Mai 2012, bar de l'hôtel Omm, à Barcelone. Salvador Boix, fondé de pouvoir de José Tomas, a convoqué Simon Casas, ancien matador et directeur, entre autres, des arènes de Nîmes. Il lui offre sur un plateau l'une des trois prestations du maestro de la temporada 2012. Les conditions sont simples : Tomas toréera dans la capitale du Gard, le 16 septembre, à 11h30, seul, face à six taureaux de six élevages différents. Son prix ? L'intégralité de la recette de la corrida.

Publicité

Simon Casas n'hésite pas une seconde : "J'ai l'intuition que je tiens la possibilité d'un chef-d'oeuvre", écrit-il dans La Corrida parfaite. Elle le sera, on le sait, et on en dégustera les meilleurs moments dans le "troisième temps" de ce petit livre, mi-journal intime, mi-confession de l'un des initiateurs du "mouvement des toreros français". Qui, profondément ébranlé par le miracle du 16 septembre, retourne sur son passé, revient sur ses "quêtes de fortune et de gloire" et, surtout, correspond avec son frère des années de dèche madrilène, l'écrivain Alain Montcouquiol (Nimeño I) aussi taciturne, discret et placide que Simon est actif, survolté et ambitieux.

Grâce à José Tomas, "j'ai entendu, enfin, l'écho harmonieux du silence qui, depuis nos 20 ans, m'unit à Alain", note l'ami repenti. Surprise : Bernard Domb, alias Simon Casas, 65 ans, écrit bien, très bien. Ses souvenirs d'apprenti torero, affamé et volontaire, dans le Madrid des années 1970, du côté de la plaza Santa Ana, sont des plus délectables. Il dit avec puissance et poésie les rêves de gloire et de lumière, et brosse le juste portrait de l'extraterrestre José Tomas, ressuscité à moult reprises, maestro dans la lignée des Belmonte, Manolete, Cordobés, Ojeda. Onze oreilles et une queue ! "Jamais dans l'histoire de la tauromachie, triomphe n'avait été plus complet !" Quinze mille aficionados, pas un de plus (le maître refuse toute captation), vécurent "l'aboutissement lumineux de l'art taurin". Pour tous les autres, restent les apôtres. Simon Casas en est l'un des premiers.