Voir la source de Lyon pendant l'Antiquité

== Religion ==
Malgré les très nombreux vestiges et objets archéologiques liés aux différents cultes présents à ''Lugdunum'' depuis sa fondation jusqu'à la domination du christianisme, peu de travaux ont porté spécifiquement sur la question du fait religieux lyonnais durant l'antiquité. Pendant longtemps, les synthèses en sont restées aux articles de Bruhl<ref>Adrien Bruhl, ''Dieux et cultes à Lyon à l'époque gallo-romaine, dans Actes du {{89e}} congr. nal. des Soc. sav.'', Lyon, 1964, Paris, 1965, {{p.|163-171}}.</ref> et Turcan<ref>{{ article | auteur=[[Robert Turcan]] | titre=Cultes païens de Lyon au temps des martyrs (177) | périodique=Bulletin de l'Association Guillaume Budé | numéro=1 | mois=mars | année=1980 | passage=19-35 | page=21}}</ref>, avant que Nicolas Laubry ne reprenne la question<ref>Nicolas Laubry, « La vie religieuse dans la colonie de Lugdunum sous le Haut-Empire », ''Lugdunum et ses campagnes. Actualité de la recherche.'', 2018. [https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01906851/document lire en ligne]</ref>.

La présence de divinités gallo-romaines montrent que le [[Culte impérial dans la Rome antique|culte impérial]] est particulièrement représenté dans la cité. De même, plusieurs divinités orientales ont également été adorées à Lyon{{sfn|Savay-Guerraz|2005|p=55|gr=k}}. Enfin, ''Lugdunum'' est l'une des premières cités des Gaules où le christianisme est apparu, une persécution a eu lieu en 177.

=== Cultes romains ===
Comme toutes les cités romaines, Lyon, aux premiers temps de son existence, participe aux [[religion de la Rome antique|cultes officiels]] de la cité et de l'empereur. Contrairement à d'autres, le culte impérial semble avoir ici une importance nettement supérieure aux autres formes cultuelles. Sur l'ensemble du {{s-|II}}, il n'y a mention que de trois [[flamines]], pour soixante-dix [[seviri augustales|sévirs augustaux]], qui forment même une {{latin|fratres augustales}}. Les sévirs jouissent à Lyon d'une position sociale prestigieuse, au même rang que les [[Chevalier romain|chevaliers]], juste après les [[Ordre décurional|décurions]]<ref>{{chapitre|prénom1=Marcel|nom1=Le Glay|titre chapitre=Le culte impérial à Lyon au {{s-|II}} Ap. J.C.|titre ouvrage=Les martyrs de Lyon (177)|sous-titre=colloque international du Centre national de la recherche scientifique, Lyon, 20-23 septembre 1977|lieu=Paris|éditeur=Éditions du C.N.R.S.|année=1978|collection=Colloques internationaux du Centre national de la recherche scientifique|numéro dans collection=575|page début chapitre=19|passage=19–31|pages totales=328|ISBN=2-222-02223-1}}, {{p.|24}}.</ref>.

==== Divinités romaines ====
Le culte de [[Mercure (mythologie)|Mercure]] est le plus répandu à Lyon. Outre de nombreuses statues de bronze, de multiples inscriptions ou médaillons d'applique, trois sanctuaires dédiés nous sont connus. Le premier a été bâti par un [[Affranchissement|affranchi]], Marcus Herennius, dans l'actuel [[Saint-Just (Lyon)|quartier Saint-Just]]. Le sanctuaire abritait une statue du dieu, accompagnée d'une autre de [[Maia (déesse romaine)|Maia]] et d'un portrait de [[Tibère]]. Les deux autres lieux de culte se trouvaient dans les quartiers actuels de la [[Liste des quartiers de Lyon#5e arrondissement|Sarra]] et de [[Montée de Choulans|Choulans]]. Mercure est fréquemment associé à la divinité Maia, mère et [[parèdre]]. On le voit sur un beau relief retrouvé en 1959 à [[la Duchère]] où il est représenté avec un coq en compagnie de la déesse qui tient une corne d'abondance{{sfn|Pelletier|2016|p=110|gr=b}}.

