Voir la source de Guerre d'indépendance des États-Unis

=== Les dizaines de milliers d'esclaves noirs libérés par les Anglais ===
{{Article détaillé|esclaves libérés par les Anglais entre 1775 et 1784}}
La guerre d'indépendance des États-Unis a été considérée par des historiens américains comme « l’occasion du plus grand soulèvement d’esclaves de notre histoire »<ref>"Deep Souths: Delta, Piedmont, and Sea Island Society in the Age of Segregation" par J. William Harris, éditions Johns Hopkins University Press, en 2003, (finaliste du [[prix Pulitzer]]) cité par lui-même plus tard</ref>{{,}}<ref name=Harris/>. Si la majorité des esclaves noirs travaillant dans les 13 colonies ne furent pas affranchis{{sfn|Kaplan|p=71-89}}, plusieurs dizaines de milliers se sont enfuis ou ont été libérés par les Anglais<ref name=Rossignol/>{{,}}<ref name="Lawler">"La première proclamation d'émancipation n'a pas été signée par Abraham Lincoln", par Andrew Lawler, dans le ''National Geographic'' le 2 mars 2021 [https://www.nationalgeographic.fr/histoire/etats-unis]</ref>{{,}}<ref name=canadienne/> dans les deux Caroline, mais aussi en [[Virginie (États-Unis)|Virginie]], en Géorgie ou encore dans le Maryland, en échange de leur enrôlement dans les combats. Parmi eux, 20 appartenaient au futur président américain [[Thomas Jefferson]], planteur en Virginie<ref name=Harris/>.

Au total, {{citation |on estime qu’environ {{unité |100000 personnes}} tenues en esclavage ont ainsi trouvé asile à l’arrière des lignes britanniques}}<ref name="canadienne">"Loyalistes noirs en Amérique du Nord britannique" par [[L'Encyclopédie canadienne]] le 25 mars 2019 [https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/loyalistes-noirs-en-amerique-du-nord-britannique#:~:text=Lors%20de%20la%20r%C3%A9volution%20am%C3%A9ricaine,terre%20promise%20par%20la%20Couronne.]</ref>. Parmi ce nombre, ceux qui ont réussi à s'enfuir définitivement furent plus nombreux que les volontaires pour combattre dans l'un ou l'autre camp. Environ un tiers des {{unité |15000 esclaves}} de la Géorgie et plus de {{formatnum:20000}} de la [[Caroline du Sud]] se sont enfuis pendant la Guerre, en grande partie vers la Floride espagnole, comme les {{formatnum:8500}} sont partis avec les Britanniques lors des évacuations de Savannah et Charleston. D'autres sont partis vers les bois et les montagnes de l'arrière-pays, où ils ont constitué des gangs hors-la-loi difficiles à traquer. Beaucoup sont morts de malnutrition et quelques uns furent capturés par des officiers et revendus. En 1786, deux ans après la guerre, pas moins de 100 esclaves en fuite vivaient dans une communauté sur une île de la rivière Savannah<ref name=Harris/>. Selon Jill Lepore, historienne à Harvard, c'est ce qui « a fait pencher la balance en faveur de l’indépendance américaine » en faisant basculer les riches propriétaires d'esclaves contre l'Angleterre<ref name=Lawler/>.

Les Anglais ont été les premiers à recruter des esclaves comme combattants dès les premiers jours de la guerre. Dès le 19 avril 1775, quand les [[Batailles de Lexington et Concord |premiers combats éclatèrent à Lexington et à Concord]], plus au sud, le [[gouverneur]] de [[Virginie (États-Unis)|Virginie]] [[John Murray (4e comte de Dunmore)|Lord Dunmore]], menaça d’armer des esclaves pour contrer l'insubordination croissante des Blancs dans sa colonie et dans les mois qui suivirent il en recruta des centaines. En mai, des rumeurs circulent à Charleston à ce sujet et la milice de la Caroline du Sud est {{cita|appelée principalement pour se prémunir contre toute tentative hostile }} des Anglais en la matière. À peu près au même moment, des fugitifs se rassemblent sur l’île Sullivan, dans le port de Charleston, protégé par la flotte britannique, après qu'une attaque américaine contre l’île ait {{citation |tué plusieurs d'entre eux}}, les {{cita|premières victimes de la guerre d’Indépendance dans le Sud}}. En {{date-|mars 1776}}, lorsque la Caroline du Sud s'est déclarée indépendante de la Grande-Bretagne trois mois avant les 13 colonies dans leur globalité, elle citera comme motif le fait que les Britanniques avaient {{cita| excité les insurrections domestiques}} et {{cita|les ont armés contre leurs maîtres}}<ref name=Lawler/>.

