Theodore Roosevelt

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Theodore Roosevelt
Illustration.
Theodore Roosevelt en 1904
Fonctions
26e président des États-Unis

(7 ans, 5 mois et 18 jours)
Élection 8 novembre 1904
Vice-président Charles W. Fairbanks (1905-1909)[a]
Gouvernement Administration T. Roosevelt
Prédécesseur William McKinley
Successeur William Howard Taft
25e vice-président des États-Unis

(6 mois et 10 jours)
Élection 6 novembre 1900
Président William McKinley
Gouvernement Administration McKinley
Prédécesseur Garret Hobart
Successeur Charles W. Fairbanks (indirectement)[a]
33e gouverneur de l'État de New York

(1 an, 11 mois et 30 jours)
Élection 8 novembre 1898 (en)
Lieutenant-gouverneur Timothy Woodruff
Prédécesseur Frank S. Black (en)
Successeur Benjamin Barker Odell, Jr. (en)
Secrétaire assistant à la Marine des États-Unis

(1 an et 21 jours)
Président William McKinley
Gouvernement Administration McKinley
Prédécesseur William McAdoo (en)
Successeur Charles Herbert Allen (en)
Biographie
Nom de naissance Theodore Roosevelt, Jr.
Surnom Teddy
Date de naissance
Lieu de naissance New York (État de New York, États-Unis)
Date de décès (à 60 ans)
Lieu de décès Oyster Bay (État de New York, États-Unis)
Nature du décès Embolie pulmonaire
Sépulture Youngs Memorial Cemetery (en), Oyster Bay (État de New York)
Nationalité Américaine
Parti politique Parti républicain (1880-1911 ; 1916-1919)
Parti progressiste (1912-1916)
Père Theodore Roosevelt, Sr.
Mère Martha Bulloch Roosevelt
Grand-père paternel Cornelius Roosevelt (en)
Fratrie Bamie Roosevelt (en)
Elliott Bulloch Roosevelt (en)
Corinne Roosevelt Robinson
Conjoint
Alice Hathaway (m. 1880–1884)
Enfants Alice Roosevelt Longworth
Deuxième conjoint
Edith Roosevelt (m. 1886–1919)
Enfants avec le 2e conjoint Theodore Roosevelt, Jr.
Kermit Roosevelt
Ethel Roosevelt Derby (en)
Archibald Roosevelt (en)
Quentin Roosevelt
Famille Famille Roosevelt
Entourage Eleanor Roosevelt (nièce)
Franklin Delano Roosevelt (neveu par alliance et lointain cousin)
Diplômé de Université Harvard
Columbia Law School[1],[b]
Profession Conservateur de musée
Écrivain
Essayiste
Historien
Militaire
Naturaliste
Ornithologiste
Distinctions Prix Nobel de la paix (1906)
Religion Protestantisme (Église réformée néerlandaise)

Signature de Theodore Roosevelt

Gouverneurs de l'État de New York
Vice-présidents des États-Unis
Présidents des États-Unis

Theodore Roosevelt (prononcé en anglais : /ˈɹoʊ̯.zə.vɛlt/)[c], parfois surnommé Teddy, né le à New York et mort le à Oyster Bay (État de New York), est un homme d'État américain. Membre du Parti républicain (puis cofondateur du Parti progressiste dissident), il est président des États-Unis de 1901 à 1909, succédant en tant que vice-président à William McKinley, assassiné. Il est lauréat du prix Nobel de la paix en 1906 grâce à son rôle de médiateur dans la guerre russo-japonaise.

Homme à la santé fragile, il exerce divers métiers avant et après son engagement politique, aussi variés que conservateur de musée, écrivain, essayiste, historien, militaire, naturaliste ou encore ornithologiste. Autodidacte, bénéficiant d'une instruction à domicile, il effectue de nombreux voyages dans sa jeunesse, son père devant beaucoup se déplacer à cause de son métier d'homme d'affaires. Theodore perd son père assez jeune alors qu'il effectue ses études à Harvard. Sa mort lui donne la force de terminer ses études, mais il connaît une profonde dépression après la mort simultanée de sa première femme Alice et de sa mère. Il se retire dans le territoire du Dakota et découvre la vie de cow-boy. Entre-temps, il s'est fait élire comme député à l'Assemblée de l'État de New York.

En 1886, il tente de se faire élire maire de New York mais il échoue d'un rien. Il est ensuite membre de la commission gouvernementale chargée du traitement des fonctionnaires fédéraux. Dans les années 1890, il devient l'un des tenants d'une ligne impérialiste au sein du Parti républicain, influencé par les lectures d'Alfred Mahan. En 1897, il devient secrétaire adjoint à la Marine et joue un rôle décisif l'année suivante dans le déclenchement de la guerre hispano-américaine. Il devient le commandant des Rough Riders, régiment de cavalerie qui participa aux combats et dont la légende dût beaucoup aux relations que Theodore Roosevelt entretenait avec la presse mais aussi forgea une image de héros. Le prestige acquis lors du conflit permet à Roosevelt de se faire élire gouverneur de l'État de New York. Le Parti républicain, qui craint alors son influence, parvient à le débaucher pour être le colistier de William McKinley pour l'élection présidentielle de 1900. L'assassinat du président en septembre 1901 fait de Roosevelt le plus jeune président investi, âgé alors de 42 ans et 322 jours.

Sa présidence est considérée comme l'une des plus importantes de l'histoire des États-Unis. Roosevelt est — avec Woodrow Wilson et Robert La Follette — l'une des principales figures de l'Ère progressiste. Sur le plan intérieur, sa politique est principalement marquée par la lutte contre les trusts — à travers le renforcement du droit de la concurrence — mais aussi par le renforcement de la politique d'immigration et aussi par la mise en place d'une politique environnementale. En revanche, les droits des minorités — en particulier les Afro-Américains — ne s'améliorent pas durant son mandat. Il est triomphalement réélu lors de l'élection présidentielle de 1904. Sur le plan extérieur, les États-Unis interviennent dans la crise vénézuélienne de 1902-1903 et dans la guerre des Mille Jours — qui aboutit à l'indépendance de Panama et à la concession du canal — tandis que le président définit la « doctrine du Big Stick » et un corollaire qui complète la doctrine Monroe. Il renonce à se représenter à l'issue de son second mandat.

