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Jeudi 04 Septembre 2008

Afghanistan: Le choc des photos

Par Christophe ISRAËL
leJDD.fr
>> Les photos des taliban publiées par Paris Match suscitent l'indignation des familles des soldats tués. Les taliban exhibent leurs prises de guerre: du matériel militaire- casque, gilet et fusil Famas-, mais aussi des objets personnels, parmi lesquels une montre appartenant à l'un des soldats français tombés sous leurs balles. L'Etat-major français dénonce une opération de propagande.

La publication de photos des taliban à l'origine de l'embuscade dans laquelle ont péri dix soldats français en Afghanistan le 18 août dernier passe mal auprès des familles. Derrière l'exclusivité du scoop, l'émotion est grande. Plus que les paroles du taliban interrogé par Eric de Lavarène, le reporter de Paris Match, ce sont surtout les photos qui suscitent l'émotion au lendemain de leur publication dans l'hebdomadaire. Des clichés "choc" fidèles à la devise de l'hebdomadaire, qui reposent la question de la place de l'information dans un conflit. En Afghanistan comme dans tout conflit, la communication est l'un des nerfs de la guerre, et l'information jamais exempte du risque de manipulation. "C'est choquant pour les familles" de voir des photos d'objets leur ayant appartenu. "On n'avait pas besoin de ça", a regretté sur i-Télé Béatrice Gaillet, la mère de l'un des soldats tués. Le père d'un autre militaire mort dans l'embuscade, Joël Lepahun, faisait lui aussi état du choc de voir les "assassins de nos enfants arborer leurs uniformes, leurs armes". "Sachant qu'ils les ont dépouillés, c'est le côté qui nous fait bien sûr mal", a-t-il dit sur RTL.

L'un des clichés montre l'un des combattants vêtu de la panoplie complète des soldats français. Rien ne manque. Uniforme, gilet, casque... jusqu'aux lunettes de protection et au fusil d'assaut Famas, surmonté de sa lunette de tir. Une autre manière de faire parler les armes... "Le casque, le gilet pare-balle et l'uniforme, d'après [les taliban], tout ça n'a pas été récupéré sur les soldats français", précisait la journaliste Véronique de Viguerie mercredi matin sur les ondes d'Europe 1. "En fait, en Afghanistan, on peut trouver tous les uniformes de toutes les armées qui sont fabriqués là-bas. En revanche, les fusils ont été récupérés sur des soldats français, oui."

La montre d'un soldat... "pour ses proches"

Geste à la symbolique forte, celui qui se présente comme l'un des responsables et se fait appeler le "commandant Farouki" a remis aux journalistes de Match une montre appartenant à l'un des soldats, afin qu'elle soit remise à la famille du défunt. Une fausse compassion qui permet surtout de "signer" l'embuscade. Une revendication au goût de provocation qui ne laisse pas indifférent. "Au travers de ces photos, les taliban nous montrent leur suprématie. Ils formulent des menaces nettes et précises contre la France" a estimé Joël Le Pahun. Le récit du chef taliban dans Paris Match confirme que les insurgés ont eu plusieurs corps de soldats français entre les mains pendant la nuit et les ont en partie dépouillés, avant que ceux-ci ne soient récupérés. "Les insurgés voulaient sans doute les filmer pour leur propagande, puis emporter les corps pour les échanger ensuite contre une rançon", avance un officier, sous couvert de l'anonymat, dans le quotidien Libération.

Sur Europe 1, le général Michel Stollsteiner, qui commande la région de Kaboul, a jugé lui indécente la publication des clichés de Paris Match, qui "n'apportent rien du tout et n'auront comme effet que de raviver la douleur des familles." L'Etat-major, déjà soumis à de vives critiques mettant en cause l'impréparation des jeunes militaires et les carences dans la formation des soldats, ne se laisse pas aller à l'émotion. "Ces menaces n'entament aucunement ma détermination, ni celle de mes hommes", a assuré à RTL le colonel Jacques Aragonès, à la tête des 700 soldats français déployés en renfort dans l'est de l'Afghanistan. Le militaire affirme n'avoir "rien à répondre" à des taliban passés maîtres, selon lui, en "opérations de propagande".

Eric de Lavarène, auteur de l'article, ne nie pas cet aspect du conflit mais il se défend d'avoir été manipulé. "Je ne dirais pas ça. On ne parle pas de propagande quand on part avec les troupes de l'Otan, en 'embedded' comme on dit. Pourtant la communication est toujours très très bien réglée dans ces conditions", a-t-il expliqué sur i-Télé. "Mais effectivement les taliban sont passés maîtres dans l'art de la communication", a-t-il poursuivi. Interrogé sur France Inter, Hervé Morin n'a pas explicitement condamné l'hebdomadaire et a rappelé le principe de la liberté de la presse, mais s'est tout de même demandé: "Est-ce qu'on doit faire la promotion des taliban ?" Loin de promouvoir l'action des taliban ou d'y souscrire, il n'en reste pas moins que les journalistes de Match, en publiant ce reportage, nous donnent l'occasion de décrypter des images et un discours qui constituent, par essence, des vecteurs de propagande. De faire leur travail, celui de rapporter l'information, le matériau brut. Au lecteur de se faire son idée. Et d'avoir l'oeil critique.

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