Aristote

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Aristote
Ἀριστοτέλης
Portrait d'après un original en bronze de Lysippe.
Naissance
Décès
Sépulture
Formation
École/tradition
Principaux intérêts
Idées remarquables
Syllogisme, Puissance/Acte, Matière/Forme, Substance/Accident, Catégorie, Phronesis
Œuvres principales
Influencé par
A influencé
La majeure partie de la philosophie occidentale, islamique et juive
Adjectifs dérivés
Père
Fratrie
Arimneste (en)
Arimnestos (d)Voir et modifier les données sur Wikidata
Conjoint
Enfants
Nicomaque (en)
Pythias (d)Voir et modifier les données sur Wikidata

Aristote, né en 384 et mort en 322 av. J.-C. est un philosophe et polymathe grec de l'Antiquité. Il est avec Platon, dont il a été le disciple à l'Académie, l'un des penseurs les plus influents que le monde occidental ait connus. Il est aussi l'un des rares à avoir abordé presque tous les domaines de connaissance de son temps : biologie, physique, métaphysique, logique, poétique, politique, rhétorique, éthique et de façon ponctuelle économie. Chez Aristote, la philosophie, à l’origine « amour de la sagesse », est comprise dans un sens plus large comme recherche du savoir pour lui-même, interrogation sur le monde et science des sciences.

Pour lui, la science comprend trois grands domaines : la science théorique, la science pratique et la science productive ou poïétique (appliquée). La science théorique constitue la meilleure utilisation que l'homme puisse faire de son temps libre. Elle est composée de la « philosophie première » ou métaphysique, de la mathématique et de la physique, appelée aussi philosophie naturelle. La science pratique tournée vers l'action (praxis) est le domaine de la politique et de l'éthique. La science productive couvre le domaine de la technique et de la production de quelque chose d'extérieur à l'homme. Entrent dans son champ l'agriculture, mais aussi la poésie, la rhétorique et, de façon générale, tout ce qui est fait par l'homme. La logique, quant à elle, n'est pas considérée par Aristote comme une science, mais comme l'instrument qui permet de faire progresser les sciences. Exposée dans un ouvrage intitulé Organon, elle repose sur deux concepts centraux : le syllogisme, qui marquera fortement la scolastique, et les catégories.

La nature (physis) tient une place importante dans la philosophie d'Aristote. Selon lui, les matières naturelles possèdent en elles-mêmes un principe de mouvement (en telos echeïn). Par suite, la physique est consacrée à l'étude des mouvements naturels provoqués par les principes propres de la matière. Pour sa métaphysique, il défend l'idée d'un premier moteur qui met en mouvement le cosmos sans être lui-même mû. De même, selon lui tous les vivants ont une âme, mais celle-ci a diverses fonctions. Les plantes ont seulement une âme animée d'une fonction végétative, celle des animaux possède à la fois une fonction végétative et sensitive, celle des hommes est dotée en plus d'une fonction intellectuelle.

La vertu éthique, selon Aristote, est en équilibre entre deux excès. Ainsi, un homme courageux ne doit être ni téméraire, ni couard. Il en découle que l'éthique aristotélicienne est très marquée par les notions de mesure et de phronêsis (que l'on peut traduire par les mots « prudence », « sagacité » ou « sagesse pratique »). Son éthique, tout comme sa politique et son économie, est tournée vers la recherche du Bien. Aristote, dans ce domaine, a profondément influencé les penseurs des générations suivantes. En lien avec son naturalisme, le Stagirite considère la cité comme une entité naturelle qui ne peut durer sans justice et sans amitié (philia).

Après sa mort, sa pensée connaît plusieurs siècles d'oubli. Il faut attendre la fin de l'Antiquité pour qu'il revienne au premier plan. À partir de sa redécouverte, la pensée d'Aristote influence fortement la philosophie et la théologie de l'Occident durant les quatre à cinq siècles suivants, non sans se heurter à la doctrine d'Augustin d'Hippone. Associée au développement des universités, qui débute au XIIe siècle, la pensée aristotélicienne marque profondément la scolastique et, par l'intermédiaire de l'œuvre de Thomas d'Aquin, le christianisme catholique.

