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On les appelle " Voleurs dans la loi "

Saigneurs. L'élite de la mafia de l'ex-URSS prospère en France. Business et... règlements de comptes.

Jérôme Pierrat

Temps de lecture : 5 min

On a beaucoup fantasmé sur elle. Cette fois, ça y est. La mafia de l'ex-URSS, les Vory v zakone("Voleurs dans la loi"), est bien là. Comme en témoignent les exécutions en un peu plus d'un an de trois de ses caïds : un Géorgien, un Tchétchène et un Arménien, tous révolvérisés entre Nice et Marseille, leur région de prédilection.

Depuis vingt ans, on annonçait en frémissant l'arrivée de la "mafia russe" en France. Mais en fait de tueurs en chapka, c'est une pluie de millions qui s'était abattue dans les années 90 sur l'immobilier de la Côte d'Azur, à Paris et dans le pays de Gex, frontalier avec la Suisse. Des billets à l'origine douteuse.

Mafieux, affairistes, oligarques... on a d'abord ignoré qui se cachait derrière. Dans le doute, les autorités ont harcelé administrativement ces nouveaux venus, originaires des anciens pays du bloc soviétique, jusqu'à ce qu'ils quittent la France. La plupart ont mis le cap vers l'Espagne. Comme le Géorgien Tariel Oniani, le seul parrain de l'Est condamné en France. En 1998, le tribunal de Grasse lui infligeait quatre ans de prison pour une tentative d'enlèvement d'un compatriote réfugié en Belgique. A sa sortie, il s'était donc installé en Espagne, avant de se replier à Moscou, la capitale de cette élite de la mafia russe. Tariel Oniani était considéré comme l'un des plus puissants Vory v zakone- en fait, une confrérie née dans les camps soviétiques, régie par un code de l'honneur très strict et dont les membres sont reconnaissables à leurs tatouages, notamment des étoiles à neuf branches qu'ils arborent sur les épaules et les genoux.

Depuis, les mafieux de l'Est sont revenus, plus discrètement. Car, cette fois, il ne s'agit plus de faire sauter les bouchons de champagne dans les boîtes de la Côte, mais de faire du business. Les vory géorgiens en tête, qui représenteraient près de la moitié de la confrérie. En décembre 2005, le Parlement géorgien a adopté une loi sanctionnant le statut de kanioneri,vor en géorgien, ce qui a poussé au départ les 192 "Voleurs dans la loi" répertoriés dans le pays. Selon les services spécialisés géorgiens, 149 auraient choisi la Russie, tandis que les 43 autres se partagent aujourd'hui entre les Etats-Unis, Israël et l'Union européenne - plus particulièrement la France et l'Espagne...

Les "Voleurs dans la loi" y pilotent principalement des cambriolages, dont les Géorgiens sont de grands spécialistes. Une manière douce de s'implanter en territoire inconnu avant d'investir plus durablement dans le pays et y diversifier leurs activités, une technique déjà éprouvée en Espagne. Pratiqués à grande échelle, les casses chez des particuliers et dans des entreprises sont peu flamboyants mais néanmoins lucratifs. Et le rythme est de plus en plus soutenu, comme le montrent les arrestations qui se multiplient : le 7 février, 14 Géorgiens menés par deux voryétaient arrêtés dans la région de Caen pour 39 casses, le 22 mars, à Annecy, tombait une équipe de cinq hommes suspectés à eux seuls d'une soixantaine de fric-frac !

Un tel appétit génère aussi quelques tensions entre les clans. A Caen, le 3 novembre, un truand géorgien blessait par balles un compatriote mais néanmoins concurrent et, le 18 mars, le vor Vladimir Janashia était abattu à Marseille, où il se cachait après avoir échappé, deux mois auparavant, à une première tentative de meurtre. Le Géorgien avait alors sauté par la fenêtre de son appartement niçois sous les rafales de kalachnikov des deux tueurs qui venaient de surgir. Des hommes de main spécialement dépêchés de Tbilissi par deux autres vory, les frères Kakhaber et Lasha Shushanashvili. Les exécuteurs étaient passés par la Grèce, l'Espagne, puis direction Pamiers, dans l'Ariège, où un compatriote leur avait remis les armes avant qu'ils ne filent vers la Côte d'Azur. La victime appartenait au clan du pionnier, Tariel Oniani, originaire de la ville de Koutaïssi, en guerre contre le clan de Tbilissi dirigé par Grand père Khasan, le vor qui a "couronné" les frères Shushanashvili. L'enjeu du conflit ? Le pactole de l'obshchack, une dîme prélévée par les vory sur le milieu criminel. Chaque groupe de voleurs doit reverser 15 % de ses gains au vor qu'il juge le plus puissant. Le racket se fait par l'intermédiaire de surveillants régionaux, les smotriachi. Et comme l'a révélé l'opération de police qui s'est déroulée le 15 mars 2010, les frères Shushanashvili comptaient en France quatorze smotriachi, répartis entre Paris, Le Havre, Annecy, Bordeaux, Toulouse, Lyon... rendant eux-mêmes compte au palogenet, le responsable national de l'organisation.