[[Mars (mythologie)|Mars]] est une divinité romaine honorée à Lyon ; elle est la seule à avoir un prêtre particulier dédié à son culte, portant le titre de [[Flamines|Flamine]] de Mars. Toutefois, aucun temple dédié n'a été localisé et les traces archéologiques se référant à ce dieu sont peu nombreuses{{sfn|Pelletier|2016|p=111|gr=b}}

[[Apollon]] est également un dieu important à ''Lugdunum'', on a trouvé à Vaise, son sanctuaire et un établissement thermal sous son patronage. Cinq dédicaces à son nom ont été identifiées. [[Diane (mythologie)|Diane]] possédait un autel établi à Condate{{sfn|Pelletier|2016|p=111|gr=b}}. [[Jupiter (mythologie)|Jupiter]] est bien représenté par de nombreuses dédicaces, où il est quelquefois qualifié de ''depulsor'' ou associés aux ''Numina augustorum''. Toutefois, aucun [[Triade capitoline|temple capitolin]] n'a été retrouvé. Les divinités [[Sylvanus (mythologie)|Sylvanus]] et [[Fortuna (mythologie)|Fortuna]] ont également des dédicaces{{sfn|Pelletier|2016|p=112|gr=b}}.

<gallery>
Fichier:Diane déesse de la chasse - Lyon.jpg|Diane
Fichier:Jupiter head IMG 9832.JPG|Tête de Jupiter
Fichier:Tresor Lyon Vaise-Apollon.jpg|Apollon
Fichier:Tresor Lyon Vaise-Fortuna.jpg|déesse de la Fortune
Fichier:Winged victory-MGR Lyon-IMG 9771.jpg|''[[Victoire de l'autel des Trois Gaules]]''
</gallery>

==== Divinités orientales ====
[[Fichier:AutelsTauroboliques-Lyon.jpg|vignette|upright=0.8|Autel taurobolique, musée Lugdunum de Lyon.]]
Plusieurs cultes orientaux sont attestés à Lyon.

Le culte oriental le plus important est celui dédié à [[Cybèle]]. Son culte métroaque est représenté par un grand nombre d'[[Taurobole|autels tauroboliques]]. Il a existé un temple dont l'emplacement n'a pas été identifié<ref group=N>Une hypothèse a longtemps été avancée qu'il se trouve à Fourvière, mais les fouilles menées par A. Desbat en 1991 l'ont contredite.</ref> qui a été inauguré en 160 ; même s'il est probable que le culte existe auparavant. On a retrouvé une attestation datant de 184 d'un culte organisé, composé d'un [[wikt:archigalle|archigalle]], d'une prêtresse, d'un ordonnateur et d'un joueur de flute, [[Citoyenneté romaine|citoyens romains]] ou [[wikt:ingénu#Nom commun|ingénus]]. Le culte est soutenu par la corporation lyonnaise des [[dendrophore]]s, bucherons et marchands de bois{{sfn|Pelletier|2016|p=117|gr=b}}{{,}}{{sfn|Savay-Guerraz|2005|p=57|gr=k}}.

Des figures d'[[Isis]] ont également été retrouvées{{sfn|Savay-Guerraz|2005|p=57|gr=k}}.

==== Culte municipal ====
''Lugdunum'' possède une divinité protectrice propre, comme toutes les villes romaines, la [[Tutela|Tutelle]]. Cette divinité est connue par un petit bronze où elle est coiffée d'une couronne tourelée et d'un buste sur médaillon d'applique{{sfn|Pelletier|2016|p=113|gr=b}}.

==== Culte impérial ====
Le culte impérial a été fondé par [[Nero Claudius Drusus|Drusus]] en -12. Il est attesté en particulier par la découverte en 1979 lors des fouilles<ref group=N>[http://archeologie.lyon.fr/archeo/sections/fr/sites_archeologiques/69005_lyon/verbe_incarnesecteu5906 Description des fouilles faites dans le quartier, site du service archéologique de la ville de Lyon].</ref> du quartier du Verbe-Incarné d'un [[Temple d'Auguste et de Livie|temple]] consacré à ce culte, plus grand édifice de ce type découvert en Gaule. Ce culte était auparavant connu grâce à une soixantaine d'inscriptions mentionnant un important groupe de [[Seviri augustales|sévirs]] augustaux. Le temple contenait entre autres des statues de [[Tibère]], de [[Caligula]] flanqué de [[Claude (empereur romain)|Claude]], et de [[Néron]]{{sfn|Pelletier|2016|p=118-120|gr=b}}.