Au XVIIe siècle, la percée de l'astronomie scientifique avec Galilée puis Newton discrédite le géocentrisme. Il s'ensuit un profond recul de la doctrine aristotélicienne dans tout ce qui touche à la science. Sa logique, l'instrument de la science aristotélicienne, est également critiquée à la même époque par Francis Bacon. Cette critique se poursuit aux XIXe et XXe siècles où Frege, Russell et Dewey retravaillent en profondeur et généralisent la syllogistique. Au XIXe siècle, sa philosophie connaît un regain d'intérêt. Elle est étudiée et commentée entre autres par Schelling et Ravaisson, puis par Heidegger et, à sa suite, par Leo Strauss et Hannah Arendt, deux philosophes considérés par Kelvin Knight comme des néo-aristotéliciens « pratiques ». Plus de 2 300 ans après sa mort, sa pensée demeure toujours étudiée et commentée par la philosophie occidentale.

Anthroponymie[modifier | modifier le code]

Le nom français Aristote dérive du nom grec Aristotélês (en grec ancien : Ἀριστοτέλης [aristotelɛːs][1])[2].

Il est composé de aristos « le meilleur » et telos « achèvement, accomplissement, réalisation »[2].

Biographie[modifier | modifier le code]

Buste en marbre et albâtre d'un homme barbu.
Buste d'Aristote.

La vie d'Aristote n’est connue que dans ses grandes lignes[3],[4],[5]. Son œuvre ne comporte que très peu de détails biographiques et peu de témoignages de ses contemporains nous sont parvenus. Ses doxographes (entre autres Denys d'Halicarnasse et Diogène Laërce) lui sont postérieurs de quelques siècles. Il a été le précepteur d'Alexandre le Grand auquel il a transmis l'esprit critique et philosophique ainsi que le sentiment d'appartenance à l'hellénisme. D'après ses biographes, notamment Diogène Laërce, Aristote aurait été doté d'un certain humour et aurait soit bégayé, soit eu un cheveu sur la langue[6].

Années de jeunesse[modifier | modifier le code]

Aristote est né en 384 avant notre ère[7] à Stagire[8], cité de Chalcidique située sur le golfe Strymonique[n 1] en Grèce, d’où son surnom de « Stagirite »[9]. Son père, Nicomaque, appartient à la corporation des Asclépiades. Il est le médecin et l'ami du roi de Macédoine Amyntas III[7]. Sa mère, Phéstias, une sage-femme, est originaire de Chalcis dans l'île d'Eubée. La famille d'Aristote prétend descendre de Machaon[7]. Orphelin de père à 11 ans, il est élevé par son beau-frère, Proxène d'Atarnée[n 2], en Mysie. C'est à cette époque qu'il se lie d'amitié avec Hermias d'Atarnée, futur tyran de Mysie[10].

De son épouse, Pythias, fille adoptive d'Hermias d'Atarnée, il a une fille, Pythias, né vers -345. Sa fille épouse vers -318, un aristocrate spartiate du nom de Procles (Prokles), de cette union, naîtront deux fils, Proclés et Démarate, tous deux élèves de Théophraste. Le petit-fils d'Aristote du nom de Proclés est probablement le grand-père paternel de Nabis, tyran de Sparte[11].

