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Angola : les indépendantistes dans l’impasse au Cabinda. 

Les indépendantistes

Parution : 24/08/2004

Auteur : Centre d’information géopolitique

 

Depuis le début des années 1960 les habitants du territoire du Cabinda sont victimes d’un des plus anciens conflits d’Afrique. D’une zone-tampon entre puissances coloniales à un territoire aux ressources convoitées, le Cabinda a été victime des rivalités internationales en raison de sa position géographique. Enclave angolaise enchâssée entre les deux grandes républiques congolaises, ce territoire fait l’objet de multiples mises en scène d’iconographies et de discours de la part d’une myriade d’organisations indépendantistes, parfois appuyées sur des groupes de guérilla. Cette cacophonie nuit à la définition d’une différenciation politique crédible de cet espace. Enfin, l’incapacité des indépendantistes à unifier leurs stratégies militaires et diplomatiques favorise l’exercice d’une répression massive par l’armée angolaise dans un arrière-pays forestier, où, d’ailleurs, peu de témoins étrangers osent se risquer.

I. Les enjeux stratégiques de l’espace cabindais
1/ La traite des esclaves et la naissance d’une zone-tampon

A l’arrivée des Européens sur les rivages du royaume du Kongo, à la fin du XVe siècle, le Cabinda était partagé entre trois principautés, dont l’influence s’étendait au-delà des frontières actuelles de ce territoire. Ces principautés (Loango, Kakongo et N’Goyo), dominées par des clans du groupe kongo de la famille ethno-linguistique bantoue, étaient tributaires du roi du Kongo. La plus puissante de ces trois principautés était celle de Loango, éponyme de sa capitale, un port sur le site de la ville de Pointe-Noire. Elle était gouvernée par les Vili. La capitale des deux autres principautés étaient aussi des ports : Malemba pour Kakongo et Cabinda pour N’Goyo. Comme dans les autres territoires kongo, la christianisation a été précoce et profonde après la conversion du roi Nzinga a Nkuwu en 1491 [1] . En 1665 les Portugais, alliés à un noble du sud du royaume kongo, ont écrasé les troupes royales à Mbwila et tué le roi Ndo Ntoni Antonio Ier. Le pays a ensuite été divisé en plusieurs royaumes soumis au Portugal. Dès le XVIIe siècle des rivalités étaient apparues entre les puissances européennes qui souhaitaient contrôler les ports du royaume du Kongo pour le trafic des esclaves. Ainsi, entre 1640 et 1648 les Hollandais avaient pris position dans cet espace, puis ont été chassés par les Portugais. En 1702 les flottes française et anglaise se sont affronté au large du Cabinda. En 1722 la construction d’une forteresse anglaise sur ce territoire a suscité une intervention militaire du Portugal. A partir de 1768 des marins et des prêtres catholiques français se sont installés à Cabinda. Les Portugais ont alors construit une forteresse dans ce port, ce qui a motivé l’envoi d’une expédition française l’année suivante et la destruction de cet ouvrage militaire. Vaincus et décimés en masse par le paludisme les Portugais ont alors fui le Cabinda. Puis, en 1786 ils ont accepté les diktats des autres puissances par la convention de Madrid : les droits du Portugal sur ce territoire étaient reconnus en échange de la liberté de commerce et de trafic des esclaves pour les autres puissances européennes. Au XIXe siècle, après l’extinction de la traite des esclaves et avec le début de la conquête coloniale des terres intérieures de l’Afrique équatoriale, le Cabinda est redevenu un point de fixation des rivalités européennes, à cause de sa position géographique, près de l’embouchure du fleuve Congo. En effet, à cette époque, les fleuves étaient des axes stratégiques majeurs pour les puissances coloniales, qui cherchaient à en remonter le cours pour établir des postes avancés à l’intérieur de territoires continentaux inexplorés, bases de recensement des ressources naturelles et points d’ancrage de futures vagues de colonisation. La course à l’exploration et au bornage de ces territoires leur permettaient de revendiquer les espaces parcourus. En 1873 les Français ont envoyé à Cabinda des missions religieuses et y ont ouvert une école des Arts et Métiers, tandis que les Hollandais y construisaient des maisons et des forteresses. Craignant de perdre le Cabinda, le Portugal a fait signer des traités aux chefs tribaux de 1883 à 1885, avant la conférence de Berlin, réunion des puissances européennes pour le partage des colonies et des zones d’influence en Afrique. Le plus important de ces traités a été signé le 1er février 1885 à Simulambuco par le roi du Cabinda, Ibiala Mamboma, plaçant le Cabinda sous le protectorat du royaume du Portugal. La validité de ce traité a été reconnue par la conférence de Berlin, car les Britanniques et les Allemands avaient vu l’intérêt de diviser la région de l’embouchure du fleuve Congo entre leurs rivaux, Français, Belges et Portugais. La réalité d’un royaume souverain couvrant la totalité de ce territoire apparaissait plus que douteuse et peu vérifiable dans l’épaisse forêt tropicale. Aujourd’hui cet acte constitue le texte de référence des indépendantistes, dans la mesure où il établit juridiquement l’existence d’une entité politique cabindaise. Selon eux, la cessation du protectorat aurait dû s’accompagner d’un retour à l’indépendance de ce royaume cabindais reconnu par le droit international.