Le Conseil des Gaules a pour fonction de gérer ce culte, il est intimement lié à la réunion annuelle des délégués des soixante cités gauloises, son rôle est probablement de fédérer les élites et de renforcer leur loyauté à l'empereur. Le dirigeant de l'assemblée a le titre de Prêtre de Rome et d'Auguste, le culte est tenu par des sévirs et des [[flamines]]{{sfn|Savay-Guerraz|2005|p=55|gr=k}}.

Au cours du {{s-|II}}, le culte de l'empereur régnant semble avoir été remplacé par celui des empereurs défunts et divinisés{{sfn|Pelletier|2016|p=120|gr=b}}.

==== Structure des cultes ====
Les collèges de prêtres de ''Lugdunum'' sont ceux des [[pontife]]s et des [[augure]]s. Leurs membres sont désignés par les décurions. Quelques-uns des membres de ces collèges sont connus ; ils font partie de l'élite décuriale et cumulent souvent des fonctions religieuses et administratives{{sfn|Pelletier|2016|p=114-115|gr=b}}.

Le culte impérial est tenu par le flamine, dont au moins cinq titulaires, de grands personnages locaux, sont connus. Le culte de l'impératrice est tenu par une flaminique{{sfn|Pelletier|2016|p=120|gr=b}}.

Les [[seviri augustales|sévirs augustaux]] représentent une élite sociale, juste derrière les décurions et les chevaliers. Les patrons de ce collège sont tous de grands personnages. Le collège est dirigé au quotidien par un curateur, qui gère les finances{{sfn|Pelletier|2016|p=121|gr=b}}.

=== Cultes gallo-romains ===
[[Fichier:Sucellus-MGR Lyon-IMG 9823-IMG 9824.jpg|vignette|Sucellos, Musée Lugdunum.]]
Il existe un certain nombre d'artefacts qui indiquent l'adoration de divinités gauloises à ''Lugdunum'' à l'époque romaine. Un certain nombre sont liés à [[Sucellos]], le dieu au maillet. Plusieurs autres aux déesses-mères, nommées ''Matrae'' et souvent qualifiées d'''Augustes''. Plusieurs reliefs les présentent par groupe de trois, portant fruits et corne d'abondance{{sfn|Pelletier|2016|p=108|gr=b}}.

Le plus bel objet retrouvé lié au culte de divinités gauloises est un bol en argent retrouvé en 1929 rue Sala{{sfn |id=CAG69|Le Mer|Chomer|2007 |gr=m|p= 388}}. Il représente notamment [[Teutatès]] et [[Cernunnos]], ce dernier paré d'un torque gaulois tient une corne d'abondance{{sfn|Pelletier|2016|p=109|gr=b}}.

=== Rites funéraires ===
Situées comme le veut la tradition en dehors du {{latin|pomerium}} et le long des axes de communication principaux comme plus secondaires, les nécropoles pouvaient être regroupées dans des endroits isolés ou bien proches d'habitation ou de zones artisanales. Avec la romanisation, les inhumations deviennent de moins en moins fréquentes et laissent place aux incinérations. Celles-ci sont majoritaires jusqu'au {{s-|III}}, hormis pour les enfants morts en bas âge{{sfn|id=GaF2012|texte=GaF 2012|gr=i|p=112-113}}. On retrouve à Lyon l'ensemble des édifices funéraires connus, des modestes tertres recueillant le dépôt d'une crémation, des stèles, des autels jusqu'aux enclos réservés aux tombes des communautés ([[utriculaires]], [[nautes]], [[wikt:centonaire|centonaires]]) et aux vastes mausolées. Parmi les ensembles les plus notables, de nombreux sarcophages richement gravés ont été retrouvés{{sfn|id=GaF2012|texte=GaF 2012|gr=i|p=113-116}}.