Il consacre sa courte retraite politique aux voyages et à l'ornithologie, mais la politique menée par le Parti républicain après son départ ne le satisfait guère. Il décide de revenir en politique en 1911, d'abord en tentant d'infléchir la politique de son successeur William Howard Taft. N'y parvenant pas, il décide de se présenter à l'élection présidentielle de 1912 en candidat tiers parti sous la bannière du Parti progressiste. La division du Parti républicain favorise l'élection de Woodrow Wilson, mais Roosevelt obtient le meilleur score jamais réalisé par un candidat tiers parti. Il soutient la Triple Entente pendant la Première Guerre mondiale et tente de s'engager lorsque l'entrée en guerre des États-Unis devient inévitable. La mort au combat de son fils Quentin l'affecte profondément. Il meurt six mois plus tard.

Dans les classements faits par les historiens et les journalistes, Theodore Roosevelt est considéré comme l'un des plus grands présidents et fut toujours classé parmi les huit premiers. Son effigie fut reproduite sur le mont Rushmore aux côtés des présidents George Washington, Thomas Jefferson et Abraham Lincoln. Dans un autre classement réalisé par le New York Times, il est considéré comme le président ayant le plus fait pour la préservation de l'environnement.

Situation personnelle[modifier | modifier le code]

Enfance et famille[modifier | modifier le code]

Maison natale de Theodore Roosevelt. Elle est aujourd'hui un site historique national référencé au registre national des lieux historiques.

Theodore Roosevelt est né le à New York au 28e Est de la 20e rue dans le quartier de Manhattan[2],[3],[4]. Il est le fils cadet de Martha Bulloch Roosevelt (1835-1884) et de Theodore Roosevelt, Sr. (1831-1878), homme d'affaires et philanthrope. Son père a fait fortune dans l'import/export[5],[6]. Sa mère elle, est issue d'une famille qui a fait fortune dans les plantations de coton en Géorgie[4]. Il a deux sœurs, l'aînée Anna (en) (1855-1931) et la dernière de la fratrie Corinne (1861-1933), ainsi qu'un frère Elliot (en) (1860-1894). Par ailleurs, Elliott est le père d'Eleanor, la future première dame des États-Unis et épouse de Franklin Delano Roosevelt, un lointain cousin de Theodore. Franklin était le fils de James Roosevelt I, un cousin du père de Theodore qui était également homme d'affaires.

Les Roosevelt sont issus de familles aristocratiques d'origine néerlandaise[4],[6],[7], issus de Claes Martenzsen Van Rosenvelt (1626-1659)[8], installé à La Nouvelle-Amsterdam vers 1650 et dont la descendance (via son fils Nicholas) donne un autre président américain, Franklin Delano Roosevelt[7]. En plus de son ascendance néerlandaise, Theodore a également des ascendances écossaises[4], irlandaises, anglaises[9], allemandes, galloises et françaises[10]. Par ascendance ou par mariage, Theodore Roosevelt est également un parent éloigné de plusieurs présidents américains (John Adams, James Madison, Martin Van Buren, William Howard Taft)[2].

Passage du cortège funéraire d'Abraham Lincoln à l'Union Square devant la maison du grand-père paternel de Theodore, qui assiste au passage du cortège avec son frère Elliott.
Theodore Roosevelt photographié lors du passage des Roosevelt à Paris en 1870.

L'enfance de Theodore est assez compliquée, avec des crises d'asthme à répétition qui n'inquiètent guère les médecins[2],[5],[11],[12]. En plus d'être asmathique, il souffre régulièrement de fièvre et de nausées[2],[13]. Il est malgré tout un jeune garçon vif et ouvert d'esprit[5],[6],[14]. Sa santé fragile l'empêche de sortir, ce qui l'incite à la lecture[6],[15],[16]. Il devient rapidement un lecteur vorace et compulsif[17]. À l'âge de cinq ans et demi, il assiste aux funérailles d'Abraham Lincoln en suivant le passage du cortège funéraire à New York sur la route pour Springfield dans l'Illinois[18]. Il passe ses étés dans les Adirondacks, à Long Island ou sur les rives de l'Hudson River[12]. Vers l'âge de sept ans, il se découvre un intérêt pour la zoologie en voyant un pinnipède mort sur un marché local[6]. Après avoir fait acquisition de la tête de l'animal, il forme avec ses cousins le « Musée Roosevelt d'histoire naturelle »[19]. Il apprend les bases de la taxidermie et multiplie les prises. Son père le fait même rencontrer John Graham Bell, un naturaliste et taxidermiste reconnu[20]. Cela développe son goût de la chasse, qu'il pratiqua assidument par la suite. Il étudie les animaux et les prépare afin de les présenter. Il note ses observations dans un carnet, qui prit ensuite le nom de « Histoire naturelle des insectes »[21]. En 1871, il fit don de ses animaux au musée américain d'histoire naturelle, dont son père est d'ailleurs le cofondateur[6],[19]. Sa famille défend le camp de l'Union pendant la guerre de Sécession, bien que certains clients de son père soient proches des Confédérés. Un de ses oncles a combattu pour la Confederate States Army[4]. Elle est tellement connue à New York que The New York Times a publié près de 130 articles sur la famille Roosevelt entre 1851 et la mort de son père[22].

En 1869, Theodore Sr. décide d'emmener sa famille dans un Grand Tour d'Europe occidentale. Il espère que la santé de ses enfants va s'améliorer au cours du voyage, tous étant de condition assez fragile, d'autant que Martha s'ennuie beaucoup depuis la fin de la guerre. Les Roosevelt voyagent à travers l'Europe pendant un an[23]. Au cours d'une excursion dans les Alpes, Theodore découvre que l'effort physique a des effets bénéfiques sur son asthme mais aussi pour maintenir son moral[24],[25]. De retour au pays, il se met à avoir une activité physique importante, n'hésitant pas à engager un entraîneur de boxe après une mauvaise rencontre[26],[27]. En 1871, il obtient enfin des lunettes de bonne qualité, lui qui avait une vue assez moyenne[19]. L'année suivante, les Roosevelt se lancent dans un nouveau Grand Tour en Europe, mais également en Égypte et en Syrie[19],[28]. Disposant d'un port d'armes, il abat et fait collection de nombreux oiseaux durant l'excursion en Égypte, qu'il observa et dont il continua de noter les observations[19]. Le voyage s'achève à Vienne où a lieu l'exposition universelle de 1873 à laquelle Theodore Sr. doit participer[29].