2/ La découverte du pétrole et l’annexion du Cabinda par l’Angola

En 1954 le gouvernement portugais a délivré des concessions de recherche pétrolière à la société nord-américaine Gulf Oil Company. Dès 1956 cette dernière a commencé ses premières extraction de pétrole brut au Cabinda, et en 1957 a obtenu l’exclusivité de l’exploitation des hydrocarbures dans ce territoire. Cette même année le Portugal a placé le Cabinda et l’Angola sous l’autorité d’un administrateur unique, sans modifier le traité de Simulambuco, et en contradiction avec la constitution portugaise, qui distinguait ces deux territoires. Semblant entériner cette fusion de fait, la résolution 1542 (XV) de l’Assemblée générale des Nations unies adoptée le 15 décembre 1960 relative à la décolonisation a retenu « l’Angola y compris l’enclave du Cabinda ». Mais, en 1964, après une réunion au Caire, l’Organisation de l’unité africaine (OUA) a publié une liste de pays à décoloniser mentionnant distinctement l’Angola (cas n° 35) et le Cabinda (cas n° 39). Cependant, la découverte de grands gisements pétroliers off-shore en 1966 n’incitait pas le Portugal à abandonner ce territoire.

Le 25 avril 1974 le régime fasciste portugais a été renversé par un soulèvement militaire. Le 19 septembre suivant le Mouvement pour la libération de l’Angola (MPLA), une organisation politico-militaire nationaliste soutenue par l’URSS, a annoncé l’annexion du Cabinda par l’Angola. Pourtant, les présidents du Portugal, du Congo, du Zaïre et du Gabon s’étaient mis d’accord pour organiser un référendum sur l’indépendance au Cabinda. Les autorités portugaises avaient d’ailleurs permis aux indépendantistes cabindais d’ouvrir un bureau dans la capitale éponyme du territoire, Cabinda, appelée aussi Tshiôa ou Tchiowa. Le 30 septembre 1974 des officiers de gauche ont pris le pouvoir au Portugal. Le 2 novembre 1974, avec l’aval du nouveau gouvernement portugais, les troupes du MPLA ont envahi le Cabinda et écrasé toute résistance indépendantiste. Le 15 janvier 1975 l’article 3 de l’acte final de la conférence d’Alvor, signé par les trois mouvements politico-militaires indépendantistes angolais et le Portugal, a proclamé le rattachement du Cabinda à l’Angola. Le seul Cabindais présent à cette conférence fut José Ndelé, membre de l’Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola (UNITA), exilé en Suisse depuis 1962, et qui a ensuite rallié le MPLA. Jusqu’en octobre 1974 le centre de commandement des installations pétrolières de la Gulf Oil, situé sur la presqu’île de Malongo, à une quinzaine de kilomètres de la capitale du Cabinda, était sous la protection d’une milice d’environ 200 hommes, pour l’essentiel des mercenaires sud-africains et des anciens commandos de marine portugais. Ils ont été ensuite remplacés par des militaires du MPLA et des soldats cubains, qui arrivaient par milliers au Cabinda. En effet, le colonel portugais Otelo Saraiva de Carvalho s’était rendu à Cuba le 21 juillet 1975, pour solliciter une aide militaire en faveur du MPLA, entré en conflit avec les deux autres mouvements indépendantistes angolais, l’UNITA et le Front national de libération de l’Angola (FNLA). Ces deux organisations étaient soutenues par des troupes sud-africaines, qui avaient pénétré en Angola. Le FNLA, implanté au nord de l’Angola, a été rapidement dispersé. L’Angola a été coupé