Le rite de l’''[[ascia (outil)|ascia]]'', un outil en fer, est très implanté en Gaule, spécialement à ''Lugdunum'' et dans la vallée du Rhône, et en [[Dalmatie]], comme l'attestent les nombreuses découvertes de stèles marquées du signe de cet outil ou inscrites {{latin|sub ascia dedicavit}}. Selon certains, il serait né en Dalmatie au tournant du {{Ier siècle}} ou en Orient<ref>Lucien Lerat, « À Besançon aux premiers temps du christianisme : le sarcophage à asciae de Saint-Ferjeux », ''Mélanges Pierre Lévêque'', Tome 1 : Religion. Besançon : Université de Franche-Comté, 1988. {{p.|199-217}} [http://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1988_ant_367_1_1726]. (Annales littéraires de l'Université de Besançon, 367)</ref>. Militaire par son origine (les légionnaires de la {{VIIe}} et {{IXe}} Claudia en Dalmatie), le rite passe à l'administration hellénophone de ''Lugdunum'', puis à tous les habitants de la cité. [[Amable Audin]] tente une histoire de l'implantation de ce rite dans la cité en étudiant la proportion de tombes à ''ascia'' sur l'ensemble des sépultures. Il établit que seules quelques rares tombes portent la marque de l’''ascia'', de l'origine de la fondation jusqu'en [[115]] environ (3 sur 135), mais le mouvement va en s'intensifiant : le rite prend pied au début du {{IIe siècle}}. La période de [[115]] à [[140]] livre 37 tombes à ''ascia'' sur 45 (soit 85 %), de [[140]] à [[240]], 147 tombes sur 153 (soit 92 %) et enfin de [[240]] à [[310]], 95 tombes à ''ascia'' sur 96. Ces données brutes montrent l'importance de l'inhumation chez les Celtes et les Asiatiques hellénophones qui rejettent la crémation en usage dans l'Empire romain{{sfn|Audin|1965|gr=a|p=142-147}}.

=== Christianisation ===
[[Image:Spread of Christianity to AD 600 - Atlas of World History.png|vignette|{{Légende/Début}} {{Légende|#1F63A7|Expansion du christianisme en [[325]].}} {{Légende|#6AB4FF|Expansion du christianisme en [[600]]}} {{Légende/Fin}}.]]
Au {{s-|IV}}, la religion chrétienne prend une importance particulière au sein de l'Empire, après la conversion de [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin]] qui renforce la position et le rôle social des évêques. Reprenant les limites des divisions administratives civiles, les diocèses chrétiens sont issus des limites des cités romaines et les provinces ecclésiastiques des provinces civiles. Dans cet organigramme, l'évêque de Lyon reçoit le titre de « métropolitain » et donc l'autorité sur les évêques de la Lyonnaise première{{sfn|Faure|2019|p=119|gr=c}}.

Les premiers siècles du christianisme lyonnais sont extrêmement obscurs. rares sont les documents et témoignages qui permettent de connaître avec précision la naissance et le développement de la religion chrétienne à Lyon. Le document le plus important est la lettre reprise par [[Eusèbe de Césarée]] dans son ''[[Histoire ecclésiastique]]'' décrivant la persécution subie par les chrétiens lyonnais en 177. Pour compléter les connaissances sur ce milieu, l'archéologie est précieuse. Même s'il n'a pas été possible de dater la construction des premiers monuments chrétiens, les premières tombes indubitablement chrétiennes remontent au {{s-|IV}}{{sfn|id=Arch._de_Lyon|texte=Arch. de Lyon|gr=t|p=14}}. Les traces historiques et archéologiques de la subsistance du paganisme deviennent quasi-absentes à partir de ce moment-là, comme si les traditions qui avaient porté la société lyonnaise durant des siècles s'étaient « rapidement » effacées devant la nouvelle religion. Ces lacunes empêchent en tout cas d'avoir accès à la place du paganisme et de ses résistances éventuelles durant la fin de l'Antiquité lyonnaise{{sfn|Pelletier|2016|p=151|gr=b}}.

