REPRÉSENTÉE dans de très nombreux musées du monde entier, l'oeuvre du céramiste Emile Decoeur (1876-1953) reste pourtant peu connue du grand public français. Celui-ci aura l'occasion de la découvrir avec un petit ensemble de pièces qui seront vendues à l'hôtel d'Evreux le 3 avril, avec de nombreux objets art nouveau et art déco.
A partir des années 1870-1880, la céramique française connaît un renouveau lié à la découverte des porcelaines et des grès japonais, qui inspirent les maîtres de l'époque. Pour la première fois ils imposent une nouvelle conception de leur métier, refusant leur seul statut d'artisan pour y ajouter la notion de créativité artistique, qui n'existait pas jusqu'alors. Ces précurseurs ouvrent la voie à de nombreux disciples, dont Emile Decoeur fut sans doute l'un des plus brillants.
Apprenti à quatorze ans dans l'atelier d'Edmond Lachenal, Decoeur y reçoit une formation complète, tant sur l'étude des matières que sur l'histoire des techniques anciennes. Après une médaille de bronze à l'Exposition universelle de 1900, il ouvre son propre atelier en 1907 et se consacre à des recherches sur le grès ainsi que sur la porcelaine. Multipliant les nuances, il expérimente de nombreux effets inédits, marbrures, craquelures, incisions, camaïeux, etc., poussant l'exigence jusqu'à détruire les pièces qu'il considère comme imparfaites.
Vers 1927, il met au point un grès porcelainé (c'est-à-dire mélangé de kaolin), qui sert de support au répertoire art déco dont sont issues les oeuvres proposées ici. La gamme des bleus et des verts compte parmi ses grandes réussites.
PIÈCES UNIQUES
Un vase balustre offre un émail gris-bleu moucheté de noir, le col et l'épaulement rehaussés d'une bande noire (30 000 F-35 000 F, 4 580 -5 340 ), un vase rouleau émaillé noir et nuancé de bleu nuit (15 000 F-20 000 F, 2 290 -3 050 ), une bouteille pansue à haut col droit et ouverture soliflore est recouverte d'un émail bleu indigo formant, sur le fond blanc, un décor de marbrures irrégulières (25 000-30 000 F, 3 816-4 580 ). Les verts comprennent une large palette allant du jade foncé au céladon le plus clair. Un vase ovoïde présente un émail vert olive sur fond marbré vert vif (25 000 F-30 000 F, 3 816 -4 580 ), un autre de forme diabolo (d'après le jeu du même nom) est vert-de-gris moucheté de noir (mêmes prix). Les motifs craquelés sur fond ivoire révèlent l'influence des porcelaines chinoises d'époque Song (IXe-XIIe siècles) : vase à épaulement plat (25 000 F-30 000 F, 3 816 -4 580 ), coupe ornée d'une fleur entourée d'une frise de pastilles de couleur ocre-beige (20 000 F-25 000 F, 3 050 -3 816 ).
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