pr�par�es par des bombardements d'une extr�me violence d'obus de gros calibre qui ont d�truit nos premi�res lignes, et par un bombardement d'obus asphyxiants sur les arri�res qui a rendu toute la zone presque intenable : elle a �t� pr�c�d�e imm�diatement par un tir sur nos tranch�es avanc�es de gros minen�werfer, lan�ant des projectiles de 50 kilos.

Dans des conditions si d�favorables pour nous, l'attaque s'est produite sans rencontrer la r�sis�tance habituelle de nos troupes; l'ennemi n'a eu qu'� cueillir tous les d�fenseurs qui se trouvaient plus ou moins anesth�si�s dans nos premi�res tranch�es. Ainsi s'expliquait le nombre consi�d�rable de prisonniers, claironn� par le radio allemand.

Dans cette r�gion de l'Argonne, nos moyens mat�riels ne pouvaient rivaliser avec ceux mis en oeuvre par l'ennemi.

Nos obus asphyxiants n'avaient pas fait leurs preuves; quant � nos ca�nons de tranch�e de 58, ils semblaient des jouets � c�t� des minenwerfer lan�ant avec pr�cision un projectile charg� de 50 kilos d'explosifs.

Dans l'attaque du 3o juin, par exemple, une portion de tranch�e, longue de 200 m�tres, fut compl�tement d�truite sur toute sa largeur, en moins de cinq minutes, par un tir de neuf batteries de minenwerfer.

En outre les Allemands avaient amen� en Argonne une grande quantit� de canons de gros calibres.

Lors de l'attaque du 20 juin, sur le front du 32e Corps d'Arm�e, depuis l'Aisne jusqu'� la route du Four-de-Paris � Varennes, nous avions pu

compter 25 batteries de 105, 9 batteries de 15 et 4 de 21; et dans la journ�e du 14 juillet, 35 bat�teries lourdes en action, en dehors des batteries beaucoup plus nombreuses de 77.

Mais, en ce qui concerne l'infanterie, d�s que l'ennemi revenait aux proc�d�s habituels du combat loyal, nos soldats montraient par la vigueur de leurs contre-attaques qu'ils �taient de taille � faire reculer l'adversaire.

C'est cette constatation qui a maintenu intact le moral de nos troupes, malgr� les plus rudes �preuves.

 

� Cette lutte en Argonne est terrifiante, parce qu'elle ne cesse jamais ni de jour ni de nuit�, �cri�vait le g�n�ral Sarrail dans un rapport.

� Depuis le 8 janvier, date � laquelle j'ai pris le commandement en Argonne, je n'ai vraiment pas connu de journ�e calme, bien que mes comptes rendus t�l�phoniques aient souvent employ� ce terme, mais tout est relatif. Le calme n'existe jamais en argonne. Pour se faire une id�e de ce qu'est cette lutte de p�tards et de bombes, je dirai que si, au d�but, je fabriquais � l'Arm�e 2500 p�tards par jour, je suis oblig� aujour�d'hui d'en fabriquer 25000, et ce nombre sera encore insuffisant, tous les Corps en r�cla�mant.

� A ce jeu, les troupes s'usent vite. J'ai dit d�j� que, depuis le 8 janvier, j'avais perdu en Argonne 1200 officiers et 82.000 hommes, presque la moi�ti� de l'effectif de l'Ar�m�e �

 

A la suite des �v�ne�ments du mois de juillet en Argonne, le g�n�ral Sarrail fut remplac� dans le commandement de la 3e Arm�e par le g�n�ral Humbert.

�

 

A partir du 15 juillet, notre secteur en Argonne devient purement d�fensif. De son c�t�, d'ailleurs, l'ennemi manifeste une activit� beaucoup moindre.

Jusqu'au mois de novembre, on ne signalera que deux attaques d'une certaine importance : les 10 et 11 ao�t sur le ravin de la Houyette, o� la 15e division d'infanterie coloniale perd une bande de terrain large de 600 m�tres sur 200 de profon�deur ; le 8 septembre, sur Marie-Th�r�se, o� le 10e Corps d'Arm�e a remplac� le 32e, le com�muniqu� allemand annonce la conqu�te d'un front de 3 kilom�tres sur une profondeur de 3 � 500 m�tres. Cette op�ration nous co�tait �49 offi�ciers et 2.460 hommes hors de combat.

 

Texte tir� de � La grande guerre v�cue, racont�e, illustr�e par les Combattants, en 2 tomes� Aristide Quillet, 1922 ï¿½

 

 

2 combats dans la for�t d�Argonne :���� Le bois de La Gruerie

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