LA CONFÉDÉRATION DES NOMADES KEL AHAGGAR
(SAHARA CENTRAL)
(Pl. XIII.)
Le Hoggar représente sans doute l'un des milieux naturels les plus hostiles du Sahara. Mis à part les massifs montagneux de l'Atakor et de la Tefedest, les précipitations y sont rares et particulièrement irrégulières, vu la position continentale du Hoggar, à mi-chemin entre les zones méditerranéenne et soudanaise. Sur ce pays presque entièrement rocheux et imperméable, une forte evaporation réduit encore l'effet bienfaisant des pluies : les grandes plaines monotones et désertes (Tanezrouft, Ténéré, IghargharT Amadror) sont recouvertes d'une très mince pellicule alluviale, incapable de retenir l'eau, et sont presque entièrement dépourvues de végétation. Seuls les massifs montagneux, où l'aridité s'atténue, abritent dans les fonds de vallées et parfois sur les pentes une végétation buissonnante qui, bien qu'intermittente, est plus favorable à la vie nomade.
Dans l'isolement de ces montagnes s'est conservé un groupe humain extrêmement original, les Kel Ahaggar, infime fraction de l'ensemble touareg puisqu'ils sont estimés à 5 000 environ1, alors qu'on en dénombre au Sud environ 300 000 au Niger et 175 000 au Soudan. Mais tandis que ces derniers se mêlaient à des populations noires ou arabes, les Touaregs du Hoggar, retranchés du monde arabe au Nord par la muraille presque inhabitée des Tassilis, isolés des Maures à l'Ouest par l'immense désert du Tanezrouft, et des Toubous à l'Est par la plaine inhabitable du Tafassasset, ont conservé presque intacte une forme de civilisation berbère dont l'équilibre, déjà très fragile, est particulièrement menacé aujourd'hui au contact du monde moderne.
I. — Fondements de la société touarègue
Cette civilisation semble être le résultat d'une fusion entre différents éléments de civilisations berbères, puisque, autant qu'on puisse faire le départ entre les légendes et l'histoire, les Touaregs se rattachent aussi bien aux anciens Libyens du Fezzan et du Sud tunisien, qu'aux Berabers de l'Ouest saharien.
La langue
(tamacheq ou tamahaq), typiquement berbère, est la seule langue berbère qui possède une écriture (le tifinar) d'ailleurs très archaïque, sans voyelles, dont le déchiffrage est, même pour un Targui, un exercice de devinette. Très inférieure au français et à l'arabe comme moyen de communication par écrit, elle n'est pratiquement utilisée aujourd'hui que pour de courts messages ou des billets doux, tandis que la langue se maintient fortement comme moyen d'expression orale, soutenue par tout un folklore
1. Le recensement de 1960 indique un total de 4 902 Touaregs et 1167 serviteurs. Ces chiffres doivent être un peu inférieurs à la réalité.