Études et formation[modifier | modifier le code]

Le jeune Theodore suit une instruction à domicile, étudiant avec des précepteurs et ses parents[2]. L'un de ses biographes, H. W. Brands (en), souligne néanmoins que cette éducation particulière n'a pas été sans conséquence par la suite[30] :

« The most obvious drawback to his home schooling was uneven coverage of the various areas of human knowledge. »

« L'inconvénient le plus évident de son enseignement à domicile était une couverture inégale des divers domaines de la connaissance humaine. »

Theodore a des résultats scolaires solides en géographie, excellents en histoire, en biologie, en Français et en Allemand (langues qu'il apprit en 1873 lors d'un séjour linguistique dans une famille allemande à Dresde pendant l'Exposition universelle[31]) ; cependant, il a des résultats médiocres en mathématiques et en littérature anglaise. Le , il entre à l'université Harvard. Son père, qui est son modèle depuis son enfance[6], lui donne les conseils suivants pour réussir ses études[32] :

« Take care of your morals first, your health next, and finally your studies. »

« Pense d'abord à ton éthique, ensuite à ta santé et enfin à tes études. »

La mort prématurée de son père le le bouleverse, mais elle le pousse à accentuer ses efforts pour obtenir son diplôme[33]. Cela ne l'empêche pas d'hériter de 65 000 dollars (soit 1 743 121 dollars en 2020), de quoi vivre de manière aisée et confortable pour le reste de sa vie[22].

Durant son parcours à Harvard, il obtient de bons résultats en sciences naturelles, en philosophie et en rhétorique mais des résultats médiocres en langues anciennes (Latin et Grec ancien). Il étudie la biologie de manière assidue, devenant un naturaliste et ornithologue reconnu. Il publie un ouvrage photographique consacré à l'ornithologie[34]. En parallèle à ses études, il participe à quelques tournois amateur de boxe. Après avoir obtenu son diplôme, il abandonne l'idée d'entamer des études approfondies en sciences naturelles et entame une licence de droit à la Columbia Law School. Cependant, il ne termine pas ses études[b],[4], et revient à New York dans la maison familiale. Il écrit un livre consacré aux batailles navales pendant la guerre anglo-américaine de 1812, assisté de deux de ses oncles[4],[6],[35],[36].

Premier mariage[modifier | modifier le code]

Durant ses études à Harvard, il rencontre Alice Hathaway, la fille d'un banquier[12]. Il l'épouse après quatre ans de relations, le . De cette union naît une fille, Alice Roosevelt Longworth (1884-1980). Mais Alice (épouse) meurt 2 jours après l'accouchement, le même jour que la mère de Theodore, qui décède des suites d'une fièvre typhoïde, le [4],[12],[37].

Second mariage[modifier | modifier le code]

La famille Roosevelt photographiée en 1903.

Le , il épouse son amie d'enfance Edith[38], malgré les réticences de ses sœurs[39]. Le couple se marie à Londres à l'église Saint-George sur Hanover Square[40]. Le couple aura cinq enfants[12] :

Le couple élève également la fille aînée de Theodore, qui est régulièrement en conflit avec sa belle-mère[41].

Parcours politique[modifier | modifier le code]

Député à l'Assemblée de l'État de New York (1882-1884)[modifier | modifier le code]

Theodore Roosevelt, photographié en 1883.

En 1882, il est élu député à l'Assemblée de l'État de New York sous l'étiquette du Parti républicain pour le 21e district[4],[6],[12]. Il prend rapidement ses marques et sélectionne rapidement ses dossiers. Il lutte contre la corruption au sein des entreprises et empêche Jay Gould, un financier new-yorkais réputé, d'obtenir une exemption d'impôt[37]. Il met en avant la corruption d'un juge de la Cour suprême de New York mais, malgré une enquête approfondie, ne parvient pas à obtenir sa destitution. Son attitude durant l'enquête fait rapidement de lui une figure locale respectée[42]. Ce fameux juge est remplacé à sa mort en 1885 par Alton Parker, futur candidat démocrate à l'élection présidentielle de 1904 face à Theodore Roosevelt. Roosevelt parvient à être réélu sur une ligne anti-corruption[16] dans son district malgré la victoire de Grover Cleveland, futur président, dans son district lors de l'élection pour le gouverneur de l'État de New York[43]. Avec l'aide des partisans de Roscoe Conkling, Conkling étant lui-même sénateur fédéral pour l'État de New York, et malgré le désarroi provoqué par l'assassinat de James Abraham Garfield quelques mois plus tôt, Roosevelt parvient à se faire élire chef de la majorité à l'Assemblée de l'État. Il s'allie avec Grover Cleveland pour faire passer une réforme de la Fonction publique[44]. Réélu une seconde fois, il échoue à devenir le président de l'Assemblée de l'État[45].

À l'approche de l'élection présidentielle de 1884, Roosevelt cherche à faire connaître ses vues au Parti républicain local. Dans un premier temps, il apporte son soutien au sénateur fédéral du Vermont George F. Edmunds (en) pour la nomination. Cependant, le parti local soutient la réélection de Chester Alan Arthur, qui a succédé à James A. Garfield à la Maison-Blanche. Néanmoins, Arthur renonce à se représenter en raison de soucis de santé. Roosevelt parvient cependant à avoir une influence sur les délégués républicains de l'État de New York lors de la convention locale à Utica. Il négocie jusque tard dans la nuit et parvient à déjouer les manœuvres des partisans d'Arthur et de l'ancien secrétaire d'État de Garfield James G. Blaine. À la suite de la convention, il acquiert une réputation au niveau fédéral et devient une personnalité clé au sein de l'État[37],[46].

