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Najat Vallaud-Belkacem : « Il ne faut pas s’étonner que les gens votent avec les pieds »

ÇA RESTE ENTRE NOUS. Ravie du réveil de la gauche de gouvernement, l’ancienne ministre, qui publie un livre sur l’école, entend continuer à peser dans le débat.

Par Nathalie Schuck

Temps de lecture : 6 min

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Est-ce la hype dans les sondages de la liste PS-Place publique pour les européennes qui lui donne le sourire ? Dans le café du 11e arrondissement de Paris où on la retrouve, Najat Vallaud-Belkacem se lèverait presque pour danser sur la playlist, funky. « Je suis assez réjouie de ce qu'il se passe autour de Raphaël Glucksmann. On avait besoin d'un bol d'air, de relever la tête. C'est la gauche de gouvernement, pas la gauche de rue, celle qui nous rend fiers. Il ne faut pas laisser le soufflé retomber. Ça peut être le retour en grâce d'une gauche de gouvernement », confie-t-elle autour d'un café, avec l'espoir que le PS se libère enfin de la férule de La France insoumise.

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Et si la gauche cessait d'être « la plus bête du monde », comme on le disait de la droite ? Elle se prend à imaginer un improbable conclave pour choisir le meilleur porte-drapeau pour la présidentielle. « Je rêve d'un truc : on part du principe que Mélenchon, ce n'est pas possible, et on identifie les vingt personnes qui peuvent nourrir des ambitions – même à LFI, Clémentine Autain ou François Ruffin. On les met tous dans une pièce pour un séminaire, un week-end », esquisse-t-elle. Et, « quand il en reste deux ou trois, on cherche un processus de désignation », dès 2025 ou 2026. Elle serait même prête à organiser le sommet !

À LIRE AUSSI Najat Vallaud-Belkacem veut « rationner » l'usage d'InternetEt elle, dans tout cela ? Najat Vallaud-Belkacem a toujours le virus de la politique, mais le service actif ne lui manque pas. Elle a conservé son fauteuil de conseillère régionale d'Auvergne-Rhône-Alpes, car « les mandats locaux vous ancrent, vous collent au sol ». Il lui offre un poste privilégié d'observation de l'aspirant candidat des Républicains, Laurent Wauquiez, qu'elle décrit, avec une mordante ironie, « amoureux de lui-même ».

« Pendant les sessions plénières, il adore s'écouter parler, il fait étalage de culture, il montre qu'il a des lettres ! » pique-t-elle, dépeignant un président de région « d'une violence inouïe avec son opposition de gauche, notamment les écolos » et « mielleux » avec les élus d'extrême droite. Quant à s'engager plus avant dans la politique nationale… « Elle en a pris plein la gueule », relève un proche en rappelant qu'elle et Christiane Taubira étaient les cibles favorites de la droite dure durant le quinquennat Hollande. Encore ces dernières semaines, avec sa proposition, certes baroque, de rationner Internet à quelques gigas par semaine. Les railleries ont occulté le message de fond : comment lâcher nos écrans, qui nous ravagent le cerveau ?

« Prendre le pouvoir »

Elle s'épanouit dans sa nouvelle vie de directrice France de l'ONG One et de l'association France terre d'asile. Elle donne des cours à Sciences Po, aussi. Avantage, et non des moindres : « Vous défendez des valeurs sans vous prendre les poubelles ouvertes de la politique. Qui a envie de se retrouver sur un plateau télévisé à 22 heures ? » Quand tout s'est arrêté en 2017 avec la renonciation de François Hollande, elle n'est pas « partie faire du fric », mais a cherché comment porter autrement ses idées.

Notre pays a laissé se développer des établissements ghettos

« Nous, les jeunes pousses, n'avions pas le même rapport aux choses que la génération précédente au PS. On s'est dit : “J'ai 40 ans, l'âge de vivre une autre vie, je ne vais pas monter un cabinet de conseil.” Il y a infiniment plus de vertus à réorganiser sa vie comme Matthias Fekl, Aurélie Filippetti, Cécile Duflot et moi l'avons fait. Comment reste-t-on cohérent avec ses engagements ? »

Bien plus que lorsqu'elle était ministre de la Jeunesse ou de l'Éducation, elle est au contact des jeunes générations, des décideurs de demain, qu'elle coache et encourage à investir les partis, à « prendre le pouvoir », étrillant le message délétère d'Emmanuel Macron qui avait critiqué le cursus honorum des élus gravissant patiemment les échelons. « Systématiquement, les jeunes m'expliquent qu'ils veulent y aller sans parti. Je leur dis : “Vous vous gourez.” Macron a tout déstructuré dans l'esprit des gens. Je leur donne le conseil suivant : “Rejoignez un parti qui vous semble le moins éloigné de vos aspirations et si vous avez dix potes, changez les choses de l'intérieur.” »

