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L'âge d'or du cinéma hollywoodien... au Témiscamingue

La rivière Kipawa, au Témiscamingue, a été l'hôte d'au moins cinq plateaux de tournage hollywoodiens au cours des années 1920.

La rivière Kipawa, au Témiscamingue, a été l'hôte d'au moins cinq plateaux de tournage hollywoodiens au cours des années 1920.

Photo : Radio-Canada / Montage : Vincent Desjardins

Radio-Canada

Le camp des Topping, lieu mythique situé à l'embouchure de la rivière Kipawa et du lac Témiscamingue, a été le décor de cinq films alors que le septième art en était à ses balbutiements. Retour sur ce secret bien gardé de l'histoire cinématographique de la région avec l'historien et archiviste de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) Sébastien Tessier.

Un texte d'Émilie Parent-Bouchard d'après une chronique de Sébastien Tessier

La beauté des chutes et des marmites géantes de la rivière Kipawa attire pour la première fois l'attention du père Louis-Charles de Bellefeuille. Le missionnaire sulpicien, venu ouvrir des missions auprès des Amérindiens du nord-ouest du Bas-Canada puisqu'il maîtrise la langue algonquine, y fait allusion dans ses mémoires de voyages en 1837.

Au début des années 1860, un Canadien français nommé Grenier est le premier à habiter le territoire. Sa propriété est par la suite acquise par un Canadien anglais qui envoie les frères irlandais John et Bill Burns pour entretenir le camp. Celui que les gens de la région appelaient le « bonhomme Bilbourne » y restera pendant 50 ans. Son plus proche voisin est alors Stephen Lafricain, qui reste... à 19 km de là!

En 1873, le campement abandonné pour l’hiver sauve la vie du frère Mofette, qui y trouve refuge alors qu’il amène des vaches laitières au fort Témiscamingue. Pour la première fois en 150 ans, les habitants du fort auront droit à du lait frais! Entre-temps, le camp passe aux mains d’un dénommé Filteau, qui engage un certain Zéphirin Fleury pour remplacer le bonhomme Bilbourne à la suite de son décès, en 1918.

3, 2, 1, action!

Au début des années 1920, Fred Arnott met la main sur le camp, qu'il baptise le pavillon Tim-Kip. Il déclare alors que c’est « un endroit idéal à utiliser comme plateau de tournage ». C’est ainsi que s'ouvre la porte de l'industrie du cinéma : Hollywood, qui en est à ses balbutiements, tournera cinq films au Témiscamingue entre 1923 et 1930.

Le film le plus notoire tourné au Témiscamingue est The Snow Bride, un drame muet réalisé par Henry Kolker et produit par Paramount Pictures en 1923, rapporte Scott Sorensen dans ses Chroniques de la rivière Kipawa. Il met en vedette Alice Brady et Leffty Flynn, un ancien joueur de football professionnel devenu acteur. Les autres films sont Indians Before Civilisation, Capitaine, American Medium et le célèbre The Silent Enemy, de Douglas Burden, un documentaire datant de 1930 portant sur la fierté et la puissance des Ojibwés avant leur rencontre avec les Blancs — dont des extraits sont toujours disponibles sur YouTube!

 

Ce film, qui reçoit de très bonnes critiques — le Wall Street Journal parle d'images « saisissantes » alors que le New Republic y voit « le seul film signifiant à avoir été produit [aux États-Unis] depuis longtemps » — connaît toutefois un succès mitigé au box-office. Le personnage du guerrier, qui doit incarner un chef Blackfoot de l’Alberta, aurait été joué par un journaliste de la Caroline du Nord de descendance afro-américaine. À l’époque, il est inconcevable qu’un homme de couleur apparaisse à l’écran, ce qui mène a un boycott du film dans certains États américains.

Un Témiscamien au coeur des anecdotes de tournage des productions hollywoodiennes

Bien qu’il ne soit pas acteur, Zéphirin Fleury a tout de même son mot à dire dans plusieurs films. Grâce à son ingéniosité et à ses capacités physiques, il se fait engager comme technicien et cascadeur sur divers plateaux. C’est lui qui conduit l’attelage de chevaux qui doit s’enfoncer dans la glace en traversant le lac. C’est lui aussi qui a l’idée de lancer de la neige à la pelle devant l’hélice d'un avion pour simuler un blizzard. C’est encore lui qui rend la scène de l’homme qui tombe d’une falaise encore plus réaliste en utilisant du ketchup parce que l’équipe de tournage n’a pas de faux sang!

Photo de Zéphirin Fleury et sa femme devant la maison qu'ils ont construite en 1918, telle qu'imprimée dans le livre de Scott Sorensen.

Zéphirin Fleury et sa femme devant la maison qu'ils ont construite en 1918, tel qu'imprimée dans le livre de Scott Sorensen.

Photo : Radio-Canada / Émilie Parent-Bouchard

Lors du tournage du film Indians Before Civilisation, c’est Zéphirin Fleury qui s'occupe de construire les cages qui servent à contenir les 25 ours, 15 chevreuils et 2 cougars mis en vedette dans le film. Le seul animal qu’il ne réussit pas à enfermer est un vieil orignal surnommé Big Bill, qu'on finit par conserver autour du plateau en l’attirant avec de la nourriture. Finalement abattu à la lance durant le tournage, Big Bill tombe sur l’acteur qui a pris soin de rédiger son testament avant de tourner cette scène dangereuse… Heureusement, le comédien survit à l'incident!

Zéphirin Fleury se lie aussi d'amitié avec deux petits Ojibwés dont les parents font partie des 280 figurants amérindiens qui participent au film. Les deux petits garçons, qui ne parlent ni français ni anglais, trouvent deux petits chiots qui proviennent de la portée de son chien, chiots dont Fleury leur fait cadeau. Quelques minutes plus tard, il est scandalisé de les retrouver près du feu, en train de les apprêter pour souper. Après moult discussions diplomatiques, Fleury comprend que les deux enfants n'ont jamais voulu d'animaux de compagnie, mais bien d'un repas!

Quand Zéphirin Fleury veut amener quelques membres de l’équipe de tournage à la pêche sur la glace, l’un d’eux, qui trouve trop difficile de percer les trous dans le lac gelé, a la brillante d’utiliser un bâton de dynamite des effets spéciaux pour arriver à ses fins. Il ne pense cependant pas que Blackie, le chien de Zéphirin Fleury, sera excité à l’idée de rapporter le beau bâton rouge qui vient d’être lancé. Plus de peur que de mal finalement : une loche détourne l’attention du chien et c’est la cabane à pêche de Zéphirin Fleury qui explose!

La toponymie des Topping

Alors que Fred Arnott a de la difficulté à attirer les producteurs de cinéma en raison de la grande dépression des années 1930, il décide d’ouvrir un camp d’été pour les enfants des gens plus nantis. Un des fils Topping qui séjourne au camp apprécie tellement l’endroit qu'il demande à sa mère de l’acheter. C’est ainsi que Rhea Topping investit 5000 $ pour acheter le camp pour ses deux fils Bob et Dan. Ce dernier est d’ailleurs copropriétaire de l’équipe de baseball des Yankees de New York de 1945 à 1965. Sous son règne, les vedettes et personnalités connues s'y succèdent, ajoutant au caractère mythique de ce morceau du Témiscamingue.

Pour plus de détails, consultez le livre de Scott Sorensen Chroniques de la rivière Kipawa - Aventures en forêt boréale, d'abord paru en anglais en 1999.

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