Les parrains géorgiens ne règnent pas seulement sur leurs compatriotes. Certaines équipes de Moldaves, eux aussi spécialistes des cambriolages, passent à la caisse. Les truands moldaves forment une autre communauté d'avenir. Peu nombreux, ils sont très structurés et surtout très pros : les coups sont minutieusement préparés, et le butin en général enfoui dans les bois avant d'être récupéré par une seconde équipe détenant les coordonnées GPS de la cache. Les Moldaves reversent également une partie du racket qu'ils exercent eux-mêmes sur les microbus roumains faisant chaque week-end la navette entre Paris et Bucarest.

Les "Voleurs dans la loi" aimantent aussi des truands caucasiens, notamment arméniens. En novembre 2006, un chasseur découvrait, dans un bois de Bourg-en-Bresse, le corps de Felix Magarian, poignardé et étranglé pour avoir volé une cargaison de cigarettes de contrebande à un certain Artur Grigorian, dit "Artur de Nice". Le mois suivant, son collègue Arman le Grand échappait à une tentative de meurtre. Quant à Artur de Nice, il s'est depuis... suicidé. En quelques années, les mafieux caucasiens ont fait de Nice leur capitale française. Le 5 mai, un vor arménien, Edvard Margaryan, qui venait de s'installer en ville, était abattu par un Géorgien chez qui il dînait. Un deuxième invité, un caïd tchétchène, Abdullah Erzanukayev, était également tué. Celui-ci, surnommé "Abdullah l'Autrichien", avait été arrêté en 2002, dans le cadre d'une opération antiblanchiment visant un holding russe installé sur les Champs-Elysées. Il avait depuis quitté Paris pour Nice, où il jouait... le juge de paix pour sa communauté.

Une communauté de plus en plus remuante : le 19 mai, en plein Festival de Cannes, dix Tchétchènes armés de barres de fer et de couteaux ont passé à tabac une dizaine de vigiles de la boîte de nuit VIP Room. L'année précédente, des compatriotes avaient assuré la sécurité d'une salle voisine, mais leur contrat n'avait pas été renouvelé. Sans doute une application du fameux code de l'honneur...

Règlements de comptes

Dîner fatal Le 5 mai dernier, Edvard Margaryan, un " vor " (" voleur ") arménien qui venait de s'installer à Nice, est abattu par un Géorgien chez qui il dînait.

Une victime géorgienne Le 18 mars 2010, Vladimir Janashia meurt sous les balles, à Marseille, où il se cachait après avoir échappé à une première tentative de meurtre en janvier.

... et son exécuteur Kakhaber Shushanashvili, avec son frère Lasha, a dépêché deux hommes de main pour liquider Vladimir Janashia. Il est arrêté dès le 15 mars 2010 en Espagne.

Les vory v zakone

Origine Ex-URSS.

Spécialités Evidemment le vol. Egalement le racket.

Implantation Tout le grand Ouest (surtout en Normandie) et en Provence-Alpes- Côte d'Azur.

Structure Pyramidale avec le parrain ( vor ), le responsable national ( palogenet ), régional ( smotriach ) et les soldats ( chestiorki ).

Signes distinctifs Des tatouages sur les épaules et les genoux. Avec une prédilection pour le chat botté, qui symbolise le voleur, et l'église orthodoxe, qui sert de casier judiciaire cutané : le nombre de dômes correspond au nombre de condamnations.

Religion Orthodoxes.

Dangerosité Très violents. Y compris entre eux. Toute violation du code de l'honneur est jugée devant un tribunal interne (le chodka ), et les sentences - de l'amende à la mort par strangulation ou coup de poignard - sont rapidement exécutées. Insulter un autre vor est puni de mort...