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Crédit mutuel. La Bretagne fait de la résistance !

Entre le Crédit mutuel de Bretagne-Arkéa et son puissant cousin de Strasbourg, c'est le bras de fer. Face aux ambitions d'unité des Alsaciens, les Bretons défendent leur autonomie et leur spécificité régionale.

Crédit mutuel. La Bretagne fait de la résistance !
Des ambitions nationales  Plus d'infos dans le numéro de juillet du Journal des entreprisesC'est une bataille feutrée, entre héritiers du mutualisme bancaire et de la démocratie chrétienne. Quelques heurts mais pas de provocation frontale. Sauf ce 15février 2011, dans les locaux de la Confédération nationale du Crédit mutuel, rue Cardinet, à Paris. Ce jour-là, Michel Lucas, l'homme fort du Crédit mutuel, fait voter la suppression du poste de vice-président de la Confédération, historiquement réservé aux Bretons. Dans la foulée, les six élus bretons de l'instance nationale démissionnent. Dans une lettre interne, révélée à l'époque par Le Télégramme, Jean-Pierre Denis, le patron du Crédit mutuel-Arkéa, qui regroupe Bretagne, Sud-Ouest et Massif central, évoque «une initiative qui remet en cause l'équilibre et le pluralisme du Crédit mutuel». «L'élection s'est faite avec 85% des voix, la démocratie a parlé», nous a laconiquement expliqué Michel Lucas, le 27mai, à Strasbourg. Cette affaire interne révèle au grand jour le manque d'unité du Crédit mutuel en France. La Confédération nationale n'est qu'une instance politique regroupant les fédérations régionales. Des fédérations qui, au fil des ans, sont tombées sous la coupe du Crédit mutuel de Strasbourg. Les dix que l'Alsace contrôle aujourd'hui pèsent 80% du Crédit mutuel en France. Une onzième, le Crédit mutuel Anjou, pourrait rejoindre l'ensemble au 1erjanvier 2012. Depuis Strasbourg, la super-fédération Crédit mutuel-Centre Est Europe touche potentiellement 44 des 65millions de Français. Aujourd'hui propriétaire du CIC, l'ensemble s'est baptisé CM10-CIC. L'informatique, le nerf de la guerre La stratégie employée par Michel Lucas? «Il est venu au secours de fédérations de Crédit mutuel mal gérées», raconte Hubert Bonin, professeur à Sciences Po Bordeaux, spécialiste de l'histoire du mutualisme bancaire. Et il les a fait entrer dans le giron alsacien à travers le système informatique. Même d'anciens alliés des Bretons ont cédé: en 2008, Angers et La Roche-sur-Yon ont quitté l'informatique du CMB pour rejoindre l'Alsace. Michel Lucas ne veut pas s'arrêter là. À 72 ans, il cumule tous les postes: président de CM10-CIC et de la Confédération nationale, patron du CIC. Et il vise l'unification de la banque en France. Faisant fi de l'autonomie de l'autre poumon mutualiste français: la Bretagne. «La carte du Crédit mutuel en France, c'est la carte du catholicisme. Il y a une légitimité historique en Alsace comme en Bretagne», note Hubert Bonin. «Face à la volonté d'unification de Strasbourg, seuls la Bretagne et le Nord ont résisté», explique-t-il. «Mais Lille basculera vite car ils ont déjà l'informatique de l'Alsace», assure un syndicaliste du groupe. «Dommage... Entre Brest et Lille, il y a eu plusieurs rendez-vous manqués», note un connaisseur de la banque.Face à l'expansionnisme alsacien, le CMB a longtemps privilégié son ancrage régional avant de s'unir aux fédérations du Massif central et du Sud-Ouest. Dans le camp alsacien, on n'hésite pas à prédire un ralliement de la Bretagne. Christine Zanetti, qui dirige, à Nantes, la fédération Loire-Atlantique - Centre-Ouest, ralliée à Strasbourg, n'y va pas par quatre chemins: «Arkéa, c'est Astérix sans la potion magique! Avec moins de 10% du périmètre, au bout d'un moment, économiquement, ils ne tiendront pas. Le sens de l'histoire, c'est l'unité.» Et selon le camp strasbourgeois, l'autonomie bretonne a un coût: «Nos divergences coûtent cher. Si nous avions une organisation plus communautaire, nous réaliserions 200millions d'euros de gains», assure Alain Têtedoie, le président de la caisse nantaise. Nantes, c'est d'ailleurs l'un des lieux de friction entre Bretagne et Alsace. On y trouve deux pôles assurances du Crédit mutuel (Suravenir, filiale du CMB, et les ACM, assurances du Crédit mutuel d'Alsace). Même concurrence sur le marché entreprises à travers les filiales respectives BCME et BECM... Un bénéfice record pour Arkéa Du côté d'Astérix, à Brest, on se refuse à évoquer le dossier et à mettre de l'huile sur le feu. Mais on affiche une volonté farouche d'autonomie et de liberté. À l'actif de Jean-Pierre Denis, après trois ans de présidence: un bénéfice record en 2010 de 273millions d'euros. «Ce haut niveau de performance est vital pour notre groupe et notre développement», assure-t-il, avant de détailler une ambitieuse stratégie de développement régional et national (ci-dessous). Et il affiche la bonne santé de sa banque: «L'Autorité de contrôle des banques vient de nous attribuer la note de 1 sur une échelle de 1 à 5». Économique, l'enjeu est aussi politique et social. Arkéa, c'est 2.300 salariés à Brest, 5.750 en Bretagne (contre 4.800 au Crédit agricole) et un poids économique important: 25 à 30% de parts de marché et un soutien à l'économie régionale. En 2010, le groupe a recruté 620 personnes. «Brest a tout intérêt à ce que le CMB garde son autonomie», note un élu du personnel. Autant de raisons pour que les politiques bretons s'intéressent à l'avenir de la banque. «Je découvre avec ce différend que l'on peut être centralisateur et confédéré», commente Jean-Yves Le Drian, le président de Région. «Le CMB-Arkéa est un acteur incontournable de notre territoire. Son ADN est intimement lié à la Bretagne. Le nier, c'est nier son histoire.» Deux Bretons Ni Jean-Pierre Denis ni Michel Lucas ne veulent en faire une guerre des chefs. Ce sont pourtant deux hommes et deux stratégies qui s'opposent. Deux hommes que tout sépare... ou presque. Jean-Pierre Denis, enfant du Cap, est né à Quimper il y a 50ans. Diriger la banque bretonne, c'était pour lui un retour au pays. Michel Lucas est lui aussi breton, de Locmiquélic, dans le Morbihan. Il a fréquenté le lycée Dupuy-de-Lôme à Lorient. À 72 ans, peut-il vraiment avaler la banque bretonne? «Arkéa a les reins solides. Michel Lucas n'arrivera pas à réaliser son rêve», assure un ancien cadre. «Nous sommes la preuve qu'une banque territoriale a toute sa place», affirme Jean-Pierre Denis. Un vrai bras de fer de banquiers derrière lequel perce la volonté farouche du monde économique breton à résister à tout centralisme.

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