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Comptes rendus d’ouvrages / L’anthropologie 112 (2008) 502–508 503 rapprochent de l’Homme de Lantian en Chine du Nord, province de Shaanxi, d’autres du Pithécanthrope de Java (Sangiran 17) et d’autres encore de l’Homme moderne. Le premier crâne Yunxian 1 (n EV 9001) a été découvert au cours d’un sondage à 40 cm sous la surface du sol actuel en mai 1989 ; le second crâne, Yunxian 11 (n EV 9002) a été mis au jour, au cours d’une fouille, à 75 cm de profondeur, le 15 juin 1997. Tous les deux reposaient sur leur base au milieu d’un amoncellement d’ossements de grands mammifères et d’outils lithiques. Ils paraissent avoir été transportés par flottaison sur la rivière Han lors d’une période d’inondation et déposés, avec de nombreuses carcasses de grands mammifères, en milieu calme, dans un méandre de la rivière Han. Ils ont été ensuite rapidement recouverts par des limons sabloargileux et progressivement enfouis sous plus de 5 m de sédiments. Ils ont alors été soumis à de fortes compressions en milieu hydromorphe où ils ont subi d’importantes déformations plastiques, des fractures, des craquelures qui donnent à la surface externe de l’os et des dents un aspect en mosaïque de petits fragments à coins irréguliers. Les deux crânes de l’Homme de Yunxian découverts en 1989 et 1990 dans des dépôts de polarité géomagnétique inverse, se placeraient entre la limite Brunhes-Matuyama au-dessus et l’épisode de Jaramillo au-dessous et auraient donc un âge compris entre 780 000 et 984 000 ans (entre 830 000 et 870 000 ans selon Yan Guilin, 1993). Cette importante étude est une monographie complète et l’outil de référence indispensable à toute bibliothèque de laboratoire de recherche, de musée ou d’établissement patrimonial ; c’est également un outil de référence pour un préhistorien voulant comprendre la complexité d’un site préhistorique chinois situé dans la zone proche du Fleuve Bleu (Changjiang). Le volume est riche en tableaux présentant les processus d’analyse, de même que l’iconographie a permis de mettre en lumière l’importance des pièces étudiées, crânes, faune, industrie lithique. Une abondante bibliographie fait également le point sur la succession des recherches entreprises par les équipes chinoises et étrangères. Christophe Comentale Disponible sur Internet le 23 mai 2008 0003-5521/$ – see front matter # 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.anthro.2008.04.010 ANATI Emmanuel, 2003 : Aux origines de l’art. Traduit de l’italien par Jerôme Nicolas. Préface de Yves Coppens. Paris, Fayard, 507 p., fig., ill. N & B et couleur, bibliogr. pp. 463–494, glossaire, index, credits illustrations. ISBN 2 213 616632 9 Emmanuel Anati est l’un des rares spécialistes de l’art rupestre à posséder une vision globale du matériel de sa discipline. En effet, il coordonne depuis les années 1980 le « Projet WARA » (World Archives of rock Art), initié par l’Unesco et destiné à « la constitution d’une banque de données mondiales de l’art préhistorique et tribal, dans le but d’une analyse globale et comparée ».1 Il a, à ce jour, réuni une documentation sur plus de 850 zones d’art rupestre, répartis dans environ 70 000 sites, sur les roches à l’air libre et dans les grottes de 160 pays, ainsi que sur 1 http://www.archivesaudiovisuelles.fr/167/introduction.asp?id=167. 504 Comptes rendus d’ouvrages / L’anthropologie 112 (2008) 502–508 500 000 vestiges mobiliers. De cette formidable base de données, dont il fait remonter les plus anciennes à 50 000 ans, il cherche à faire la synthèse, pour en dégager des « caractéristiques universelles » (p. 26). Le but de ce livre est donc d’entraîner son lecteur « dans un voyage d’exploration du monde conceptuel et esthétique de l’homme sur une période de 50 000 ans » (p. 458). Il souhaite l’amener à une vision globale du langage visuel, du « phénomène » art, de ses fonctions psychologiques et sociales, de ses raisons d’être (p. 44). L’idée sous-jacente, qu’il développera tout au long du livre, est que cet art constitue une « proto-écriture », qu’il serait possible de déchiffrer pourvu qu’on en retrouve la clef, cachée parmi des « constantes logiques primordiales » (p. 96) issues d’une « matrice contextuelle unique » (p. 108). Le premier chapitre (p. 20) est consacré à des considérations historiques et géographiques sur « l’art des origines ». Il est possible, selon Emmanuel Anati, de déceler trois points communs à l’échelle mondiale : 1) l’art rupestre se développe à l’écart des grandes zones de concentration de populations ; 2) il est considéré, par ses auteurs, comme un élément essentiel de la vie quotidienne et joue pour eux un rôle vital ; 3) le choix du lieu est fonction du lieu (isolé), de la proximité de sources ou de cours d’eau, et du paysage (endroits remarquables, en hauteur ou bénéficiant d’une insolation exceptionnelle, etc.). Ce « modèle comportemental récurrent » (p. 37) est dû, d’après Emmanuel Anati, à une origine commune de l’art. Il enchaîne ensuite par l’inventaire des différentes théories sur la naissance de l’art et les problèmes de documentation. Dans le chapitre 2 (p. 66), il approfondit la question des origines. Pour lui, rien ne prouve que l’art soit apparu chez des Hominidés antérieurs à l’Homo sapiens. Il fait l’inventaire critique des rares éléments dont nous disposons aujourd’hui (la symétrie des bifaces, la statuette de Berekhat Ram, le fragment de Quneitra, Blombos. . . ). Il ne s’agit selon lui que de manifestations conceptuelles, et non pas d’art. Celui-ci serait donc apparu avec Homo sapiens. Dans une population restreinte, qui