Voir la source de Grève générale de 1926 au Royaume-Uni

== Conséquences du mouvement ==
=== Échec et mutation du syndicalisme britannique ===
==== Fin de l'après-guerre social et affaiblissement durable du syndicalisme britannique ====
Même si les ouvriers firent « la preuve de leur force et de leur détermination, sans violence sociale ni crise politique »<ref name="MOU241"/>, pour les syndicats, l'échec était sans appel. Il se concrétisa par une accélération de la chute, constatée depuis plusieurs années déjà<ref group=N>Les syndiqués étaient plus de 8 millions en 1920. Jacques Leruez, Jeannine Surel, ''Le Royaume-Uni au {{s-|XX|e}}'', Ellipses, 1997, {{p.|44}}</ref>, du nombre de syndiqués, qui passa ainsi de 5,5 millions en 1925 à 4,8 millions en 1928<ref name=LER46>Jacques Leruez, Jeannine Surel, ''Le Royaume-Uni au {{s-|XX|e}}'', Ellipses, 1997, {{p.|46}}</ref> : il fallut attendre le milieu des années 1930 pour voir la tendance s'inverser et le nombre de syndiqués repartir à la hausse, le niveau de 1926 n'étant dépassé qu'en 1938<ref name=BEDA261/>.

Le « fiasco total [de cette] confrontation maladroite entre le monde du travail et l'État allié au patronat (coalition derrière laquelle s'était rangé tout le [[Parti de l'Ordre|parti de l'ordre]]) »<ref name=BEDA261/> eut des conséquences durables sur la combativité du monde ouvrier, les conséquences de la [[crise de 1929]] s'ajoutant au cuisant souvenir de 1926 pour décourager les revendications des travailleurs : entre 1927 et 1939, on enregistra en moyenne trois millions de journées de travail perdues par fait de grève seulement, contre près de 45 millions par an entre 1919 et 1926<ref name=BEDA261/>. À elle seule, 1926 en avait comptées plus de 162 millions<ref name=LER46/>.

Au-delà de ces effets provisoires de l'échec, 1926 marqua la fin des espérances révolutionnaires nées de l'[[révolution bolchevique|expérience bolchevique]] et de l'après-guerre social<ref name="MARX70"/>. Il faut dire que l'événement intervenait un peu à contretemps : comme le souligne [[François Bédarida]], si « derrière cet épisode spectaculaire de la lutte entre le [[Capital]] et le [[Travail (économie)|Travail]] il convient de voir la dernière grande tentative révolutionnaire qui se soit produite en [[Angleterre]] », cette tentative était «  [[anachronisme|anachronique]] en raison de son caractère tardif, dans la mesure où l'élan révolutionnaire, porté à son maximum en 1919-1920, était déjà retombé depuis un [[lustre (Rome antique)|lustre]] »<ref name=BEDA261/> en Europe. 
[[File:Ernest Bevin.jpg|thumb|[[Ernest Bevin]] en 1945.]]

==== Vers un syndicalisme réformiste ====
Surtout, la débâcle de la grève générale porta, au Royaume-Uni, un coup fatal au [[syndicalisme révolutionnaire]] et entraîna l'abandon d'une certaine action ouvrière, fondée sur la [[lutte des classes|guerre des classes]], sur l'idée d'[[autogestion]] ouvrière et sur une grève générale élevée au rang de mythe ouvrier et considérée avec fascination depuis [[1832]] comme l'arme suprême du [[prolétariat]]<ref name="MARX70"/>. [[Beatrice Webb]] perçut le caractère décisif de l'affrontement dont elle était le témoin en {{date-|mai 1926}}, évoquant « un tournant crucial dans l'histoire de la [[classe ouvrière]] britannique »<ref>citée dans [[François Bédarida]], ''La société anglaise'', Seuil, 1990, {{p.|261}}</ref>.

