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L'Occident asphyxie l'économie iranienne

Les sanctions internationales qui frappent le pays font plonger la monnaie iranienne et pèsent sur une population qui commence à gronder.

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Le rial iranien a perdu 75 % de sa valeur en un an.
Le rial iranien a perdu 75 % de sa valeur en un an. © AFP

Temps de lecture : 6 min

Du jamais-vu en trente-trois ans de République islamique. Au cours de la seule journée de lundi, le rial iranien a perdu 17 % de sa valeur, atteignant son niveau historique le plus bas. Une chute spectaculaire qualifiée dans la foulée de "succès" par la porte-parole du département d'État américain. Pour Victoria Noland, elle illustre "la pression internationale implacable et de plus en plus réussie que nous faisons tous peser sur l'économie iranienne". Lundi soir, le dollar s'échangeait contre 34 800 rials, au lieu de 24 600 rials une semaine plus tôt. En un an, la monnaie iranienne a perdu plus de 75 % de sa valeur.

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"Cette nouvelle chute confirme l'explosion de l'économie iranienne", estime l'économiste Fereydoun Khavand (1). "Le rial iranien souffre aujourd'hui de la chute considérable des exportations de pétrole iranien", assure-t-il. Le 1er juillet dernier, l'Union européenne a décidé de mettre un terme à ses achats de brut iranien, suite au refus de Téhéran de suspendre son programme nucléaire controversé. Privée de son client européen, qui lui achetait 20 % de son brut, la République islamique a également vu ses autres partenaires prendre leurs distances.

L'Iran en manque de dollars

Sous la pression des États-Unis, l'Inde, la Corée du Sud, le Japon, la Turquie et même la Chine ont considérablement réduit leur achat d'or noir iranien. "Le trésor américain interdit à ces pays de commercer en dollars avec la Banque centrale iranienne (BCI)", rappelle ainsi Thierry Coville (2), chercheur sur l'Iran à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). Ces acheteurs commencent donc à se rabattre sur le marché irakien, aujourd'hui en plein essor. "Cette baisse des exportations iraniennes a provoqué des dégâts extrêmement importants", souligne Fereydoun Khavand. "Il y a à peine un an et demi, l'Iran exportait 2 millions de barils par jour. Aujourd'hui, ce volume est passé à 800 000 barils par jour."

Un sérieux manque à gagner pour la République islamique, qui tire 85 % de ses rentrées en devises des ventes de son pétrole (l'Iran possède les deuxièmes réserves d'or noir au monde, NDLR). D'après le Fonds monétaire international (FMI), il ne restait plus fin 2011 au gouvernement iranien que 106 milliards de dollars (82 milliards d'euros, NDLR) de réserve en devises étrangères. "À ce rythme, l'Iran va perdre chaque année entre 40 et 50 milliards de dollars (entre 31 et 39 milliards d'euros, NDLR), malgré les cours élevés du brut", estime l'économiste. Des pertes qui vident le stock de la Banque centrale iranienne (BCI), censée injecter les devises sur le marché, afin de maintenir l'équilibre de la monnaie iranienne.

La crise actuelle est d'autant plus grave qu'elle vient se greffer sur une inflation déjà galopante. Son niveau serait d'ailleurs si élevé que le gouvernement iranien a cessé de publier son taux officiel, qui est donc dramatiquement resté bloqué à 23,5 %. Pendant ce temps, la majorité des biens de consommation étant importée de l'étranger, l'Iran a vu le prix de la viande et du riz, ingrédients indispensables à la cuisine iranienne, ."Les prix augmentent chaque jour et ça ne s'arrête pas", lance à l'AFP Khosro, retraité qui n'a d'autre choix que de faire le chauffeur de taxi pour arrondir ses fins de mois.

Marché noir

"Le prix de mon dentifrice, une marque étrangère, a triplé en quelques mois. Du coup, je vais acheter un produit iranien. Mais il a aussi presque doublé", s'insurge de son côté Maryam, une jeune Iranienne, interrogée par l'AFP. Face au manque de liquidités s'est développé dans le pays une véritable économie parallèle, comme au temps de la guerre Iran-Irak. Si le taux de référence du dollar reste fixé à 12 260 rials, le billet vert s'arrache sur la place Ferdowsi de Téhéran jusqu'à 35 000 rials. Pour éteindre l'incendie, le gouvernement a dernièrement mis en place des "centres d'échange". Des dollars y sont mis à disposition des importateurs de biens, à un taux inférieur de 2 % à celui du marché libre.