==== Des martyrs de 177 à Irénée ====
{{Article détaillé|Martyrs de Lyon}}
[[Fichier:Amphiteatre Trois Gaules Lyon.jpg|vignette|L'[[amphithéâtre des trois Gaules]], avec au fond le poteau évocateur des [[martyrs de Lyon]] en 177.]]
Dans le cadre de l’[[Expansion du christianisme au Moyen Âge|expansion du christianisme]], c’est à Lyon qu’est attestée la première communauté [[christianisme|chrétienne]] de Gaule. La position géographique de Lyon, son importance démographique, économique et commerciale expliquent la présence de populations variées et aux origines lointaines. Toutefois, les lacunes dans la documentation ne permettent pas d'affirmer que la ville accueillit la première communauté chrétienne de Gaule, comme les chrétiens lyonnais ont pu le dire{{sfn|Faure|2019|p=111|gr=c}}.

Ce sont les [[martyrs de Lyon|martyrs de 177]] qui nous la font connaître<ref>{{Ouvrage|titre=Les martyrs de Lyon (177)|sous-titre=colloque international du Centre national de la recherche scientifique, Lyon, 20-23 septembre 1977|lieu=Paris|éditeur=Éditions du C.N.R.S.|collection=Colloques internationaux du Centre national de la recherche scientifique|numéro dans collection=575|année=1978|pages totales=328|isbn=2-222-02223-1|bnf=34607650v}}</ref>, à travers le récit d’[[Eusèbe de Césarée]]<ref group="A" name="ref_auto_2" />. La communauté chrétienne apparaît comme diverse, structurée autour de la figure de son vieil évêque, [[Pothin de Lyon|Pothin]], mais composée pour l’essentiel de croyants venus de la partie hellénophone de l’Empire romain, en particulier de [[Phrygie]] : les textes relatant la persécution sont en effet adressés par « les serviteurs du Christ, qui pérégrinent à [[Vienne (Isère)|Vienne]] et à Lyon en Gaule aux frères de l’Asie et de la Phrygie qui ont la même foi et la même espérance que nous en la rédemption<ref>G. Bowersock, ''Rome et le martyr'', Paris, 2002, {{p.|129}}.</ref> ». Beaucoup de martyrs portent un nom hellénique, mais un nombre important possède la citoyenneté romaine, le groupe compte des « gens en vue<ref>P. Wuilleumier, ''Lyon. Métropole des Gaules'', Paris, 1953, {{p.|94}}.</ref> » comme Vettius Epagathus<ref>Une étude sur cette personne et une synthèse des travaux précédents : Marco Provenzano, « Vettius Epagathus, « le paraclet des chrétiens » dans la Lettre des martyrs de Lyon et Vienne (Eusèbe, H. E., V, 1. 3-2. 8) », ''Revue des sciences religieuses'', 89/3 | 2015, 345-371. [http://journals.openedition.org/rsr/2742 lire en ligne]</ref>, mais aussi des esclaves comme [[Blandine de Lyon|Blandine]].

La cause exacte de la flambée de persécutions qui les toucha a été discutée, les difficultés propres au règne de Marc Aurèle (la [[peste antonine|peste]], les invasions barbares) ont pu accentuer l’hostilité envers les chrétiens,jugés coupables de ne pas honorer les dieux de la cité et de Rome, et de se mettre hors de la communauté civique{{sfn|Faure|Tran|Virlouvet|2018|p=636-639|gr=l}}. Il est probable que des facteurs locaux aient joué sans qu'il soit possible de déterminer lesquels avec les sources disponibles{{sfn|Faure|2019|p=106-111|gr=c}}.

[[Fichier:Saint Irenaeus.jpg|gauche|vignette|Saint [[Irénée de Lyon|Irénée]], évêque à partir de 177.]]