La politique [[John Murray (4e comte de Dunmore)|Lord Dunmore]] contribua à la guerre, car {{cita|les rumeurs autour de son plan alarmèrent les propriétaires Blancs}} et {{cita|de toutes les préoccupations, la plus grave était la menace contre esclavage}}, l'obligeant {{cita|dans un premier temps}} à renoncer officiellement à cette idée. Mais dès novembre 1775, il y revient, avec prétexte de sanctionner des indépendantistes qui avaient capturé quelques marins anglais<ref name=Lawler/>, par le biais d'un appel officiel, qui promit l'[[affranchissement]] à tous les esclaves s'enrôlant dans l'armée britannique : c'est la ''Dunmore's Proclamation''<ref name="Rossignol">"Esclavage et espace atlantique. Courants et contre-courants révolutionnaires. L'article 7 du traité anglo-américain de 1783 et ses conséquences jusqu'en 1794" par Marie-Jeanne Rossignol, dans la revue ''Dix-Huitième Siècle'' en  2001  [https://www.persee.fr/doc/dhs_0070-6760_2001_num_33_1_2415] </ref>, effectuée dans le village de Kemp’s Landing<ref name=Lawler/>.

Cette proclamation {{cita|suscite immédiatement un large mouvement de défection}} des esclaves {{cita|des fermes et plantations}}<ref name=Rossignol/>{{,}}<ref name=Rediker/>. Pour les militaires anglais, qui l'avaient nourri en réquisitionnant les stocks alimentaires dans les plantations<ref name=Lawler/>, il {{cita|dépassa leurs espérances}}<ref name=Rossignol/>. La ''Virginia Gazette'' annonce que [[Norfolk (Virginie)]] est « pleine d’esclaves, prêts à s’insurger sous les ordres de leur chef »<ref name=Lawler/>. Dunmore crée pour eux le « [[régiment éthiopien]] »<ref name="Rediker">""Les Hors-la-loi de l'Atlantique. Pirates, mutins et flibustiers", par Marcus Rediker, aux Editions du Seuil en 2017 [https://www.google.fr/books/edition/Les_Hors_la_loi_de_l_Atlantique_Pirates/AVbCDgAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=le+%C2%AB+r%C3%A9giment+%C3%A9thiopien+%C2%BB++Dunmore.&pg=PT138&printsec=frontcover]</ref> qui dès la [[Bataille de Great Bridge]] du 9 décembre 1775, constitue près de la moitié des militaires britanniques<ref name=Lawler/>.

Il confie d'abord en 1775 à beaucoup d'autres des rôles de soutien : construction de tranchées et ouvrages mécaniques, fabrication de chaussures, forge et menuiserie, et aux femmes, des missions d'infirmières, cuisinières et couturières <ref name=canadienne/>, car le camp d'en face conteste ces recrutements sur le plan juridique<ref name=Rediker/>. Mais après la déclaration de la guerre, le besoin de combattants supplémentaires l'amène à armer des esclaves noirs avec des fusils<ref name=canadienne/>. {{cita|Des dizaines de milliers de noirs cherchèrent à rejoindre}}<ref name="Bernardo">"De retour en Afrique : Des révoltes d'esclaves au panafricanisme", par João Bernardo, en 2020 aux Editions Librinova [https://www.google.fr/books/edition/De_retour_en_Afrique/HXD8DwAAQBAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=le+%C2%AB+r%C3%A9giment+%C3%A9thiopien+%C2%BB++Dunmore.&pg=PT26&printsec=frontcover]</ref> ce régiment éthiopien, et si {{cita|peu d'entre eux y parvinrent réellement}} lors de sa création, leurs défections {{cita|sabotèrent}} l'économie de plantation. La déclaration de [[John Murray (4e comte de Dunmore)|Lord Dunmore]] s'est en effet répandue comme une {{cita|trainée de poudre}} chez les esclaves et a aussi semé la {{cita|fureur}}<ref name=Rediker/> et {{cita|la panique en Caroline du Nord et du Sud car tous les gouverneurs royaux font savoir qu'ils vont s'inspirer de cette stratégie}}, avec pour conséquence involontaire de {{cita|précipiter l'adhésion des élites locales à la cause}} indépendantiste<ref name=Rossignol/>.

Ce que les historiens appellent « l'insurrection de Dunmore », a provoqué chez les esclaves {{cita|un départ massif des plantations}}. Au même moment, les opérations militaires anglaises {{cita|se déportent au Sud}} : chassé des terres par les propriétaires d'esclaves, Lord Dunmore {{cita|attaque les plantations depuis ses navires}}, ce en quoi {{cita|ses soldats et marins noirs lui sont fort utiles}}<ref name=Rossignol/>. Pendant la guerre, la part de la population noire a chuté de manière significative en Géorgie, passant de 45,2 % de la population à seulement 36,1 %<ref>« Slavery in Antebellum Georgia », sur New Georgia Encyclopedia </ref>, car {{formatnum:7000}} des {{formatnum:21000}} noirs de la colonie en ont profité pour s'échapper ou pour se faire affranchir.