Vers 367, à l'âge de 17 ans, il est admis à l'Académie de Platon[10] ; il y reste vingt ans[12]. Platon le surnomme, sans doute affectueusement, le « liseur » (anagnostes)[13], selon toute vraisemblance en raison de son appétit de lecture. D'après la même source, Platon l'aurait aussi surnommé « ὁ Nοῦς », c'est-à-dire « l'Intelligence » (nous dirions aujourd'hui « le Cerveau »)[14]. Cela n'empêchera pas Aristote de rejeter la théorie des Idées de Platon, en se justifiant ainsi : « Ami de Platon, mais encore plus de la vérité ». Formé et profondément influencé par les platoniciens, il ajoute : « ce sont des amis qui ont introduit la doctrine des Idées. […] Vérité et amitié nous sont chères l'une et l'autre, mais c'est pour nous un devoir sacré d'accorder la préférence à la vérité »[15],[16].

Aristote a probablement participé aux Mystères d'Éleusis[17].

Précepteur d'Alexandre le Grand[modifier | modifier le code]

Gravure représentant un professeur en toge à gauche face à un homme en tunique.
Aristote enseignant à Alexandre (1904).

Durant la période où il fréquente l'Académie, Aristote suit la vie politique locale, mais sans pouvoir y participer du fait de son statut de métèque. Quand Platon meurt vers 348-347 avant notre ère, son neveu Speusippe lui succède comme scholarque. Aristote, dépité, part pour Atarnée avec son condisciple Xénocrate[18] ; ce départ peut tout aussi bien avoir été causé par l'hostilité grandissante envers les Macédoniens. Peu de temps auparavant, en 348, le roi Philippe II a réduit en esclavage la population d'Olynthe, une cité amie des Athéniens, et a fait raser Stagire, dont la population a elle aussi été vendue à l'encan[19].

À Atarnée en Troade, sur la côte d'Anatolie, Aristote rejoint Hermias d'Atarnée, ami d'enfance et tyran de cette cité[20]. Quand la Macédoine et Athènes font la paix en 346, Aristote s'établit dans le petit port d'Assos en compagnie de Xénocrate et de deux autres philosophes platoniciens, Érastos et Coriscos. Il y ouvre une école de philosophie inspirée par l'Académie[21].

En 343, à la demande de Philippe II, il devient le précepteur du prince héritier, le futur Alexandre le Grand, alors âgé de 13 ans. Le choix d’Aristote par Philippe a dû s'imposer aisément, en partie en raison des relations d'amitié qui unissent dès leur jeune âge le roi de Macédoine et le philosophe. Aristote, exceptionnel encyclopédiste dès cette époque, est aussi préféré au vieil Isocrate, à ses deux disciples, Isocrate d’Apollonie et Théopompe, ainsi qu'à Speusippe[22],[n 3]. Il enseigne à Alexandre les lettres[23] et sans doute la politique, durant deux ou trois ans, au Nympheum de Miéza. Alexandre reçoit les leçons en compagnie de ses futurs compagnons d'armes : Héphestion, Ptolémée, Perdiccas, Eumène, Séleucos, Philotas et Callisthène[24]. Lorsqu'Alexandre devient régent à l'âge de 15 ans, Aristote cesse d'être son précepteur, mais reste toutefois à la cour durant les cinq années suivantes. Selon certaines sources, Alexandre lui aurait fourni des animaux provenant de ses chasses et expéditions afin qu'il les étudie, ce qui lui aurait permis d'accumuler l'énorme documentation dont font preuve ses ouvrages de zoologie[25],[26].

Vers 341, il recueille et épouse Pythias, nièce et fille adoptive d'Hermias[20], réfugiée à Pella, qui lui donne une fille, prénommée elle aussi Pythias[27]. Devenu veuf en 338, il prend pour seconde épouse une femme de Stagire, Herpyllis, dont il a un fils qu'il nomme Nicomaque. L’Éthique à Nicomaque, qui porte sur la vertu et la sagesse, n'est adressée ni au père d'Aristote, mort depuis longtemps, ni à son fils qui n'est pas encore né au moment de sa rédaction, mais mentionne Nicomaque fils comme l'éditeur de l’Éthique à Nicomaque, aidé par Théophraste ou par Eudème[28],[29].

Aristote retourne à Athènes en 335[30], à un moment où — vraisemblablement grâce à son intercession


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