Il assiste à la Convention nationale du Parti républicain (en) à Chicago et tente de faire échouer la nomination de Blaine comme candidat à la présidence. Constatant son échec, il se retire un temps dans le Petit Missouri dans le territoire du Dakota[47]. Il refuse de rejoindre les autres Mugwumps et de soutenir la candidature de Grover Cleveland, l'ancien gouverneur démocrate de l'État de New York. Constatant qu'en refusant de soutenir la candidature de Blaine, il risquait de perdre son influence au sein du Parti républicain, il annonça le sa décision de le soutenir[48]. Néanmoins, il perd le soutien de la grande majorité des délégués réformateurs et décide de se retirer dans le Dakota[49].

Retraite dans le Dakota (1884-1885)[modifier | modifier le code]

Photographie du ranch de Theodore Roosevelt, vers 1885.

Profondément atteint par la mort de sa mère et de sa première femme Alice, Theodore Roosevelt se retire dans une ferme dans le territoire du Dakota[12]. Sa première visite dans le territoire date de 1883 pour chasser le bison[50],[51]. Pendant deux ans, il vit à la manière des cow-boys du Far West[2],[37],[50],[51],[52]. Il obtient le respect de ses pairs, qui ne sont cependant pas impressionnés[16],[53].

Il investit 14 000 dollars avec l'idée de devenir un chasseur hors pair. Il fait construire un ranch, baptisé Elkhorn Ranch[52], pendant la campagne de l'élection présidentielle de 1884 à laquelle il n'est pas associé. Il écrit plusieurs livres sur la vie des pionniers[54]. En 1887, il fonde le Boone and Crockett Club dont le but est de préserver la nature et de garantir la chasse[12],[55]. Il revient à New York après le rigoureux hiver de 1886[56]. Près de 80 % des bovins meurent durant cet hiver, où des températures de près de −41 °C sont recensées, Theodore Roosevelt perdant lui-même plus de la moitié de son troupeau[50].

Comme beaucoup d'Américains de son époque, il entretient des sentiments très durs à l'égard des Noirs et des Amérindiens. Il déclare ainsi à leur sujet en 1886, alors que les guerres indiennes se poursuivent : « Je ne pense pas que les seuls bons Indiens sont les Indiens morts, mais c’est valable pour neuf sur dix, sans compter le dixième sur lequel je ne souhaite pas me pencher »[57].

Candidature à la mairie de New York (1886)[modifier | modifier le code]

Dès son retour à New York, certains responsables républicains locaux font appel à lui pour concourir à l'élection municipale pour élire le nouveau maire de la ville. Il accepte de se lancer dans la course, malgré de faibles chances de l'emporter face au candidat du Labor Party (en) Henry George et au candidat démocrate Abram Hewitt[58]. Roosevelt fait campagne activement, mais il s'incline face à Hewitt qui reçoit les voix d'une partie des électeurs républicains inquiets des positions radicales d'Henry George[58],[59]. Hewitt l'emporte avec 41 % des voix (90 552 voix) contre 31 % à George (68 110 voix) et 27 % à Roosevelt (60 435 voix)[59]. Craignant de disparaître du paysage politique, Theodore se lance dans l'écriture d'un nouveau livre consacré à la conquête de l'Ouest, intitulé The Winning of the West, qui aura un grand succès et permit de le renflouer financièrement[60].

Membre de la commission gouvernementale chargée des fonctionnaires fédéraux (1888-1895)[modifier | modifier le code]

Lors de l'élection présidentielle de 1888, le petit-fils de l'ancien président William Henry Harrison, Benjamin, créé la surprise en remportant la nomination républicaine face à James G. Blaine, pourtant candidat du parti quatre ans plus tôt, lors de la Convention nationale du Parti républicain (en). Roosevelt mène alors activement campagne pour Harrison, prononçant plusieurs discours dans le Midwest en faveur de sa candidature[61]. Benjamin Harrison l'emporte sur Grover Cleveland lors de l'Election Day, malgré le fait d'avoir perdu le vote populaire.

Sur l'insistance de Henry Cabot Lodge, le président Harrison nomme Roosevelt au sein de la commission gouvernementale chargée de s'occuper des affaires concernant les fonctionnaires fédéraux[4]. Theodore siège au sein de cette commission jusqu'en 1895[4],[37],[62]. Alors que beaucoup de ses pairs considèrent la charge comme une pénitence[63], le futur président s'investit pleinement dans son rôle et milite pour renforcer les lois concernant les fonctionnaires fédéraux. Il reprend son combat contre la corruption présente au sein gouvernement fédéral[16]. Cependant les positions de Roosevelt fragilisent parfois politiquement Benjamin Harrison[4],[64]. Malgré son soutien apporté à la tentative de réélection d'Harrison durant l'élection présidentielle de 1892, Grover Cleveland le reconduit dans ses fonctions lorsqu'il revient à la Maison-Blanche[37].

Chef de la police de New York (1894-1895)[modifier | modifier le code]

Illustration représentant Theodore Roosevelt et le journaliste Jacob Riis marchant dans New York, en 1894.

En 1894, il est approché par un groupe de réformateurs républicains pour concourir à nouveau à la mairie de New York. Theodore renonce, principalement sur l'insistance de son épouse qui ne souhaitait pas abandonner ses activités à Washington. Il se retire quelques mois dans le Dakota du Nord, tandis que son épouse se met à regretter sa décision, qu'elle jure de ne pas reproduire à l'avenir[65]. Paradoxalement, c'est un républicain réformateur, William L. Strong, qui remporte l'élection municipale. Celui-ci lui offre le poste de chef de la police de New York, ce que Roosevelt accepte[61].

Roosevelt réforme alors de façon radicale la police new-yorkaise, notamment en imposant des inspections annuelles et des tests d'aptitude physique, et privilégie les aptitudes des hommes plutôt que leur appartenance politique. Il instaure la médaille du mérite et met fin aux pratiques de corruption qui étaient fréquentes jusqu'alors[37]. Theodore effectue lui-même des rondes de nuit pour s'assurer que ses hommes exécutent leur mission correctement[66]. Il se met à dos une bonne partie de l'élite républicaine de l'État, dont le sénateur fédéral Thomas C. Platt et une partie de l'équipe municipale. Cependant, Roosevelt n'hésite pas à attaquer de front ses opposants[67].

