Marquisat

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Un marquisat était à l'origine un fief aux frontières de l'Empire carolingien qui avait une fonction de défense contre les territoires voisins. Ils disparurent en France, puis revinrent à la Renaissance comme récompense honorifique ; sous l'Ancien Régime, ce titre a désigné des unions de terres érigées en dignité de marquisat. Le bénéficiaire noble d'un fief ainsi décoré et ses héritiers mâles par ordre de primogéniture, propriétaires de la terre, portaient le titre de noblesse de marquis. Les marquisats devaient toujours jouir du droit de haute justice, relevaient de la couronne et étaient indivisibles[1]. D'abord assez considérables (réunissant plusieurs dizaines de paroisses), ils furent réduits sous Henri IV à la réunion de cinq paroisses (ou terres à clocher), avec de nombreux passe-droit ; et Louis XIV fut le premier souverain à accorder des titres « en l'air », c'est-à-dire « sans être obligé de l'attacher à aucune terre ».

Histoire[modifier | modifier le code]

Époque médiévale[modifier | modifier le code]

Le mot « marquisat » vient du francique et signifie une frontière (marche). Un marquisat désignait à l'origine dans l'Empire carolingien un fief de grandes dimensions créé dans une zone frontalière auquel le souverain assignait une fonction de défense contre les territoires voisins. Il prenait ainsi la succession du « limes » romain (d’où vient le mot "limite"), sans en avoir le caractère continu (c’était une réunion de villes ou de forteresses). Il y eut cinq ou six de ces marquisats en France, sous Charles le Chauve, tandis qu’on en comptait sept en Italie et douze en Allemagne.

Pour les titres attachés à d'anciennes marches médiévales, on se reportera aux articles :

Par la suite, ils tombèrent en désuétude en France à mesure que s’affaiblissait le pouvoir royal. Les grands féodaux ont cessé d’en faire usage, ne songeant au contraire qu’à se libérer de toute sujétion envers la Couronne. Parfois, ils créèrent eux-mêmes des petits marquisats aux frontières de leurs états.

On peut se demander dans quelle mesure les six pairies laïques instituées en France au XIIe siècle (ducs de Bourgogne, Normandie, Aquitaine ; comtes de Toulouse, Flandre et Champagne) n’ont pas remplacé les anciens marquisats, créant avec le roi un nouveau lien de vassalité, en particulier par leur présence lors du sacre ; ils sont attestés à celui de Louis le Jeune en 1131 - (Expilly., art. Dignités).

Époque moderne[modifier | modifier le code]

Revenu à la mode en France à l’occasion des guerres d’Italie (où se trouvaient les marquisats de Montferrat et de Saluces, entre autres), il devint à partir du XVIe siècle un titre honorifique appuyé sur une terre[2] ; D'abord perpétuel (cas de Trans), comme les autres titres d'ancienneté, il prit rapidement un caractère héréditaire, c'est-à-dire davantage attaché à un lignage qu'à un fief, et s'éteignait en cas d'absence d'héritier mâle, ou si la terre était vendue ou démembrée. Les lettres patentes devaient être vérifiées et enregistrées par devant une cour souveraine, faute de quoi elles devenaient lettres mortes, sans force légale.

Ce titre était sans fonction défensive (à de rares exceptions près), mais fut d’abord attribué de préférence à des militaires. Le plus ancien marquisat français enregistré est celui de Trans, érigé en [3] en faveur de Louis de Villeneuve, seigneur de Trans en Provence[2]. On sait que Louis XII avait d’abord créé un marquisat en Italie (Vigevano, 1499) en faveur du condottière Jean-Jacques Trivulce, tout nouveau Maréchal de France et glorieux conquérant du Milanais. Deux autres titres pourraient avoir précédé Trans, celui de Mypont en Bourgogne, qu’on peut lire sur un sceau de Guillaume de Poitiers daté de 1503[4] (mais il mourut l’année suivante), et celui de Fimarcon, porté au même moment par Jacques de Lomagne (1503) ; mais ils ne furent pas enregistrés.

Rôle et évolution du titre[modifier | modifier le code]

Les marquisats français semblent n’avoir joué aucun rôle militaire, à l’exception de trois, qui furent érigés sur les côtes pour des Généraux des galères, avec l’obligation de se fortifier et d’y tenir garnison. Ce furent les Iles d’Or, ou Iles d’Hyères (pour Bertrand d’Ornezan, 1531, qui fut finalement destitué), Belle-Ile en Mer (pour les Gondi, 1573), et Brégançon (pour Escalin des Aymar, 1574). On pourrait éventuellement y ajouter un quatrième marquisat, celui de la Guadeloupe en faveur de son propriétaire et gouverneur, Charles Houel, qui fit construire le fort Saint Charles au-dessus de Basse-Terre (mais lui aussi fut destitué ; le titre fut alors assis à Sainte-Marie, 1661). Mais il devint vite évident que des fortifications particulières n’étaient pas de taille suffisante pour résister à une attaque en règle (le second marquis des Iles d’Or, Christophe de Rocquendorf, fut même prisonnier des Turcs), et ne pouvaient jouer qu’un rôle secondaire, si même elles ne devenaient pas préoccupantes pour la royauté (ce soupçon fit le malheur de Fouquet à Belle-Ile). Richelieu s’était d’ailleurs employé à éventrer près de deux mille châteaux appartenant à la noblesse frondeuse.

