DOCU. Léone Vaitanoa raconte l'histoire de Wallis-et-Futuna à travers l'évolution de ses moyens de transports

Léone Vaitanoa est le témoin de l'évolution des îles de Wallis-et-Futuna. Quand il nait en 1977, les véhicules à moteur sont quasi inexistants sur le territoire, quelques décennies plus tard, ils sont omniprésents au point d'avoir bouleversé les modes de vie. Léone a soigneusement documenté cette mutation et son impact sur l'environnement. Un travail nécessaire pour ne pas oublier ses racines et éveiller les consciences des nouvelles générations.

Quand Léone était enfant, tout le monde se déplaçait encore à cheval à Wallis-et-Futuna. Le premier cheval est apporté par des missionnaires. C'était un cadeau offert aux habitants pour avoir bien implanté la religion catholique au détriment du protestantisme. À partir de là, le cheval fait son entrée dans la vie des Wallisiens.

Course de chevaux sur la plage à Wallis

Moi, j'avais mon propre cheval qui s'appelait Fanfance. C'était mon fidèle compagnon. Les chevaux servaient pour les tâches quotidiennes, notamment dans les travaux au sein des plantations. Pour aller aux champs à l'époque, je montais mon cheval et en guise de selle, je coupais une centaine de feuilles de bananiers pour pouvoir être à l'aise sur le dos du cheval. Le petit inconvénient, c'était qu'il fallait serrer les cuisses pour rester sur le dos du cheval parce que les feuilles de bananiers étaient glissantes. C'était la selle wallisienne. 

Léone Vaitanoa

À l'époque, Léone participe même à des courses de chevaux en bord de mer lors des festivités du 14 juillet. C'était un évènement à ne surtout pas rater. Il y avait aussi des courses de vélos et de pirogues traditionnelles.

Course de pirogues Wallisiennes

Les pirogues avant les bateaux à moteur et la surpêche 

Les familles possédaient des pirogues creusées dans des troncs d'arbres, c'était un moyen de transport assez courant. Les pirogues ont finalement été remplacées par des bateaux à moteur. La pêche s'est éloignée des côtes, alors qu'auparavant les Wallisiens pratiquaient la pêche côtière traditionnelle. Cette nouvelle forme de pêche, ainsi que le réchauffement climatique ont eu pour conséquences  l'appauvrissement du lagon et le blanchissement des coraux. 

Famille de Léone Vaitanoa devant leur voiture Toyota bleue

L'arrivée des véhicules à moteur

Quant Léone était petit, il était très rare de voir des véhicules à Wallis, les axes routiers permettaient de se rendre à l'aéroport, aux différentes administrations et au palais royal. L'accès aux villages se faisait par de petits sentiers. Il y avait quatre ou cinq voiture sur l'île : celle du préfet, des religieux et du sénateur. Quand il y avait un évènement quelque part, les véhicules administratifs étaient réquisitionnés pour transporter les habitants. 

La toute première voiture de particulier de l'île fût celle de son grand-père. Le dimanche, les enfants avaient le droit d’aller faire un tour dans la Toyota bleue, entassés et heureux de partir en expédition et de déposer les cousins à l'internat. 

Wallisiens sur un scooter

La Vespa est arrivée sur l'île dans les années 1980. C'était vraiment le véhicule adapté à l'époque et aux petits chemins de Wallis. Ce scooter va littéralement prendre la place du cheval dans le foyer wallisien : il pouvait embarquer des régimes de bananes et des sacs de cocos. Le cheval disparait du paysage local sur une île qui comptait presque 1000 chevaux il y a 30 ans.

Gare parisienne

Le choc de la découverte des transports métropolitains 

La première fois que Léone Vaitanoa prend l'avion pour sortir de son île, c'est à l'occasion d'un voyage découverte à Lourdes. À 16 ans, il découvre avec étonnement, l'avion, le métro, les trains.

Marqué par son séjour en France, Léone décide quelques années plus tard d'y poursuivre ses études universitaires en journalisme. Il part en famille à Bordeaux pendant trois ans. 

Jeunes Wallisiens assis à l'arrière d'un 4x4 avec un cochon

Les années 2000, l'apogée des véhicules tout-terrain

À son retour à Wallis, l'île s'est encore métamorphosée avec l'arrivée massive des véhicules tout-terrain. Dans les années 2000, le 4x4 s'est démocratisé. Les routes n'étant pas toutes goudronnées, il permet d'accéder aux plantations et le transport des charges lourdes. Aujourd'hui, le scooter est principalement utilisé par les jeunes. Les dimanches, ils font même des courses. Avant les années 2000, il n'y avait pas vraiment de concessionnaires automobile, aujourd'hui il y en a 7 sur l'île pour seulement 11000 habitants. La société wallisienne est aujourd'hui devenu une société de consommation. 

On importe tout, on exporte rien. On achète des voitures ici, presque comme si on achetait du pain.

Léone Vaitanoa

 Aujourd'hui, il a trop de voitures sur l'île, et une fois hors d'usage, elles atterrissent dans des cimetières de voitures, sans trop savoir quoi faire de toutes ces carcasses. Elles sont source de pollution pour toute l'île et sa nappe phréatique. Léone s'inquiète de cette évolution et de la pertes de ses racines. 

Carcasses de voitures à Wallis

Aujourd’hui passionné de photos et photographe autodidacte, Léone documente l’histoire des moyens de transports, du cheval à la voiture en passant par la Vespa. Une histoire de son île à travers les changements technologiques des moyens de locomotion sur l’île,  qui ont bouleversé les pratiques et le quotidien des wallisiens ces 50 dernières années, non sans conséquences sur l’environnement et les générations futures. 

Écriture et réalisation Martin Coursier
Production Bonne Compagnie
Durée 13 min - 2022

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