Secrétaire adjoint à la Marine et guerre contre l'Espagne à Cuba (1895-1898)[modifier | modifier le code]

Theodore Roosevelt
Theodore Roosevelt
Theodore Roosevelt dans son uniforme de colonel.

Nom de naissance Theodore Roosevelt, Jr.
Naissance
New York (État de New York, États-Unis)
Décès (à 60 ans)
Oyster Bay (État de New York, États-Unis)
Allégeance Drapeau des États-Unis États-Unis
Arme United States Army
Unité Rough Riders
Grade Colonel
Années de service 18821898[d]
Commandement Rough Riders
Conflits Guerre hispano-américaine
Faits d'armes Bataille de Las Guasimas
Bataille de San Juan
Distinctions Medal of Honor (2001)[68]
Signature de Theodore Roosevelt

Pour l'élection présidentielle de 1896, Roosevelt apporte son soutien au président de la Chambre des représentants Thomas Brackett Reed pour la nomination, mais c'est William McKinley qui est choisi et l'emporte lors de l'Election Day face au démocrate William Jennings Bryan[69]. Theodore s'opposait vigoureusement aux positions politiques de Bryan, notamment sur la libre frappe de la monnaie et le bimétallisme[70], et considérait certains de ses partisans comme des fanatiques. Il prononce plusieurs discours en faveur de la candidature de McKinley[4],[71]. Une fois encore, le soutien d'Henry Cabot Lodge permet à Roosevelt d'être nommé par un président au gouvernement. McKinley le nomme ainsi secrétaire adjoint à la Marine le [4]. Le secrétaire à la Marine John D. Long s'intéressait davantage aux formalités qu'aux attributs de sa fonction, d'autant qu'il était en mauvaise santé[72]. Ainsi, de nombreuses décisions seront prises directement par Theodore, ce qui n'empêche pas Long de féliciter Theodore pour son bon travail[4]. Influencé par Alfred Mahan depuis qu'il a travaillé sur son livre The Naval War of 1812, Roosevelt joue un grand rôle dans le développement de l'US Navy, notamment dans la construction de cuirassés[4],[73]. Rapidement, Theodore commence à imposer ses vues et se tourne vers les Caraïbes, l'océan Pacifique et même la mer Méditerranée[4]. Il était confiant sur le fait que l'Espagne quitterait bientôt Cuba[74]. En effet, l'île était entrée en guerre contre la domination espagnole en 1895[75],[76]. Cependant, les représailles espagnoles sont très dures, au point que les prisonniers cubains sont enfermés dans des camps de concentration[77],[78]. Roosevelt était aidé par le fait que l'opinion publique et le président McKinley rejetaient la politique militaire espagnole dans ce conflit[79]. Dès 1897, McKinley cherche à obtenir de l'Espagne l'indépendance de l'île ou une plus grande autonomie pour celle-ci[80]. Cependant, il apparaît vite que les deux parties ne parviendront pas (ou alors difficilement) à un accord[81]. En plus de Cuba, Theodore envisage une annexion de l'archipel d'Hawaï et des îles Vierges[4].

Concernant une éventuelle guerre, Theodore Roosevelt expose ses vues et ses plans à l'un des stratèges de la Navy à la fin de l'année 1897[4] :

« I would regard war with Spain from two viewpoints: first, the advisability on the grounds both of humanity and self-interest of interfering on behalf of the Cubans, and of taking one more step toward the complete freeing of America from European dominion; second, the benefit done our people by giving them something to think of which is not material gain, and especially the benefit done our military forces by trying both the Navy and Army in actual practice. »

« Je considérerais une guerre contre l'Espagne selon deux points de vue. Premièrement, une opportunité d'interférer d'un point de vue humanitaire et en fonction de nos intérêts personnels dans la région en faveur des Cubains, et de faire un pas de plus vers la fin de la présence européenne en Amérique. Deuxièmement, le bénéfice donné à nos concitoyens de penser à ce qui ne serait pas un gain matériel ou territorial, mais surtout de voir enfin nos forces armées terrestres et marines dans une action coordonnée. »

Le , le croiseur cuirassé USS Maine explose dans le port de La Havane[82],[83], faisant 266 morts au sein de l'équipage[84]. Le cuirassé avait été envoyé un mois plus tôt par McKinley dans la région, après que le consul à Cuba Fitzhugh Lee a alerté le président américain que des émeutes avaient court sur l'île, afin de protéger les ressortissants présents sur l'île ainsi que les intérêts économiques[85]. Dans un premier temps, le président McKinley opte pour une solution diplomatique pour résoudre le problème avec l'Espagne, que Roosevelt et d'autres accusent d'être directement à l'origine de l'explosion[86]. McKinley insiste pour qu'une commission d'enquête soit mise en place pour enquêter sur les circonstances de l'explosion[87]. Celle-ci conclut que le croiseur a été coulé par une mine sous-marine[88],[89], mais l'opinion publique reste favorable à une intervention militaire.

Theodore Roosevelt et le journaliste Richard Harding Davis à Cuba.

Contournant les ordres de McKinley et son supérieur hiérarchique John D. Long, Roosevelt donne des ordres aux équipages de se mettre en état de marche dans l'optique d'une guerre[4],[72],[86],[90]. Néanmoins, McKinley se résout à la guerre après avoir échoué dans les négociations, et demande au Congrès de déclarer la guerre à l'Espagne[91]. La guerre hispano-américaine commence officiellement le , date de la déclaration de guerre[16], bien que la guerre ait commencé le [92]. McKinley signe la déclaration de guerre le [92]. Deux semaines plus tôt, il dressait le bilan de la situation dans l'île, et exposait des motifs identiques à ceux de Theodore Roosevelt fin 1897 pour presser le Congrès d'intervenir[93],[94] :

« L'intervention armée des États-Unis, en tant que puissance neutre pour arrêter la guerre s'appuie sur des motifs raisonnables, en accord avec les grands principes humanitaires et les nombreux précédents historiques dans lesquels les États voisins sont intervenus pour arrêter des sacrifices inutiles au cours de conflits sanglants qui se déroulaient sur leurs frontières. »

L'amendement Teller précise que les États-Unis n'ont pas l'intention d'annexer l'île en cas de victoire[95],[96]. Au début de la guerre, les forces en présence sont de 61 000 soldats pour les Américains et de 155 000 pour les Espagnols[16].