[[Irénée de Lyon|Irénée]] succède à Pothin. Comme lui, il vient de [[Izmir|Smyrne]] et est lié à [[Polycarpe de Smyrne|Polycarpe]]. Il est l'un des premiers [[pères de l'Église|théologiens chrétiens]] de langue grecque et se préoccupe de lutter contre les hérésies qui menaçaient l’unité de la petite communauté chrétienne, ou lui faisait concurrence. Son ouvrage ''Contre les hérésies'' témoigne ainsi des menées d’un certain Marc d’Égypte dans la région lyonnaise, professant le [[gnosticisme]]. Marc est décrit comme un personnage séducteur, corrompant les femmes honnêtes en les incitant au plaisir des sens<ref group="A">Irénée, ''Contre les hérésies'', 1, 13, 7 ; Jérôme, ''Commentaire sur Isaïe'', XVII, 64 et ''Lettres'', IV, 75, 3.</ref>. Irénée développe également une vaste réflexion sur la vie de l'Église, les moyens du salut dans le Christ ou la dignité de l'homme{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=14}}. À Rome, il participe avec l'évêque {{souverain2|Victor Ier}} aux discussions pour fixer la date de célébration de la [[Résurrection (christianisme)|Résurrection]]; cette question divise les chrétiens d'Orient et d'Occident. À cette occasion, il est décrit comme s'exprimant {{citation|au nom de ses frères de Gaule}}<ref group="A">Eusèbe de Césarée, ''Histoire Ecclésiastique'', {{nobr rom|livre V}}, 24, 11-18.</ref>, ce qui est quelquefois interprété comme la preuve qu'il est le seul évêque des Gaules{{sfn|id=Arch._de_Lyon|texte=Arch. de Lyon|gr=t|p=13}}.

==== Le {{s-|III}} - les temps obscurs de la chrétienté lyonnaise ====
Avec le {{s-|III}}, la communauté chrétienne entre dans une époque troublée mais décisive, entre les persécutions de [[Dèce]] et [[persécution de Dioclétien|celles de la Tétrarchie]], dont l'impact est mal connu à Lyon. La [[petite paix de l'Église]] permet aux communautés chrétiennes de l'Empire de se développer plus posément{{sfn|Virlouvet|Sotinel|2019|p=155|gr=s}}, sans que l'on ait d'informations ou d'indices concernant la communauté lyonnaise{{sfn|id=Arch._de_Lyon|texte=Arch. de Lyon|gr=t|p=15}}.

Durant cette période émergent plusieurs épiscopats en Gaule, mais on ne connaît rien de leur naissance ni de leur lien éventuel avec la communauté lyonnaise. La seule source documentaire émane de la lettre 68<ref>[http://orthodoxievco.net/ecrits/peres/cyprien/lettres.pdf lire en ligne]</ref> de [[Cyprien de Carthage]]. Elle expose le message adressé par l'évêque [[Faustin de Lyon|Faustin]] à l'évêque de Rome [[Étienne Ier (pape)|Étienne]] pour l'avertir de la pratique schismatique de l'évêque d'Arles [[Marcianus d'Arles|Marcien]] qui s'oppose à la réconciliation des ''lapsi''<ref group=N>Les ''lapsi'' sont les chrétiens qui ont abjurés leur foi sous la contrainte et qui souhaitent revenir au sein de la communauté. Le consensus épiscopal est de leur accorder le pardon et de les accepter.</ref> ayant été faibles durant la persécution de [[Dèce]]{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=18}}.