De fait, l'échec ouvrit la voie, notamment avec [[Ernest Bevin]], à un syndicalisme à la dimension [[réformisme|réformiste]] assumée, « plus enclin à la négociation habilement menée qu'à l'affrontement »<ref name="Stev198" />{{,}}<ref name=LER46/>. Les ''trade unions'' s'orientèrent alors vers la recherche d'avantages tangibles pour les travailleurs, mais à travers la négociation d'accords à long terme plutôt que l'affrontement social. Cependant, si la coopération prit alors le pas sur le conflit, les syndicats ne considéraient nullement que les intérêts des ouvriers recouvraient ceux des patrons : il s'agissait seulement d'éviter de coûteuses confrontations pour s'assurer plutôt des améliorations concrètes en s'appuyant sur ce qui fait force des salariés : le nombre, la discipline, l'organisation<ref name="Stev198" />{{,}}<ref name=BEDA262>[[François Bédarida]], ''La société anglaise'', Seuil, 1990, {{p.|262}}</ref>. D'ailleurs, cette politique, loyalement suivie par les masses syndiqués, n'enleva rien à la profonde méfiance antipatronale de la base ouvrière : « même parmi les ouvriers les moins engagés ou les moins politisés affleure le sentiment qu'il y a bien un « mouvement » ouvrier, immense effort collectif, patiente défense des humbles et des petits contre les privilèges des gros »<ref name=BEDA262/>.

=== Gouvernement et patronat : un éclatant triomphe ? ===
==== Enfoncer le clou du triomphe conservateur : le ''Trade Disputes and Trade Union Act'' ====
Le gouvernement [[parti conservateur (Royaume-Uni)|conservateur]], pour sa part, triompha. Conscient de la traditionnelle prudence qui caractérisait les élites ouvrières (que l'on songe à l'échec de la grève de 1921 ou même, en remontant plus loin, à la modération des chefs [[chartisme|chartistes]] en 1848), il avait su exploiter les possibilités offertes par le refus syndical plus ou moins assumé de l'illégalité et de la guerre de classes, « précieux [[tabou]]s entre les mains d'hommes d'État expérimentés et déterminés »<ref name=LOU113/>. En position de force, non seulement il ne respecta pas, au grand scandale des grévistes, sa promesse de négociations ultérieures<ref name="MOU241"/>, mais chercha en outre à exploiter son avantage. Dès 1927, il promulgua le ''Trade Disputes and Trade Union Act'', véritable « législation de combat »<ref name=BEDA261/> à destination des ouvriers, des syndicats et du ''[[Parti travailliste (Royaume-Uni)|Labour party]]''. Ce texte proscrivait la [[grève générale]] comme les grèves de solidarité, établissait de sévères restrictions aux [[piquet de grève|piquets de grève]] et interdisait  l'affiliation des syndicats de [[fonctionnaire]]s au TUC. En outre, il imposait  que tout syndiqué déclare explicitement, au moment de son adhésion, qu'il souhaitait qu'une part de sa cotisation participe au financement de partis politiques (principe de l’''opting in'' plutôt que de l’''opting out'')<ref name=LER46/>. L'objectif était clairement de porter un coup aux finances du [[Parti travailliste (Royaume-Uni)|Parti travailliste]] et il fut atteint : celles-ci, qui reposaient à 90 % sur les dons syndicaux<ref name=LOU113/>, furent brusquement amputées d'un quart<ref name="MOU241"/>.

==== Une « victoire à la Pyrrhus » ? ====

Cette volonté « plutôt réactionnaire »<ref name="MOU241"/> de transformer l'essai en humiliant et en limitant les possibilités d'action des syndicats avait l'avantage de répondre aux revendications patronales et de rassurer les classes moyennes effrayées par le spectre du [[bolchevisme]]. Cependant, comme le souligne François-Charles Mougel, « à moyen terme, elle a nui à l'image des [[Parti conservateur (Royaume-Uni)|''Tories'']] et radicalisé les maximalistes du ''Labour'' : les conséquences s'en feront encore sentir en [[1945]] », transformant le raide triomphe patronal en « [[victoire à la Pyrrhus]] »<ref name="MOU241"/>. En effet, en limitant l'enjeu à la question du niveau des [[salaire]]s ouvriers plutôt qu'en envisageant dans toute sa dimension la question de la réorganisation nécessaire de [[charbonnage]]s à la [[productivité]] déclinante, le gouvernement et le patronat, s'il enregistra un succès de court terme, fit « à son insu de la [[nationalisation]] de l'industrie charbonnière, revendication ancienne et fondamentale, une arme politique à moyen terme dont le ''[[Parti travailliste (Royaume-Uni)|Labour]]'' sut faire bon usage [[1945|quelque vingt ans plus tard]] »<ref name=LER45/>.