Theodore Roosevelt démissionne de son poste de secrétaire adjoint à la Marine le [4]. Malgré l'insistance de son épouse et de certains de ses amis l'implorant de rester en poste, Theodore est déterminé à participer à la guerre[15],[97]. Avec le colonel Leonard Wood, il fonde les Rough Riders (« Rudes cavaliers » ou « Durs à cuir »)[16],[72], un régiment de cavalerie. Dès que l'annonce de la formation du bataillon fut annoncée dans la presse, les volontaires affluèrent de tout le pays[98]. Les Rough Riders furent l'une des nombreuses unités temporaires présentes au combat[99]. Avant de démissionner, Roosevelt s'assure que certains régiments ne puissent pas quitter la Floride, dont celui de William Jennings Bryan[16].

Pendant plusieurs semaines, le bataillon s'entraîne et se forme aux techniques de la guerre à San Antonio au Texas. La troupe débarqua sur l'île à Daiquirí (en) le , déjà fatiguée par l'entraînement intensif des semaines précédentes[16]. Les régiments de cavalerie sont dirigées par l'ancien général confédéré Joseph Wheeler[16]. Roosevelt est promu colonel durant le conflit, et est suivi par deux journalistes durant la totalité de sa présence à Cuba[16]. La troupe joue un rôle mineur dans la bataille de Las Guasimas. En revanche, le bataillon joue rôle plus important, bien que mineur, dans la bataille de San Juan, Roosevelt lui-même partant à la charge avec le seul cheval disponible[16]. Il y eut 200 morts et près de 1 000 soldats prisonniers durant ces batailles[100]. Cependant, comme le souligne l'historien Serge Ricard, le rôle des Rough Riders dans le conflit est surestimé, tandis que la victoire de San Juan fut qualifiée d'« égal de Waterloo »[16]. Le commandement américain s'avère particulièrement médiocre[101]. La guerre se joue surtout dans la mer des Caraïbes, où la marine espagnole est dépassée[102]. Par le traité de Paris, signé le , l'Espagne cède ses dernières colonies d'Amérique aux États-Unis ainsi que les Philippines contre le versement de 20 millions de dollars[101],[103]. Le traité est ratifié par le Sénat le [103].

Le , l'amendement Platt place Cuba sous le statut de protectorat[93].

Gouverneur de l'État de New York (1899-1900)[modifier | modifier le code]

Theodore Roosevelt quitte Cuba en août 1898 et les Rough Riders sont placés en quarantaine à Long Island, le département de la Guerre craignant que les militaires n'aient contracté la fièvre jaune[104]. En effet, plus de 90 % des 5 000 morts durant la guerre l'ont été de fièvre jaune ou de dysenterie[105]. Peu de temps après, le représentant fédéral de l'État de New York Lemuel E. Quigg (en) lui demande de concourir à l'élection pour le gouverneur de l'État. Malgré les rapports tendus avec le Parti républicain local, Roosevelt remporte la nomination, bien aidé par sa popularité et les déboires du gouverneur républicain Frank S. Black (en). Roosevelt promet de ne pas s'opposer de front au parti en cas de victoire[106]. Il affronte le juge affilié au Parti démocrate Augustus Van Wyck (en) pour l'élection générale[107]. Il mène campagne en partie sur son bilan militaire à Cuba mais ne l'emporte que d'un point[108].

Comme gouverneur, Roosevelt se confronte aux réalités économiques de son État et expérimente de nouvelles techniques politiques qu'il utilisera souvent durant sa présidence. Avant même d'accéder à la Maison-Blanche, il est confronté aux problèmes des trusts, des monopoles, des relations de travail et de conservation de la nature. Il innove en tenant deux conférences de presse par jour — une première à l'époque, ce qui lui permet de rester proche de sa base électorale[109]. Rapidement, il s'émancipe de ses mentors et mène sa propre politique[72]. Étant donné qu'il est à la tête de l'État le plus peuplé des États-Unis, Roosevelt devient rapidement un candidat potentiel à l'élection présidentielle. Certains de ses soutiens, notamment William Allen White (en), l'encouragent explicitement à se présenter à l'élection présidentielle de 1900[110]. Roosevelt ne voit cependant aucun intérêt à se présenter contre McKinley, mais n'obtient pas le poste qu'il convoite de secrétaire à la Guerre. Roosevelt envisage néanmoins de se présenter lors de la prochaine élection, prévue en 1904, bien qu'il ne sache pas s'il se représentera pour un second mandat de gouverneur[111].

Vice-président des États-Unis (1901)[modifier | modifier le code]

En novembre 1899, le vice-président de McKinley, Garret Hobart, meurt des suites d'une insuffisance cardiaque[72]. Ainsi, le ticket républicain est à reconstituer pour l'élection présidentielle de 1900. Une fois encore, Henry Cabot Lodge encourage Roosevelt à se lancer et à postuler pour devenir le candidat à la vice-présidence. Cependant, Roosevelt est réticent à se lancer, et fait savoir par un communiqué qu'il refuserait d'accepter une éventuelle nomination[112]. En plus, McKinley et son directeur de campagne Mark Hanna l'informent qu'il ne sera pas l'heureux élu en raison de son action à Cuba. Paradoxalement, les républicains new-yorkais mènent une campagne de presse active en sa faveur, pardonnant à Theodore son indépendance comme gouverneur[112]. Après de nombreuses tractations, Roosevelt remporte la nomination par acclamation unanime des délégués[113]. La campagne entre Bryan et McKinley est acharnée, la frappe de la monnaie et la guerre hispano-américaine occupant une large part de celle-ci, mais McKinley est triomphalement réélu lors de l'Election Day[114],[115]. En janvier 1901, il est initié à la franc-maçonnerie[116],[117],[118].