se serait ensuite dispersée à travers le monde. S’il en est ainsi, d’après Emmanuel Anati, puisque la génétique nous ramène à une population unique, la linguistique à une langue-mère, « on peut donc penser que l’art visuel a eu lui aussi un noyau primordial » (p. 89). Il expose ensuite sa classification, évolutionniste, déjà présentée ailleurs, et contestée par d’autres spécialistes, des cinq catégories fondamentales de l’art rupestre, « dont chacune reflète la mentalité d’un type de culture spécifique » (p. 103) : les chasseurs archaïques, les cueilleurs archaïques, les chasseurs évolués, les pasteurs et éleveurs, enfin les populations économie complexe. Ces catégories, il semble d’après lui, assez aisé de les différencier, grâce à des « fossiles-guides », qui « reflètent des composantes fondamentales de la mentalité et de la psychologie de leurs exécutants. Il est même parfois possible de définir de manière beaucoup plus précise la typologie économique et sociale de la population qui les a produites à partir des indicateurs fondamentaux que sont le style iconographique, la thématique du répertoire et le type d’association entre les figures » (ibidem). Pour caricaturer, je dessine un personnage avec un arc et des flèches, je suis donc « un chasseur évolué ». Cet essai d’« histoire totale » (p. 114) va fournir à Emmanuel Anati une grille de lecture pour établir dans le chapitre 3 (p. 126) un panorama de l’art préhistorique et tribal dans le monde. Ce long chapitre (187 pages !) est destiné, par l’accumulation des exemples, à donner plus de poids à la suite de son argumentation. Le chapitre 4 (p. 314) fournit quelques outils supplémentaires sur le contexte, la localisation sur le support, les thèmes fondamentaux (sexe, nourriture, territoire), les paradigmes des œuvres d’art rupestre, qui varieront suivant les cinq catégories fondamentales. Comptes rendus d’ouvrages / L’anthropologie 112 (2008) 502–508 505 Emmanuel Anati les voit essentiellement comme des monèmes (au sens linguistique) ou morphèmes (suivant la terminologie de Marcel Otte). Le chapitre 5 (p. 340) expose leur articulation : des « constantes associatives » entre des catégories « grammaticales » que sont les pictogrammes (les quatre principaux étant les anthropomorphes, les zoomorphes, les structures et les objets), les idéogrammes (principalement anatomiques, conceptuels et numériques) et les psychogrammes, ou vecteurs de sensations, qui sont de « violentes décharges d’énergie, des expressions de sentiments, de désirs et d’autres sensations » (p. 360). Emmanuel Anati réalise, à partir de ces trois « signes », de véritables « analyses grammaticales », à partir desquelles il élabore des « analyses syntaxiques », comme pour la Scène du Puits de Lascaux (p. 364). Pour lui, il s’agit d’une grammaire et d’une syntaxe primordiales (p. 366), une « clef de lecture de l’idéologie et de la conceptualité des premiers artistes en nous révélant des caractéristiques de leur structure mentale » (p. 375). Emmanuel Anati poursuit ensuite son argumentation, à la recherche d’invariants syntaxiques (sens dualiste de la vie et de la mort, valeur binaire de l’animal, le binôme masculine–féminin, la vision cosmologique). Dans le chapitre 6 (p. 386), en guise de bilan, l’auteur essaie d’élaborer une typologie qui se rapporte aux cinq types d’art définis précédemment et rattachés à un type d’organisation sociale. Il recherche comment ces cinq types abordent les trois concepts que sont « le passé récent », le « passé ancien » et la « mémoire biologique » ou « mémoire primordiale ». Toujours avec cette idée d’une racine unique. Mythes des origines, du déluge primordial, des frères rivaux, de l’origine de la nature, de l’immortalité, de l’altérité. . . L’art rupestre témoigne et explique, pour Emmanuel Anati, des mythes fondamentaux communs à toute l’humanité depuis 50 000 ans, avec des nuances et des contraintes locales ou « vernaculaires », toujours suivant les cinq types. En conclusion (p. 455), toutes ces constantes structurelles lui semblent annoncer l’écriture. Bien sûr, il ne nie pas les différenciations culturelles, qui pour lui sont plutôt apparues au Néolithique. « Les différentes formes d’art conservent d’innombrables dénominateurs communs. Le langage universel des origines existe encore en nous et nous pouvons le réactiver une fois que nous en avons trouvé la clef. Il est fondé sur une logique primordiale, antérieure aux clivages et aux spécialisations linguistiques. En théorie, il devrait être compréhensible dans toutes les langues, car contenu dans chacune » (p. 456). Emmanuel Anati a patiemment construit son propre système d’analyse de l’art rupestre mondial. Sa vision synthétique (simplificatrice, disent ses détracteurs) a accouché d’un modèle séduisant, à visée globale. C’est peut-être là son point faible. La belle utopie d’un langage commun à cet art, dont nous aurions en nous la clef, est certes l’idéal auquel tendent tous les spécialistes de l’art rupestre. Emmanuel Anati fait ici figure de précurseur téméraire et audacieux. Certains concepts, comme les psychogrammes, resteront à mon avis, d’une grande efficacité. Ils permettent de décrire et d’expliciter certains graphismes qui ne sont ni des figures, ni des signes. Pour le reste, il faut y voir une magistrale construction intellectuelle, qui a l’audace de défricher des chemins encore jamais empruntés. À chacun d’y trouver de quoi aller plus loin. Romain Pigeaud Disponible sur Internet le 13 mai 2008 0003-5521/$ – see front matter # 2008 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.anthro.2008.04.003