==== L'évêque, figure nouvelle dans la cité ====
Entre le {{s-|IV}} et le {{s-|VI}}, sans avoir de supériorité particulière, l'Église de Lyon a probablement une certaine influence sur une fraction de la Gaule. La province de la Lyonnaise première, devenue également une province ecclésiastique, a à sa tête un évêque métropolitain qui a autorité sur les autres de sa province. Ainsi, les évêchés d'Autun, de Langres et Chalon dès le {{s-|IV}}, puis celui de Mâcon au {{s-|VI}}{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=20}}sont rattachés à l'évêché lyonnais. Durant le {{s-|V}}, dans des conditions très obscures, la province ecclésiastique s'étend au nord en annexant la province ''[[Maxima Sequanorum]]'', Besançon ne retrouvant son titre de métropole qu'au {{s-|VII}}, et vers la Bresse et le sud du Jura, c'est-à-dire le territoire de la ''Civitas Vesontiensium''{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=23}}.
[[Fichier:Sidoine Apollinaire.png|vignette|left|190px|Sidoine Apollinaire, estampe de G. Mercier.]]
La charge épiscopale prend également un prestige particulier puisque les grandes familles nobiliaires y placent des leurs à plusieurs reprises, tels [[Eucher de Lyon|Eucher]] et ses deux fils qui deviennent [[Liste des évêques de Genève|évêques de Genève]] et de [[liste des évêques de Vence|Vence]], ou [[Sidoine Apollinaire]], membre de l'aristocratie lyonnaise qui devient [[Liste des évêques et archevêques de Clermont|évêque de Clermont]] en 471{{sfn|Faure|2019|p=120|gr=c}}. L’évêque passe pour un personnage essentiel de la cité. L’évêque [[Patient de Lyon|Patiens]] par exemple, dans la seconde moitié du {{s-|V}} témoigne de cette évolution : devenu évêque après une carrière civile, il exerce une autorité morale dans la ville et un rôle charitable important, grâce à sa fortune personnelle. Les lettres de [[Sidoine Apollinaire]] décrivent la construction de la cathédrale durant l’épiscopat de Patiens et relatent sa dédicace. Entourée de portiques, la cathédrale est ornée de matières précieuses – marbre, feuilles d’or – et de poèmes, sa dédicace est l’occasion d’une semaine de fêtes et de célébrations<ref group="A">Sidoine Apollinaire, ''Lettres'' {{II}}, 10, 2-4 et {{IX}}, 3.</ref>. Son rôle religieux et culturel est plus important encore. Il assure « la promotion du martyr local ou de ses saints prédécesseurs (Irénée, Just […]){{sfn|id=CAG69|Le Mer|Chomer|2007|gr=m|p=245}} » avant de servir à son tour d’exemple proposé aux croyants ou de susciter d’autres récits : c’est à la déposition du corps de Patiens que fut rédigée une vie de saint Germain selon le Martyrologe d’Adon de [[Vienne (Isère)|Vienne]] et Florus de Lyon{{sfn|id=CAG69|Le Mer|Chomer|2007|gr=m|p=157}}.

Les évêques lyonnais sont fréquemment partie prenante de conciles rythmant la vie de l'église chrétienne. Durant le {{s-|IV}}, ce sont quatre conciles où sont mentionnés la participation d'un évêque lyonnais{{sfn|Faure|2019|p=120|gr=c}}.

==== La première société chrétienne et ses monuments ====
[[File:Épitaphe d'Ursus - Musée Lugdunum.jpg|vignette|Épitaphe chrétienne lyonnaise datant du {{s-|V}}, dédiée à Ursus]]
La société chrétienne semble constituée au {{s-|V}}. Les sources identifient clairement une organisation ecclésiale avec une hiérarchie composée d'un évêque, de prêtres, de diacres, sous-diacres, lecteurs et acolytes. Cette structure est composée autant de personnes issues de l'élite aristocratique locale que de personnes modestes. La population chrétienne lyonnaise compte d'un nombre important de personnes portant un nom grec{{sfn|Pelletier|2016|p=151|gr=b}}. Du {{s mini-|IV}} au {{s-|VI}}, les inscriptions chrétiennes, dont plus de cent cinquante sont connues (particulièrement les [[épitaphe]]s), offrent un autre regard sur la communauté chrétienne de Lyon à la fin de l’Antiquité. Ensuite il y en a de plus en plus, la longueur du texte augmente, insistant sur les qualités du défunt, à l'image du négociant Agapus « assidu aux tombeaux des saints et zélé pour l'aumône et la prière<ref group="CIL">XIII, 2391.</ref> ». Encore rares au {{s-|IV}}, les épitaphes sont nombreuses au {{s-|V}} et encore davantage au {{s-|VI}}{{sfn|id=CAG69|Le Mer|Chomer|2007|gr=m|p=252}}.