"Cette décision n'a fait qu'entériner de facto l'existence d'un marché noir et provoquer d'autant plus la panique", note Fereydoun Khavand. Dès l'annonce, nombre de chefs d'entreprise et de commerçants se sont rués sur les marchands officieux de devises, seul moyen de financer leurs importations. De leur côté, les épargnants ont pris d'assaut les banques pour retirer leurs économies et les changer en dollars, dont la valeur n'a donc cessé d'augmenter. Le gouvernement a bien tenté de les en dissuader en avertissant de la circulation de faux billets, mais rien n'y a fait.

La contagion n'épargne plus les classes les plus défavorisées, qui bénéficiaient jusqu'ici d'intéressantes subventions gouvernementales. D'après Associated Press , un manifeste de mécontentement circulerait secrètement dans les usines et commerces du pays. "Une augmentation vertigineuse des prix a été constatée au cours des dernières années alors que nos salaires n'ont été rehaussés que de 13 % cette année. Si bien que des millions de travailleurs ne peuvent plus payer leur loyer mensuel", dit le document. Un ouvrier iranien gagne en entre 95 et 220 dollars par mois (entre 73 et 170 euros, NDLR), soit moins que le seuil de pauvreté, qui est fixé à 315 dollars (243 euros) mensuel. La pétition aurait rassemblé quelque 10 000 signatures avant d'être adressée au ministre du Travail.

Révolte populaire ?

"Les travailleurs ne se contenteront pas d'écrire des pétitions", avertit Jafar Azimzadeh, un ouvrier militant interrogé par Associated Press . "Ils descendront dans la rue et mèneront d'autres actions." L'Iran pourrait-il être le théâtre de nouvelles manifestations populaires sur fond de mécontentement social ? C'est en tout cas ce que souhaite le ministre israélien des Affaires étrangères. Dans un entretien au quotidien Haaretz, Avidgor Lieberman a assuré qu'il y aurait "une révolution de la place Tahrir à la mode iranienne". "Les manifestations de l'opposition qui ont eu lieu en Iran en juin 2009 vont revenir avec plus de force", a annoncé le chef de la diplomatie israélienne.

"Il règne aujourd'hui dans les grandes villes iraniennes le plus grand des mépris quant à l'incompétence du gouvernement dans la gestion de cette crise économique", affirme Fereydoun Khavand. "Cette colère pourrait dégénérer en mouvement de protestation généralisé contre le régime, d'autant plus qu'à la différence du mouvement vert de juin 2009, les classes les plus défavorisées, touchées de plein fouet par la crise, pourraient cette fois s'associer aux classes moyennes."

Un scénario auquel ne croit guère Thierry Coville. "Le pays, qui vit en crise depuis la révolution, est habitué aux spéculations de son économie et aux forts taux d'inflation", assure-t-il. "La société civile iranienne est moderne. Elle a montré sa maturité en descendant dans la rue en juin 2009, sans pour autant sombrer dans le chaos. Si les Iraniens ont des griefs contre le système, ils ne sont pas pour autant prêts à en subir la répression." Pour le chercheur, en sanctionnant le peuple iranien, les Occidentaux rendent au contraire service à Mahmoud Ahmadinejad en lui permettant d'imputer à l'"ennemi" sa piètre gestion économique. D'ailleurs, le président iranien ne s'y est pas trompé

(1) Fereydoun A. Khavand, spécialiste des questions économiques de l'Iran, Centre Maurice Hauriou, Université Paris Descartes.

(2) Thierry Coville, professeur d'économie à Novancia, auteur de Iran, la révolution invisible (éditions La Découverte).

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Commentaires (9)

  • Frenchy

    Relire à ce sujet l'article du Point "Iran : Ahmadinejad n'a jamais appelé à "rayer Israël de la carte" ".

  • Norman14

    Ça n'est pas compliqué : "Chacun pour soi et Dieu pour tous". Il n'y a qu'à voir, par exemple, ce qui se passe quand des grèves perturbent le ravitaillement des stations en carburants...

  • pierre cauchon

    Les Français se foutent de savoir ce qu'endure ce peuple, d'ailleurs ils nous ont jamais rien fait, on se contente seulement d'obéir aux américains, c'est aussi simple que ça.