La première photographie de Lyon vendue aux enchères à plus de 16 000 euros chez Drouot

Ce mercredi 8 novembre, lors d’une vente aux enchères, un daguerréotype, datant du début des années 1840, a été adjugé à 16 744 euros, frais compris. Le plus vieux cliché de la ville de Lyon restera dans la capitale des Gaules.

C'est un document photographique et historique exceptionnel : un daguerréotype, ancêtre de la photographie, qui montre une vue du pont du Change, à Lyon. Le cliché a été pris autour de 1840 par un opticien lyonnais du 19ᵉ siècle, Félix Richard. On distingue arches et constructions sur ce pont détruit voilà bientôt un demi-siècle. Le document, d'à peine 20 centimètres sur 15, aurait pu tomber dans l'oubli ou disparaître. Il vient d'être vendu aux enchères dans la prestigieuse salle des ventes Drouot.

Adjugé !

La vue aurait été prise à l’occasion des "Excursions Dagueriennes", un recueil de photos réalisé à l’époque par des opticiens, pionniers de la discipline. Selon les experts, il s'agirait du plus vieux cliché de la ville de Lyon et il était proposé, ce mercredi 8 novembre 2023, à la vente. Des enchères organisées à Drouot, par la maison Oger & Blanchet. L'estimation de l'œuvre était comprise dans une fourchette allant de 8 000 à 12 000 euros. La mise à prix a débuté à 6000 euros. Mais les enchères ont largement dépassé l'estimation la plus haute : le document a été adjugé, frais compris, à 16 744 euros.

La plus vieille plaque photographique représentant Lyon est un témoignage historique sourcé. Retrouvée chez les descendants de son auteur, elle ne quittera pas la capitale des Gaules. Le cliché a été acheté par l’État au profit de la bibliothèque municipale de Lyon. 

Le pont au Change immortalisé

Le cliché montre la Saône et la colline de la Croix Rousse en arrière-plan, mais c'est le pont qui attire l'œil. C'est un témoignage photographique unique : un pont de pierre aujourd'hui disparu est immortalisé. L'ouvrage qui enjambait la Saône, faisait le lien entre la place du Change et la place d’Albon, et reliait la presqu'île au Vieux-Lyon. Premier pont construit à Lyon, il est resté jusqu’en 1643 le seul en activité de la ville de Lyon. C'était aussi un lieu de vie comme l'atteste le daguerréotype : des habitations de plusieurs étages étaient construites au-dessus de ses arches. Elles étaient habitées par des orfèvres. On ne connaissait de ces constructions que des dessins. 

C'est un document extraordinaire. C'est la première image photographique de la ville de Lyon dans l'Histoire. Ça lui donne un caractère unique, c'est un peu comme le premier pas sur la Lune. C'est le premier qui compte ! Là, c'est pareil. Ce sont des images excessivement rares.

Adrien Blanchet

Commissaire-priseur

Le pont au Change a failli être détruit par les Allemands en 1944. Endommagé par des charges explosives, il a été réparé. Un répit de courte durée. Trente ans plus tard, il a définitivement disparu du paysage lyonnais.

Considéré comme une entrave à la circulation automobile et une gêne pour la navigation fluviale, l'ouvrage a été détruit en 1974. Il a été remplacé par un nouvel ouvrage, construit à proximité, 150 mètres en aval, dans l'alignement de la rue Grenette : le pont Maréchal-Juin, inauguré en 1973 pour préparer la disparition du pont au Change, un an plus tard.

Première photographie de la ville : 1840 ou 1845 ?

Le daguerréotype est un ancien procédé photographique inventé par Louis Daguerre en 1839. Il s'agit de l'une des premières méthodes de photographie de l'histoire. "On est au tout début de l'invention de la photographie, avec des procédés très complexes," note Adrien Blanchet, le commissaire-priseur de la vente. La plaque a été nettoyée et le cliché, particulièrement détaillé, est d'une qualité documentaire exceptionnelle. Ce daguerréotype de grande qualité permet en effet de distinguer des détails architecturaux de chaque bâtiment.  

Une note a été inscrite au dos de la photographie avec une information imprécise : "vers 1845". Mais les experts estiment que l’œuvre a été réalisée en 1840. Le doute n'est pas permis concernant la datation du document : "tout concorde à dire que nous sommes devant une des vues créées lors de l'invention de la photo. Ensuite, ce pont et les passerelles que l'on voit derrière, on sait qu'elles ont été affectées et détruites par la grande inondation de la Saône du mois de novembre 1840", assure Serge Plantureux, expert parisien en photographies anciennes.  

Daguerréotype : le prix de la rareté

Selon le commissaire-priseur, la photographie ancienne est une niche et les daguerréotypes représentent un domaine particulièrement pointu. Ce document était donc susceptible d'intéresser des collectionneurs, français ou étrangers.

Mais un nombre infime de daguerréotypes de cette qualité a résisté au temps. Pourquoi ces plaques photographiques, très prisées des collectionneurs et amateurs de documents anciens, sont-elles devenues si rares ? L'explication tient en trois points selon Serge Plantureux.

On ne retrouve peut-être que 1% de tout ce qui a été produit pendant les dix années de l'âge d'argent de la photographie au daguerréotype.

Serge Plantureux,

expert en photographies anciennes

"Beaucoup de daguerréotypes ont disparu. C'est du métal argenté et sa réalisation coûte très cher. C'est le photographe qui parfois effaçait la plaque plutôt que d'en racheter une. Ça s'efface très facilement. Deuxième raison : certaines familles les vendaient au poids du métal, et la troisième raison, ce sont les guerres avec des gouvernements qui récupèrent le métal. 99% des daguerréotypes parisiens ont été fondus pour faire des obus au moment de la guerre contre les Prussiens", résume le spécialiste.

Petit par ses dimensions, mais grand par sa richesse historique, ce trésor du patrimoine lyonnais restera définitivement dans la capitale des Gaules.