Le , Theodore Roosevelt prête serment comme vice-président des États-Unis. Sa vice-présidence est marquée par une absence d'évènements marquants, et il ne préside le Sénat que quatre jours avant que celui-ci ne soit ajourné[119].

Président des États-Unis (1901-1909)[modifier | modifier le code]

Photographie de la salle dans laquelle Theodore Roosevelt prêta serment le .

Le , alors que William McKinley visite l'exposition pan-américaine à Buffalo, il est atteint de deux balles à l'abdomen tirées par l'anarchiste américain d'origine polonaise Leon Czolgosz[120]. Le président est mal soigné sur place mais semble se remettre de ses blessures. Il meurt finalement huit jours plus tard, le à h 15 du matin[121]. Roosevelt était quant à lui en vacances dans le Vermont, mais il ajourna ses vacances pour rendre visite au président à l'hôpital. Il se trouvait à North Creek dans les Adirondacks, montagnes situées dans l'État de New York, lorsque McKinley meurt subitement. Il fait la route jusqu'à Buffalo à cheval puis en train, mais arrive dans la capitale de l'État avec des vêtements sales et inadaptés. Il emprunte alors des vêtements civils plus formels à un ami, Ansley Wilcox (en), et prête serment comme président dans sa maison.

Son accession à la présidence fit que la fonction de vice-président resta vacante jusqu'à l'élection présidentielle de 1904[a],[15]. Roosevelt rassure les partisans de McKinley et jure de respecter l'agenda politique du président défunt, reconduisant une grande partie du cabinet[122]. Malgré tout, Roosevelt se trouve en position de force pour la prochaine élection présidentielle, aucune autre figure n'ayant émergé au sein du Parti républicain[123].

Il est le plus jeune président des États-Unis à entrer en fonction, à l'âge de 42 ans, 10 mois et 18 jours[e],[15],[124].

Politique intérieure[modifier | modifier le code]

Politique antitrust[modifier | modifier le code]

L'arrivée de Theodore Roosevelt à la Maison-Blanche marque un tournant dans l'Ère progressiste[125]. Grâce à cela, l'aile progressiste du Parti républicain peut compter sur un président qui a la même vision de ce que doivent être les États-Unis[126]. La corruption, présente au sein du gouvernement fédéral depuis la présidence de Ulysses S. Grant, était encore présente dans les allées du Congrès. Le président souhaite encadrer les trusts, mais pas détruire le modèle capitaliste américain[127]. De ce point de vue, Roosevelt se place dans la lignée d'Alexander Hamilton, partisan d'un pouvoir fédéral fort[125].

En 1904, il existe 318 holdings, ententes ou autres trusts qui regroupent 5 288 entreprises et génèrent un capital de 7,25 milliards de dollars[125]. Cet ensemble contrôle à l'époque plus de 5 000 usines[128]. Pourtant, Roosevelt avait engagé des poursuites contre certains regroupements dès 1902 contre la Northern Securities, qui regroupe de nombreuses compagnies de chemin de fer dirigées par J. P. Morgan, Edward Henry Harriman et James J. Hill (en)[129]. Sans cette intervention, le groupe Morgan aurait eu la mainmise sur les chemins de fer du Nord-Ouest[130]. En 1904, la Cour suprême prend une décision importante qui bouleverse le droit à la concurrence, le trust des chemins de fer étant démantelé[129],[131],[132]. Roosevelt lance des poursuites une quarantaine de fois, tout en faisant la distinction entre les « bons » et les « mauvais » trusts notamment en fonction des avantages que pourraient en tirer les Américains[129]. En 1906, l'Hepburn Act (en) réglemente les tarifs des chemins de fer, dont les fermiers se plaignaient depuis la fin de la guerre de Sécession[130],[133],[134],[135]. À cette date, le réseau de chemin de fer s'étend sur 360 000 kilomètres[136]. Cependant, il ne parvient pas à ce que le département du Commerce, qu'il a contribué à créer en janvier 1903[137], ait un droit de regard sur les tarifs[130].

En 1903, Theodore Roosevelt se lance dans une procédure emblématique contre les trusts de l'industrie agroalimentaire, qui seront pointés du doigt dans le roman La Jungle d'Upton Sinclair (1905), qui dénonce les conditions déplorables dans lesquels les ouvriers immigrés des abattoirs de Chicago abattent les bêtes[130],[138]. En juin 1906, le Pure Food and Drug Act et le Federal Meat Inspection Act (en) sont votés par le Congrès pour renforcer le contrôle, l'hygiène et les mesures sanitaires dans les abattoirs et l'industrie agroalimentaire[132],[134],[139],[140].

Économie[modifier | modifier le code]

Entre 1899 et 1908, les investissements directs à l'étranger européens sont multipliés par deux, passant de 3,5 à 6 millions de dollars[125].

Entre 1897 et 1914, l'inflation est en moyenne de 3,5 % par an[125].

Entre 1896 et 1918, le revenu par tête augmente en moyenne de 2,5 % par an[141].

En 1901, l'U.S. Steel est fondée et devient rapidement la première entreprise à atteindre 1 milliard de dollars de capital[127]. La même année, les États-Unis sont la première puissance industrielle mondiale[128].

Pour soutenir l'activité économique, le président soutient l'étalon-or et met en œuvre une politique de crédit d'impôts[132].

La balance commerciale est constamment excédentaire durant sa présidence[142].

Grève des mineurs de Pennsylvanie[modifier | modifier le code]
Peinture parue dans le Harper's Weekly le représentant Theodore Roosevelt et J. P. Morgan négociant les conditions pour mettre fin à la grève.