Les planteurs de coton des îles se réfugient aux [[Bahamas]], tandis que les Anglais s'emparent, à la pointe sud des 13 colonies, de la bourgade fortifiée de [[Savannah (Géorgie)|Savannah]], qu'ils conserveront en 1779 face au [[Siège de Savannah]], majoritairement mené par 3500 soldats français venus de [[Saint-Domingue (colonie française)|Saint-Domingue]]. L'échec de ces derniers est largement causé par un dédale de fortifications érigé en quelques jours par des centaines d'ex-esclaves autour de [[Savannah (Géorgie)|Savannah]], obligeant les Français à s'enliser dans la zone marécageuse qui les complétait, sous forme de défense naturelle. En 1779 aussi, quatre ans après la ''Dunmore's Proclamation'' de 1775, [[Henry Clinton (1738–1795)|Sir Henry Clinton]] édicta la très officielle ''Philipsburg Proclamation'', son pendant pour la région de New York, où travaillaient beaucoup moins d'esclaves, mais dans le port duquel se réunissent ceux qui ne peuvent plus revoir leurs anciens maîtres.

Une partie d'entre eux a pu être recensée : ceux qui ont accepté de donner leur nom, âge et la date de leur fuite et attesté qu'ils avaient combattu avant le 30 novembre 1782, ont reçu un « certificat de liberté » et furent inscrits dans un ''Book of Negroes'', ce qui a facilité, à l'issue de la guerre, leur évacuation dans plusieurs provinces du Canada, restées possession anglaise, en particulier la [[Nouvelle-Ecosse|Nouvelle-Écosse]], le [[Nouveau-Brunswick]]<ref name=canadienne/> et la [[Colombie britannique]], car il leur était difficile de revenir de manière trop visible dans les colonies de leurs anciens maîtres. Quelques années plus tard, une partie d'entre eux tenteront d'éviter les rigoureux hivers de la [[Nouvelle-Ecosse|Nouvelle-Écosse]], où ils se heurtèrent par ailleurs à des oppositions locales<ref name=canadienne/>, en participant à la création de la [[Sierra Leone]].

Par ailleurs, plus de la moitié avait été auparavant emportée par les épidémies de [[variole]] qui frappèrent les armées britanniques pendant la guerre, car ils étaient {{cita|les premières victimes du froid, de la faim et du manque d’hygiène}}, avec 150 morts dans leurs rangs au cours du seul mois de mars 1776<ref name=Lawler/>.

D'autres ont fui et réussissent à se réinstaller aux Antilles  ou en Floride espagnole, qui sera elle aussi visée par une expédition des militaires français de [[Saint-Domingue (colonie française)|Saint-Domingue]]. Des milliers d’esclaves ont aussi accompagné, sans en avoir le choix, leurs maitres loyalistes émigrant vers les Bahamas et la Jamaïque, détenues par la Couronne britannique<ref name=canadienne/>, et qui revinrent pour beaucoup aux États-Unis une fois finie la guerre, en particulier après la [[taxe à l'importation de coton]] de [[1789]].

D'anciens esclaves combattirent au contraire du côté américain : ils furent près de {{formatnum:5000}} {{sfn|Kaplan|p=64-69}}, recrutés par leurs maitres<ref name=Rossignol/>, et {{cita|quelques-uns gagnèrent leur liberté}} {{,}} {{sfn|Bacharan|2005|p=117}}, mais cette pratique divisait les planteurs du sud, bon nombre d'entre eux refusant que les esclaves fussent armés, préférant qu'ils servent comme éclaireurs ou ouvriers, ou refusant tout simplement.

Dès mars 1779, le Congrès a autorisé un plan pour libérer et armer 3000 esclaves pour défendre la Géorgie et la [[Caroline du Sud]], où [[John Laurens]], fils de l’un des plus grands propriétaires d’esclaves, en fit la proposition, cependant {{cita|balayée}} par l'opposition des propriétaires<ref name=Harris/>.

Le besoin de soldats a surmonté les réticences des planteurs et [[James Madison]] exhorta la Virginie à s’enrôler et à libérer des esclaves. Le Maryland, en 1780, réclama explicitement le recrutement d’esclaves. Certains se firent passer pour libres ou de substituts à leurs maîtres, mais une grande partie sont morts pendant la guerre sans être armés, comme simple ouvriers<ref name=Harris/>.