Ce 9 janvier 2015 à Bruxelles, Apple est venu éteindre le feu. Sous le coup d’une enquête de la Commission européenne pour les avantages fiscaux exorbitants dont elle profite en Irlande, la multinationale américaine risque une grosse amende pour aides d’Etat. Elle conteste les faits, mais doit donner des gages. Et c’est ce qu’elle fait, en dévoilant aux services de la redoutée commissaire à la concurrence Margrethe Vestager une réorganisation fiscale assumée par son directeur général, Tim Cook, conforme aux nouvelles règles que vient d’adopter l’Irlande, sous la pression internationale.
Cette restructuration n’empêche pas Bruxelles de condamner Apple, le 30 août 2016, à rembourser à l’Irlande un montant record de 13 milliards d’euros. Mais elle est appréciée par les régulateurs et les politiques, du G20 (groupe des vingt pays les plus riches) à l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), en guerre contre l’optimisation fiscale (définition) agressive des entreprises.
Apple est-elle prête à payer toute la part d’impôts qui lui revient ? Ce qui s’est passé, en coulisses, au cours des mois précédents nourrit quelques doutes. Les documents confidentiels auxquels Le Monde et le Consortium international de journalistes d’investigation (ICIJ) ont eu accès montrent que la firme à la pomme mobilise des bataillons d’avocats pour restructurer ses implantations irlandaises et maintenir un taux d’imposition le plus bas possible jusqu’en 2021. Elle a mandaté, pour cela, le cabinet américain Baker & McKenzie, qui a lui-même engagé une vaste consultation auprès d’Appleby, ce cabinet spécialisé dans les montages offshore au cœur des « Paradise Papers ». L’enjeu est considérable, car deux tiers des profits d’Apple remontent en Irlande, où le groupe a été autorisé à créer des entités fiscalement apatrides, de drôles de sociétés de droit irlandais sans résidence fiscale déclarée. Un jackpot fiscal.
Des bataillons d’avocats
Ces sociétés irlandaises permettent à Apple d’économiser des milliards d’euros d’impôts, surtout depuis que l’iPhone a fait la fortune de la société californienne. Elles jouent un rôle-clé dans l’accumulation de cash que stocke le groupe offshore, hors de portée du fisc américain. Un trésor de guerre de plus de 250 milliards de dollars aujourd’hui.
Mais voilà, en 2013, pressée de se réformer par la communauté internationale, l’Irlande a annoncé qu’il ne serait plus permis d’utiliser sur son sol de telles sociétés fantômes sans résidence fiscale, de véritables ovnis juridiques dénoncés par l’OCDE comme des entités « hybrides » toxiques.
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