en deux zones stratégiques antagonistes : à l’est, l’UNITA et les mines de diamants ; à l’ouest, le MPLA et le pétrole cabindais. Le contrôle du Cabinda était vital pour permettre au MPLA d’acheter des armes avec la rente pétrolière, car les gisements pétroliers d’Angola ne sont entrés en exploitation qu’à partir de 1980. En dépit de cette confrontation sous couvert idéologique entre pro-soviétiques et pro-capitalistes, la société américaine Gulf Oil a continué l’exploitation pétrolière : par un contrat de 1978, cette société a obtenu 49 % des revenus, tandis qu’une société nationale, la Sonangol, en prélevait 51 %. En 1986 Gulf Oil a été remplacée par Chevron-Texaco . Entre 1974 et 1994, date des négociations secrètes entre le Congo et l’Angola sur le partage des gisements frontaliers off-shore, des mouvements armés indépendantistes cabindais, épaulés par des mercenaires, auraient bénéficié de l’appui des concurrents pétroliers de Gulf Oil, en particulier l’entreprise française Elf-Aquitaine, qui exploitait la majeure partie des gisements au large de Pointe-Noire. A cette époque d’autres groupes indépendantistes armés, basés au Zaïre mobutiste, auraient été soutenus par la CIA dans sa lutte contre le régime communiste angolais. Ainsi, dans cette situation inextricable d’intérêts financiers et d’options idéologiques entrecroisés est née une kyrielle de mouvements indépendantistes cabindais, qui s’entretuaient pour des intérêts étrangers. Dans les années 1990 des accords et transactions économiques entre les concurrents occidentaux ont renforcé la légitimité de l’annexion angolaise. Le pétrole cabindais représentait la moitié de la production pétrolière angolaise, qui fournissait 60 % du PNB du pays (27 millions de tonnes de pétrole vendues en 1992). Or, la population cabindaise (500 000 habitants) n’atteignait que 4,3 % de la population angolaise totale. La découverte de gaz en 1987 a permis à la société italienne Agip de participer à la production cabindaise (pour 29,8 % des parts du consortium d’exploitation) avec Chevron-Texaco (39 %) et la Sonangol (31 %). En 1991 Elf-Aquitaine a racheté à la Sonangol 20 % des actions du consortium pétrolier Cabinda Gulf Consortium (CAGBOC), dont les autres actions appartiennent à Chevron-Texaco (39,2 %) et à Agip (9,8 %) . A la fin des années 1990 Elf-Aquitaine [2] et Chevron se sont associés pour l’exploitation d’un nouveau gisement pétrolier off-shore au Congo. Puis, en 2002, Chevron a signé un accord avec les gouvernements angolais et congolais pour l’extraction du pétrole dans la zone maritime frontalière. Sur le plan politique, l’effondrement de l’URSS et l’instauration du multipartisme en Angola en 1992 ne justifiait plus le soutien des services secrets occidentaux tant à l’UNITA qu’à des groupes politico-militaires indépendantistes cabindais dépourvus de crédibilité. Enfin, en 1997 les troupes angolaises ont apporté une aide décisive aux prises du pouvoir par le Parti congolais du travail (PCT) au Congo, et par l’Alliance des forces pour la libération du Congo (AFDL) au Zaïre. Les autorités angolaises entendaient ainsi affaiblir les bases extérieures et les réseaux commerciaux de l’UNITA et des indépendantistes cabindais, en permettant l’avènement de régimes alliés aux frontières de son Eldorado, le Cabinda.

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