En mai 1902, l'United Mine Workers appelle les mineurs de Pennsylvanie à la grève générale, réclamant une augmentation de salaire de 10 % ainsi que la journée de huit heures et la reconnaissance syndicale[133]. La grève s'enlise et Theodore Roosevelt menace de faire intervenir la Garde nationale. Vers le mois d'octobre, le président pousse J. P. Morgan, qui possède plusieurs mines, à négocier. Il est d'ailleurs le premier président à arbitrer un conflit entre ouvriers et patrons[143]. La grève dure jusqu'en mars 1903 et l'opinion publique soutient de plus en plus les mineurs[133]. Les mineurs obtiennent satisfaction sur la hausse de salaire, mais sans reconnaissance syndicale[144],[145]. Commentant son action pour résoudre le conflit, Theodore Roosevelt déclare la chose suivante[146] :

« My action on labor should always be considered in connection with my action as regards capital, and both are reducible to my favorite formula—a square deal for every man. »

« Mon action concernant le travail doit toujours être considérée comme étant en connection avec mon action à l'égard du capital, les deux étant réductibles à ma formule favorite — une donne loyale pour chaque individu. »

Il crée le département du Commerce et du Travail après la résolution du conflit, pour éviter que ce genre d'incident ne se reproduise[132],[133].

Immigration[modifier | modifier le code]

Les États-Unis sont une nation qui s'est fondée en partie sur les apports de l'immigration. Or, celle-ci est peu nombreuse depuis les migrations irlandaises[147]. Cependant, la naissance de l'impérialisme américain suscite de plus en plus de convoitises, surtout après la guerre hispano-américaine. Les premières lois restreignant l'immigration datent des années 1880, lorsque la Californie avait fait pression sur le Congrès pour faire interdire l'immigration chinoise dans l'État[148]. L'immigration arrivant à Ellis Island est strictement contrôlée, ce qui rend difficile l'arrivée au pays depuis New York[148]. Cela n'empêche pas la plus grande ville du pays d'accueillir près de 80 % des juifs et 75 % des italo-américains[149]. La plupart sont des Russes ou des Polonais[f] qui fuient les pogroms et les politiques raciales et religieuses du tsar Nicolas II ou de l'empereur allemand Guillaume II, des Italiens qui fuient la misère après la défaite contre l'Éthiopie ou encore des Grecs. Cependant, l'assassinat du président McKinley rend l'opinion publique encore plus méfiante vis-à-vis de l'immigration[149].

En tout, près de 9 millions d'immigrés arrivent aux États-Unis entre 1901 et 1910[150], dont près de 1,3 million en 1907[148],[150],[151]. Durant le second mandat de Theodore Roosevelt, ce sont près de 5 millions d'immigrés qui arrivent aux États-Unis et jusqu'en 1910[151].

En 1907, le Congrès vote une loi qui interdit l'accès des Japonais aux États-Unis[152],[153]. Trois ans plus tôt, le Congrès avait renouvelé la loi d'exclusion des Chinois (Chinese Exclusion Act)[154].

Droits civiques et minorités[modifier | modifier le code]

Même s'il l'avait voulu, "s'attaquer à la ségrégation raciale à l'égard, il n'aurait pas eu la majorité politique au Congrès pour faire voter les textes nécessaires. La Cour Suprême, qui en 1896 avait entériné de manière solennelle la ségrégation, n'eût d'ailleurs pas manqué de les annuler. De plus, l'opinion civile ne l'aurait pas suivi et sa présidence eût été en péril."[155] Comme la plupart des élites WASP à l'époque, il considère que "l'infériorité des Noirs est fondée sur une évidence scientifique"[156] "et il ne cessait d'affirmer que la race anglo-saxonne est la plus puissante depuis le début de l'histoire de l'humanité"[155].

Toutefois, à plusieurs reprises il prit la défense des Noirs américains. Roosevelt s'opposa vigoureusement à des parlementaires sudistes qui contrôlaient la majorité démocrate au Congrès et qui voulaient écarter les Noirs des concours de recrutement d'agents fédéraux: "Je refuse toute discrimination à l'égard d'un homme pour sa couleur de peau, pour ses idées politiques ou pour sa religion. Je veux l'égalité et la justice pour tous."[157] En décembre 1905 lors d'un voyage dans le Sud profond, en Arkansas, quand le gouverneur mentionnant le lynchage des Noirs, eut la grossièreté de lui dire que: "les seuls bons Noirs sont des Noirs morts", il réagit brutalement s'attirant les applaudissements de la foule: "Vous le gouverneur et moi, comme représentant de la loi, nous devons à notre peuple et à la cause de la civilisation de faire tout ce que nous pouvons, officiellement ou non, pour libérer les États-Unis de la menace et de l'opprobre du lynchage."[158]

Dans un discours prononcé en hommage à Abraham Lincoln le , il déclare que les Blancs américains sont « the forward race » (race primaire) et qu'ils doivent venir en aide aux autres races, jugées inférieures (« the backward race »), dans tous les domaines de la vie publique[51],[159].

Il déclara aussi à l'égard des Afro-Américains[160] :

« I have not been able to think out any solution to the terrible problem offered by the presence of the Negro on this continent. He is here and can neither be killed nor driven away, the only wise and honorable and Christian thing to do is to treat each black man and each white man strictly on his merits as a man, giving him no more and no less than he shows himself worthy to have. »

« Je n'ai pas été capable de trouver une solution au terrible problème offert par la présence du Nègre sur ce continent. Il est là et ne peut être ni tué ni chassé, la seule chose sage, honorable et chrétienne à faire est de traiter chaque homme noir et chaque homme blanc strictement selon ses mérites en tant qu'homme, en ne lui donnant ni plus ni moins que ce qu'il se montre lui-même digne d'avoir. »

Dès son accession à la présidence, il invite pour la première fois dans l'histoire américaine un Noir américain à la Maison-Blanche Booker T. Washington, un des militants pour les droits civiques les plus influents du début du siècle[159]. Au cours du dîner, les deux hommes parlent de politique, des droits civiques et du racisme. Deux jours plus tard, le dîner fit la une de tous les journaux, suscitant un fort mécontentement, notamment dans le Sud[159]. Plusieurs autres invitations à Washington sont annulées[161],[162], et Roosevelt n'invita plus jamais le moindre Afro-Américain à la Maison-Blanche .footer { position: fixed; left: 0; bottom: 0; width: 100%; background-color: white; color: black; text-align: center; }