Tenseur d'Einstein

En géométrie différentielle, le tenseur d'Einstein — ainsi nommé en l'honneur d'Albert Einstein — est utilisé pour exprimer la courbure d'une variété pseudo-riemannienne.

Représentation de la déformation du champ gravitationnel par la présence d'une masse importante.

En relativité générale, il apparaît dans l'équation du champ d'Einstein, pour décrire comment le champ gravitationnel est affecté par la présence de matière.

Histoire modifier

L'éponyme du tenseur d'Einstein^[1]^,^[2]^,^[3]^,^{[N 1]} est le physicien Albert Einstein (1879-1955)^[5] qui l'a construit^[6] au cours de l'élaboration de la relativité générale. L'historien des sciences néerlandais Jeroen van Dongen présente le tenseur comme la réponse d'Einstein à la question de savoir :

« Quelle est l'expression appropriée de $? μν$ — formée à partir de la métrique et de ses dérivés, premières et secondes — qui entre dans une équation du champ de forme :
$? μν = κT μν$ ,
avec, au membre de droite, le tenseur énergie-impulsion $T μν$ de la matière comme terme source ? »^[7]

Le tenseur d'Einstein étant un tenseur de courbure, il est aussi connu comme le tenseur de courbure d'Einstein^[8]^,^[9]^,^{[N 2]} ; et, Einstein l'ayant construit avec le tenseur (de courbure) de Ricci, il est aussi connu comme le tenseur (de courbure) de Ricci-Einstein^[10]^,^{[N 3]}.

Notations modifier

À la suite d'Einstein^[12], le tenseur est usuellement noté $G$ ^[13]. Mais, comme il n'existe pas de notation normalisée, les notations $D$ , $E$ ^[14] ou $S$ ^[15]^,^[16] peuvent se rencontrer^[17].

Formule du tenseur d’Einstein en deux dimensions modifier

Le tenseur d'Einstein est un tenseur d’ordre 2, ce qui schématiquement signifie que l’on peut le représenter sous forme d’une matrice, qui possède 4 lignes et 4 colonnes, autant que les coordonnées de l’espace-temps dans lequel nous vivons. Il se déduit du tenseur de Ricci par la formule

G_{\mu \nu }=R_{\mu \nu }-{\frac {1}{2}}Rg_{\mu \nu }

$G_{\mu \nu }$ étant le tenseur d’Einstein, $R_{\mu \nu }$ le tenseur de Ricci, $g_{\mu \nu }$ la métrique riemannienne de l’espace-temps, et R la courbure scalaire, c’est-à-dire la trace du tenseur de Ricci. En deux dimensions, il s'écrit :

\left.G_{xx}=R_{xx}-{\frac {1}{2}}g_{xx}R\right.

ou

\left.G_{yy}=R_{yy}-{\frac {1}{2}}g_{yy}R\right.

Ces deux expressions sont égales et même nulles car on a :

\left.R_{xx}=g^{xx}R_{xxxx}+g^{yy}R_{xyxy}=g^{yy}R_{xyxy}=0+{\frac {1}{g_{yy}}}R_{xyxy}\right.

R=g^{mn}R_{mn}=g^{xx}R_{xx}+g^{yy}R_{yy}={\frac {1}{g_{xx}}}R_{xx}+{\frac {1}{g_{yy}}}R_{yy}={\frac {2}{g_{xx}g_{yy}}}R_{xyxy}

G_{xx}={\frac {1}{g_{yy}}}R_{xyxy}-{\frac {1}{2}}g_{xx}{\frac {2}{g_{xx}g_{yy}}}R_{xyxy}=0

On aurait de même $G_{yy}=0$ . Le tenseur d'Einstein d'une surface est identiquement nul, au contraire du tenseur de Riemann, ce qu'on vérifie sur la sphère^[18].

Propriété fondamentale modifier

Les principales propriétés du tenseur d'Einstein sont les suivantes :

Il s'annule lorsque l'espace-temps est plat^[19] ;
Il est construit à partir du tenseur de Riemann et du tenseur métrique^[19] ;
Il se distingue des autres tenseurs ainsi construits par les propriétés suivantes :
- Il est linéaire en Riemann^[19] ;
- Il est symétrique^[19] et de rang 2^[19] ;
- Il est de divergence nulle^[19].