La cité antique s’est transformée : ses temples païens ont fermé, ou bien ils ont été détruits avant la fin du {{s-|IV}}. Sur la rive de la Saône un centre épiscopal se développe. À cette époque, l'église, ''ecclesia'', est unique et n'est adjointe d'aucun nom. Ce que les contemporains nomment l'église est le groupe épiscopal formé de plusieurs édifices de culte et d'un baptistère, qu'ils séparent nettement des basiliques funéraires ''basilicae'' ou des monastères, ''minasteria'' ou ''oratoria''. Dans aucun texte de Sidoine Apollinaire, ou de Grégoire de Tours, l'église ne porte le nom d'un saint patron. La première mention d'une dédicace à saint Étienne date du {{s-|VIII}}{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=32 & 34}}. Ce groupe épiscopal est né autour d'un [[baptistère]]. Ce centre épiscopal comprend outre le baptistère du {{s-|IV}} dans un monument dédié, l'église cathédrale, une seconde église, [[Église Saint-Étienne de Lyon|Saint-Étienne]] et une résidence épiscopale, l'ensemble est actif au {{s-|V}}<ref>datation confirmée par les fouilles archéologiques de 1973 - cf. {{article | auteur=Jean-François Reynaud | titre=Le groupe épiscopal de Lyon : découvertes récentes | périodique=Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres | numéro=4 | année=1975 | passage=475-490 | lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1975_num_119_4_13171}} et [[André Pelletier (historien, 1937)|André Pelletier]], ''Histoire et Archéologie de la France ancienne – Rhône Alpes'', édition Horvath, 1988, {{ISBN|2717105611}}, {{p.}}103-107.</ref>.

Sur Fourvière, à l'emplacement de nécropoles romaines, deux basiliques funéraires sont élevées. La première est dédiée aux [[Basilique Saint-Just de Lyon|Macchabées]] et bâtie à la fin du {{s-|IV}} et la seconde à Jean bâtie durant la seconde moitié du {{s-|V}} ; elles sont ensuite renommées en l'honneur de Saint-Just<ref group=N>Elle se trouve au niveau du [http://archeologie.lyon.fr/archeo/sections/fr/sites_archeologiques/69005_lyon/eglise_saint-just_et8636 jardin archéologique] près de l'[[Église Saint-Just de Lyon|église Saint-Just]] actuelle.</ref> et [[Église Saint-Irénée de Lyon|Saint-Irénée]]. Leur élévation est liée au développement de la pratique de l'inhumation ''ad sanctum'', c'est-à-dire l'enterrement près des saints, martyrs ou personnages prestigieux, pour bénéficier de leur protection. Sur les tombes chrétiennes apparaissent les symboles nouveaux (chrisme, colombes, vignes) et des formules propres (« ici repose en paix »){{sfn|Faure|2019|p=121|gr=c}}{{,}}{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=35}}.

Les sacrifices ont été interdits, et les messes et les processions ont remplacé les célébrations religieuses polythéistes, les églises ont animé une nouvelle géographie urbaine : les voyageurs de passage font « le tour des lieux saints de la ville de Lyon<ref group="A">Grégoire de Tours, ''La gloire des confesseurs'', 61.</ref> ». Sidoine Apollinaire témoigne ainsi pour l'année 469 de célébrations de toute la communauté en l'honneur de Saint-Just le {{date-|2 septembre}}{{sfn|Faure|2019|p=121|gr=c}}.

De nombreuses traditions supposent l'existence de culte des martyrs dès les premiers temps de l'église lyonnaise. Les données littéraires ou archéologiques sont très légères sur ce point. Grégoire de Tours indique que les cendres des martyrs furent miraculeusement retrouvées et qu'à l'endroit de leur découverte, une basilique fut édifiée pour leur rendre hommage. Des indices indirects permettent de supposer qu'il s'agit de l'église Saint-Nizier, même si Grégoire de Tours indique que le lieu se nomme ''Athanaco'' et que ce nom ne réapparaît nulle part. Grégoire de Tours mentionne également<ref group=A>Grégoire de Tours, ''La gloire des confesseurs'', 63.</ref> la vénération d'Épipoy et Alexandre, déposés de part et d'autre de Saint-Irénée dans sa crypte. Les premiers textes sur ces cultes sont deux homélies attribuées à [[Fauste de Riez]] du {{s-|V}}{{sfn|id=diocèse|texte=Gadille, 1983|gr=u|p=38-39}}.