Parce que la tension monte dans le pays, que le Rassemblement national est aux portes du pouvoir, que la crise écologique est occultée par la guerre en Ukraine – « On est dans le film Don't Look Up  ! » s'étrangle-t-elle –, elle continuera à faire entendre sa voix, dans le domaine de l'éducation en particulier. Avec le sociologue François Dubet, elle vient de publier Le Ghetto scolaire. Pour en finir avec le séparatisme (Seuil).

« Notre pays a laissé se développer des établissements ghettos, où l'on ne se mélange plus, où l'on empêche les enfants d'apprendre les uns avec les autres et les uns des autres. D'un côté, 10 % des collèges concentrent une immense majorité d'enfants de parents ouvriers ou au chômage ; de l'autre, 10 % des collèges accueillent l'immense majorité des élèves d'origine sociale très favorisée », écrit-elle, dénonçant une école « du tri ». Et de rappeler le classement Pisa calamiteux de l'hiver dernier, où les élèves de 15 ans accusent de lourds retards par rapport à la moyenne de l'OCDE. « Le bilan de Blanquer ! » reproche-t-elle.

« Séparatisme scolaire »

Ode à la mixité sociale, son livre tire les leçons de l'expérimentation qu'elle avait lancée en 2015-2016 pour en finir avec la « ségrégation » au collège, à coups de mesures décidées sur le terrain (fusions de collèges, destructions d'établissements devenus repoussoirs, etc.) et non plaquées « d'en haut ». Jusqu'alors, les réponses classiques des ministres de gauche comme de droite, dit-elle, ne fonctionnaient pas.

« À droite, on assouplit la carte scolaire, à gauche, on la rigidifie. La version de gauche est aussi problématique, car des familles se retrouvent piégées. » Les résultats de son expérimentation, suivie par un comité de chercheurs, ont été publiés en 2023 sans que nul ne s'en empare, à sa vive déception – « une faute politique et morale » – malgré « de très bons résultats académiques pour les moins bons élèves, sans nivellement par le bas pour les bons ». « Le climat scolaire en est vraiment amélioré », car « ça casse les ghettos scolaires », se félicite-t-elle, regrettant que l'école soit devenue « un champ concurrentiel où les parents veulent extraire leur enfant de la masse ».

Quand la science vous dit que les classes de niveau, ce n’est pas bien, il faut l’entendre !

Elle dirait presque merci à son éphémère successeure Amélie Oudéa-Castéra d'avoir relancé, à son corps défendant, la guerre scolaire entre public et privé. Dans son livre, où elle charge « le séparatisme scolaire des milieux favorisés », Najat Vallaud-Belkacem avance du reste une idée en forme de petite bombe : indexer les financements publics versés aux écoles privées sous contrat à leurs résultats en matière de mixité sociale.

Elle compte présenter l'ouvrage à la nouvelle ministre de l'Éducation Nicole Belloubet, mais avoue avoir omis de l'envoyer à Gabriel Attal, dont elle ne partage pas les visées scolaires. « Quand la science vous dit que les classes de niveau, ce n'est pas bien, il faut l'entendre ! » Elle rêve d'une « révolution » scolaire, d'un « monde où on se côtoie vraiment. La crise démocratique vient de cet entre-soi, de la façon dont l'élite qui nous dirige s'adresse aux classes populaires, à coups de “traverser la rue”. Il ne faut pas s'étonner que les gens votent avec les pieds, y compris pour les extrêmes », cingle-t-elle, laissant la question de ses ambitions pour la suite totalement ouverte.

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Commentaires (215)

  • bernard_31540

    Pourquoi parle t-elle de la ou des prochaines présidentielles ? N'y a t-il rien à faire en ce moment ? Au lieu de sauter des phases de notre vie commune.

  • Watys

    Quand on voit toutes les sottises commises par Belkacem quand elle était ministre de l'Education Nationale, il ne faut pas s'étonner que les électeurs aient quitté le PS.

  • hmrmon

    A-t-on jamais vu une société où les serviettes et les torchons se mélangeaient, peu importe le système politique prévalant ? La preuve, tout le monde veut voir ses enfants faire partie du gratin.