Le tenseur de Ricci se déduit d’un autre tenseur, le tenseur de Riemann. Celui-ci obéit à un certain nombre de propriétés dont l’une est appelée identité de Bianchi. Celle-ci, transposée à la définition du tenseur d’Einstein, implique qu’il est de divergence nulle :

D_{\mu }G^{\mu \nu }=0

,

où D est la dérivée covariante, sorte de généralisation du concept usuel de dérivée au cas où l’espace temps est courbé par la présence de matière, et où les composantes dites covariantes $G^{\mu \nu }$ se déduisent de celles dites contravariantes de $G_{\mu \nu }$ par la formule $G^{\mu \nu }=g^{\mu \alpha }g^{\nu \beta }G_{\alpha \beta }$

Trace modifier

La trace du tenseur d'Einstein $G_{\mu }^{\mu }$ est reliée à la courbure scalaire $R$ (elle-même trace du tenseur de Ricci) par^[20] :

G_{\mu }^{\mu }={\frac {2-n}{2}}R

,

où $n$ est le nombre de dimensions de la variété pseudo-riemannienne^[21].

En relativité générale, $n=4$ et $G_{\mu }^{\mu }=-R$ ^[21].

Composantes modifier

Le nombre des composantes indépendantes du tenseur d'Einstein est donné par^[22] :

{\frac {1}{2}}n\left(n+1\right)

,

où $n>2$ est le nombre de dimensions de la variété pseudo-riemannienne.

Dimension modifier

Les composantes du tenseur d'Einstein sont homogènes à l'inverse d'une surface^[23]. Ainsi, leur dimension est celle l'inverse du carré d'une longueur^[24] :

\mathrm {dim} (G)={\mathsf {L}}^{-2}

.

Nullité modifier

Le tenseur d'Einstein est identiquement nul en une dimension^[22] comme en deux dimensions^[22].

Importance en relativité générale modifier

Le tenseur d’Einstein est le seul tenseur d’ordre deux faisant intervenir la métrique et ses dérivées jusqu'à l’ordre deux qui soit de divergence nulle. C'est donc le candidat idéal pour faire partie des équations d'Einstein, qui relient la géométrie de l’espace-temps (en fait le tenseur d’Einstein) à la distribution de matière, décrite par le tenseur énergie-impulsion $T_{\mu \nu }$ .

En l'absence de constante cosmologique, le tenseur d'Einstein est proportionnel au tenseur énergie-impulsion^[1]^,^[25] :

G_{\mu \nu }\propto T_{\mu \nu }

,

et l'équation d'Einstein s'écrit ainsi^{[N 4]} :

G_{\mu \nu }=\kappa T_{\mu \nu }={\frac {8\pi G}{c^{4}}}T_{\mu \nu }

,

la constante de proportionnalité κ, appelée constante d'Einstein, est ajustée de façon que les équations d’Einstein deviennent équivalente aux lois de la gravitation universelle reliant le potentiel gravitationnel Φ à la masse volumique µ au même point selon la loi dite de Poisson $\Delta \Phi =4\pi G\mu$ , G étant la constante de Newton et $\Delta$ le laplacien.

En d'autres termes, la partie gauche de la formule décrit la courbure (la géométrie) de l'espace-temps, la partie droite décrit le contenu de l'espace-temps.

Notes et références modifier

Notes modifier

↑ En anglais : Einstein tensor^[4].
↑ En anglais : Einstein curvature tensor.
↑ En anglais : Ricci-Einstein (curvature) tensor^[4]^,^[11].
↑ Avec $c = 1$ : $G μν = κT μν = 8π GT μν$ .

Références modifier

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↑ Barrau et Grain 2016, chap. 5, sect. 5.3, p. 83.
↑ Dongen 2010, chap. 1^er, sect. 1.1, § 1.1.2, p. 11.
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↑ Petitot 1997, p. 378.
↑ Leite Lopes 1986, chap. 7, § 7.2, p. 89 et 91-92.
↑ Cohen-Tannoudji 2009, sect. 4, § 4.2.
↑ Einstein 1915, p. 844 (éq. 1) et p. 845 (éq. 2 et 2a).
↑ Choquet-Bruhat 2014, partie A, chap. I^er, sec. I.9, § I.9.1, p. 21, n. 18.
↑ Zee 2013, liv. 2, part. VI, chap. VI.5, § [1], p. 388 (2).
↑ Choquet-Bruhat 2014, partie A, chap. I^er, sec. I.9, § I.9.1, p. 21 (I.9.5).
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↑ ^{a b et c} Hamber 2008, chap. 1^er, sec. 1.6, p. 21.
↑ Pérez et Anterrieu 2016, chap. 10, sec. II, § II.8, p. 249.
↑ Baaquie et Willeboordse 2015, chap. 4, remarque 4.2, p. 82.
↑ Grøn et Hervik 2007, chap. 8, § 8.1, p. 180 (8.2).

Voir aussi modifier

Bibliographie modifier

: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.

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Articles connexes modifier

Liens externes modifier

(en) Einstein tensor (tenseur d'Einstein) sur l'Etymological Dictionary of Astronomy and Astrophysics de l'Observatoire de Paris.

[5] En anglais : Einstein tensor^[4].

[11] En anglais : Einstein curvature tensor.