D’abord peu nombreux (une soixantaine durant tout le XVIe siècle) et réservés à la haute noblesse militaire, les marquisats ont ensuite proliféré, notamment pendant les régences et les troubles, et s’étendirent à toutes les catégories sociales, si bien qu’ils devinrent le titre le plus répandu et le plus galvaudé en France (environ 870 marquis enregistrés sous l’Ancien Régime, soit près de la moitié de tous les titres érigés). Napoléon ne voulut pas en faire usage, mais inventa les premiers majorats (biens inaliénables et indivisibles). La Restauration reconnut les anciens titres, mais évidemment dépourvus de leur assise terrienne et féodale ; ils sont tous devenus des titres "en l’air", sauf quelques majorats, en sorte que bien peu de marquis subsistants sont encore en possession du domaine familial d’origine (mais ils ont pu recevoir d’autres châteaux par alliance ou héritage). Il fut de nouveau décerné au XIXe siècle, jusqu’en 1877, où la IIIe République interdit la création de nouveaux titres, tout en reconnaissant officiellement l’existence des anciens (ils peuvent être inscrits à l’état-civil).

Décadence à la veille de la Révolution[modifier | modifier le code]

À la fin de l'Ancien Régime (et plus encore pendant l’émigration), un grand nombre de familles nobles ou notables (parfois fraîchement anoblies[5], ou même restées bourgeoises) ayant une certaine surface mondaine ou locale portaient un titre de courtoisie de comte ou de marquis, indûment repris ou inventé. Lors de la convocation des États Généraux, soit désaffection, soit impossibilité de les vérifier, plusieurs provinces décidèrent de ne pas faire mention des titres dans les procès-verbaux des assemblées de la noblesse.

Durant l’année 1789, six marquisats ont été érigés, mais ils avaient bien perdu de leur prestige.

Au début de la Révolution, la plupart des marquis restèrent fidèles à la Royauté, beaucoup émigrèrent, plusieurs furent guillotinés ; mais à l’inverse, quelques-uns changèrent de camp. On compte six députés qui avaient porté ce titre - à tort ou à raison - et qui ont voté la mort du Roi : parmi ceux-ci, le marquis d’Aoust approuva « la mort de Louis le dernier ».

L'épreuve de l'enregistrement[modifier | modifier le code]

Une formalité décisive : la "vérification"[modifier | modifier le code]

Treize Parlements (+ Trévoux) (P), dix Chambres des Comptes (CC), quatre Cours des Aides[6] (CA - celles qui n’avaient pas été réunies aux précédentes) et huit Conseils Supérieurs (CS) avaient reçu la redoutable mission de « vérifier » les Lettres royales, c’est-à-dire de s’assurer que les éléments y contenus étaient véridiques (même si, à partir de Louis XIV, les Intendants procédaient à une étude préalable à la rédaction des Lettres), et qu’elles ne contrevenaient pas aux us et coutumes du Royaume ou de la Province. La Cour compétente était celle du lieu, mais il est arrivé qu’un magistrat de haut rang fasse enregistrer son titre dans sa propre Cour, quoique le fief dépendît d’une autre juridiction ; d’autres cas s’expliquent mal (ainsi Rumont, en Ile-de-France, est enregistré au Pmt de Rouen ?). En principe, les Parlements avaient le pas sur les Chambres des Comptes de la province et procédaient en premier, sauf en Normandie, où c’était l’inverse ; une erreur d’adresse nécessitait des Lettres de "relief d'adresse", ce qui retardait d'autant la procédure.

P : Paris, Toulouse (1420), Grenoble (1453), Bordeaux (1462), Dijon (1477), Rouen (1499), Aix (1501), Rennes (1554), Pau (1620), Metz (1633), Douai (1668), Besançon (1674), Nancy (1775), et Trévoux (1523-1771).

CC : Aix, Bar-le-Duc, Dijon, Grenoble, Montpellier, Nancy, Nantes, Nevers, Paris, Rouen.

CA : Bordeaux, Clermont-Ferrand, Montauban, Paris.

CS : Alsace (Colmar), Roussillon (Perpignan), Artois (Arras), Canada (Québec), Corse (Bastia ?), Guadeloupe (Basse-Terre), Martinique (Saint-Pierre ?), Ile Bourbon (Saint-Denis ?).

M. Levantal a expliqué les diverses formalités auxquelles était astreint un duc et pair (ou son représentant) auprès du Président du Parlement [Lev p. 349-352]. L’arrêt d’enregistrement de


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