[14] En anglais : Ricci-Einstein (curvature) tensor^[4]^,^[11].

[29] Avec $c = 1$ : $G μν = κT μν = 8π GT μν$ .

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[Collion2019104<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;4</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;4.5</span>-9] Collion 2019, chap. 4, § 4.5, p. 104.

[Petitot1997378-10] Petitot 1997, p. 378.

[Leite_Lopes198689_et_91-92<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;7</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;7.2</span>-12] Leite Lopes 1986, chap. 7, § 7.2, p. 89 et 91-92.

[Cohen-Tannoudji2009<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="section(s)"_>sect.</abbr>_4</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;4.2</span>-13] Cohen-Tannoudji 2009, sect. 4, § 4.2.

[Einstein1915<abbr_class="abbr_"_title="page"_>p.</abbr>&nbsp;844_(éq._1)_et_<abbr_class="abbr_"_title="page"_>p.</abbr>&nbsp;845_(éq._2_et_2a)-15] Einstein 1915, p. 844 (éq. 1) et p. 845 (éq. 2 et 2a).

[Choquet-Bruhat201421,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="note(s)"_>n.</abbr>&nbsp;18</span>partie_A,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr"_title="premier">I<sup>er</sup></abbr></span>,_<abbr_class="abbr_"_title="section"_>sec.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="1"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">I</span></abbr>.9,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="1"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">I</span></abbr>.9.1</span>-16] Choquet-Bruhat 2014, partie A, chap. I^er, sec. I.9, § I.9.1, p. 21, n. 18.

[Zee2013388_(2)<abbr_class="abbr_"_title="livre"_>liv.</abbr>&nbsp;2,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="partie(s)"_>part.</abbr>_<abbr_class="abbr_"_title="6"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">VI</span></abbr></span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="6"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">VI</span></abbr>.5</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;[1]</span>-17] Zee 2013, liv. 2, part. VI, chap. VI.5, § [1], p. 388 (2).

[Choquet-Bruhat201421_(<abbr_class="abbr_"_title="1"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">I</span></abbr>.9.5)partie_A,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr"_title="premier">I<sup>er</sup></abbr></span>,_<abbr_class="abbr_"_title="section"_>sec.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="1"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">I</span></abbr>.9,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="1"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">I</span></abbr>.9.1</span>-18] Choquet-Bruhat 2014, partie A, chap. I^er, sec. I.9, § I.9.1, p. 21 (I.9.5).

[Choquet-Bruhat201462<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="partie(s)"_>part.</abbr>_A</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;IV</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="section(s)"_>sect.</abbr>_<abbr_class="abbr_"_title="4"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">IV</span></abbr>.2</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="4"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">IV</span></abbr>.2.1</span>-19] Choquet-Bruhat 2014, part. A, chap. IV, sect. IV.2, § IV.2.1, p. 62.

[Damour2012<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;3</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="note(s)"_>n.</abbr>&nbsp;20</span>-20] Damour 2012, chap. 3, n. 20.

[21] Kenyon, I.R., General relativity, Oxford University Press, 1990

[MisnerThorneWheeler1973410-22] {a b c d e et f} Misner, Thorne et Wheeler 1973, p. 410.

[KopeikinEfroimskyKaplan2011265_(3.205)<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;3.7.6.2</span>-23] Kopeikin, Efroimsky et Kaplan 2011, § 3.7.6.2, p. 265 (3.205).

[KopeikinEfroimskyKaplan2011265<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;3.7.6.2</span>-24] {a et b} Kopeikin, Efroimsky et Kaplan 2011, § 3.7.6.2, p. 265.

[Hamber200821<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr"_title="Premier">1<sup>er</sup></abbr></span>,_<abbr_class="abbr_"_title="section"_>sec.</abbr>&nbsp;1.6-25] {a b et c} Hamber 2008, chap. 1^er, sec. 1.6, p. 21.

[Pérez_2016Pérez_et_Anterrieu_2016249<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;10</span>,_<abbr_class="abbr_"_title="section"_>sec.</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="2"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">II</span></abbr>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;<abbr_class="abbr_"_title="2"_><span_class="romain"_style="text-transform:uppercase">II</span></abbr>.8</span>-26] Pérez et Anterrieu 2016, chap. 10, sec. II, § II.8, p. 249.

[BaaquieWilleboordse201582<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;4</span>,_remarque_4.2-27] Baaquie et Willeboordse 2015, chap. 4, remarque 4.2, p. 82.

[GrønHervik2007180_(8.2)<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="chapitre(s)"_>chap.</abbr>&nbsp;8</span>,_<span_class="nowrap"><abbr_class="abbr_"_title="paragraphe(s)"_>§</abbr>&nbsp;8.1</span>-28] Grøn et Hervik 2007, chap. 8, § 8.1, p. 180 (8.2).

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