Les d�bats tenus avant et durant la campagne de l'�lection pr�sidentielle de 2022 n'ont pas �t� tendres avec l'�olien. Plusieurs candidats ont m�me port� l'id�e d'un moratoire sur la fili�re. Marine Le Pen, pour le Rassemblement national, a qualifi� le bilan environnemental de la technologie d'��aberration �cologique��. La r�alit� ne va �videmment pas dans ce sens.

Selon les travaux de l'Agence de la transition �cologique (Ademe), le bilan carbone en analyse du cycle de vie d'une �olienne terrestre, en fonctionnement durant vingt ans, se situe en moyenne entre 12,7 et 14,1 grammes d'�quivalent CO₂ par kilowattheure produit (gCO₂e/kWh). C�t� maritime, le bilan carbone de l'�olien offshore pos�, lui, se situe plut�t aux alentours de 14,8 � 15,6 gCO₂e/kWh. Quant � l'�olien flottant, les premi�res donn�es, pr�sent�es par la Commission nationale du d�bat public (CNDP), tendent davantage vers 42 gCO₂e/kWh pour une �olienne pilote, avec une estimation de 19,5 � 22,5 gCO₂e/kWh une fois la fili�re industrialis�e.

L'essentiel des �missions comptabilis�es provient de la fabrication et du transport, d'une part, et du d�mant�lement, d'autre part. Ce � quoi s'ajoutent les d�placements de maintenance en mer, pour la fili�re offshore. � titre de comparaison, c'est davantage que l'�nergie nucl�aire (6�gCO₂e/kWh), mais moins que le photovolta�que (43,9 gCO₂e/kWh), le gaz naturel (243�gCO₂e/kWh) ou le charbon (1 060 gCO₂e/kWh). Malgr� tout, l'�olien peut encore am�liorer son bilan sur deux aspects�: la fabrication et la fin de vie.

S'�manciper des terres rares

S'agissant de la fabrication, l'enjeu majeur demeure l'extraction des terres rares, ces m�taux �lectromagn�tiques qui composent les aimants permanents des �oliennes. L'impact de ce processus, qui demande l'utilisation de produits chimiques et d'une grande quantit� d'eau, est loin d'�tre neutre pour l'environnement. Par ailleurs, l'approvisionnement de la fili�re en terres rares n'a rien de local�: 90�% proviennent de Chine. Le bilan carbone de l'acheminement par bateaux de ces m�taux jusqu'en Europe n'a, lui non plus, rien de neutre.

“ Notre technologie repose sur une architecture � flux axial, ce qui rend possible l'utilisation d'aimants sans terres rares
 ” Andrew Hine, GreenSpur Wind

Mais deux entreprises, l'une britannique, l'autre am�ricaine, sont r�cemment parvenues � r�duire ce besoin. Le 28 juillet 2022, GreenSpur Wind, outre-Manche, et Niron Magnetics, outre-Atlantique, ont confirm� la mise au point d'un g�n�rateur sans terres rares (o� la ferrite remplace totalement le n�odyme, terre rare pr�dominante) pour une �olienne en mer pos�e de 15�m�gawatts (MW). ��Les turbines existantes comportent des g�n�rateurs � flux radial, tandis que notre technologie repose sur une architecture � flux axial, ce qui rend possible l'utilisation d'aimants sans terres rares��, explique Andrew Hine, directeur commercial chez GreenSpur Wind. Autre d�tail important de cette innovation�: le poids de ce nouveau g�n�rateur reste similaire � celui des machines traditionnelles actuellement sur le march� et ne devrait donc pas entra�ner de co�ts suppl�mentaires, comme l'aurait fait la construction d'un support renforc�.

Plus de bois, moins de b�ton�?

S'agissant justement du support, remplacer leur structure en ciment et en acier est �galement un moyen de r�duire l'empreinte carbone des �oliennes. Innovent, une soci�t� fran�aise bas�e � Villeneuve-d'Ascq (Nord), mise sur une structure hybride s'appuyant sur une base en bois d'un peu moins de 50 m�tres de haut (pour un m�t de 150 m�tres au total). Avec ce design, l'entreprise affirme avoir �conomis� 131 tonnes d'acier, soit un tiers du total habituel, et divis� par huit la quantit� de b�ton utilis�e pour les fondations. Cette �conomie lors de la fabrication assure � leur �olienne hybride de 2 MW une division par deux de son empreinte carbone�: passant d'une �mission de 816 tonnes d'�quivalent CO₂ � 359 tonnes. Cependant, � l'heure actuelle, ce mod�le ne s'est pas encore d�mocratis�. Innovent n'a encore install� que trois de ses �oliennes hybrides, mises en service en mars 2021 au sein du parc d'Essey-les-Ponts (Haute-Marne).

Une nouvelle �tape franchie dans le recyclage

L'autre point sur lequel l'�olien peut encore am�liorer son bilan environnemental reste la fin de vie. La vague de ��repowering�� des parcs �oliens en fin de contrat (convenu sur quinze ans) soul�ve la question et, avec elle, celle du recyclage ou du r�emploi des m�ts d�mantel�s. Pour assurer la circularit� du processus, l'�tat a ainsi fix� des objectifs contraignants, par le biais de la Programmation pluriannuelle de l'�nergie (PPE). � compter du 1^er janvier 2024, 95�% de la masse totale d'une �olienne, fondations incluses, devront �tre r�utilisables ou recyclables.

Dans cette optique, l'Institut de recherche technologique Jules-Verne (IRT Jules-Verne) a lanc�, en septembre 2020, le projet Zebra (pour ��zero waste blade research��). Financ� dans le cadre du Programme d'investissements d'avenir (PIA), il se consacre au d�veloppement d'une p�le enti�rement recyclable. Le 17 mars 2022, le consortium d'entreprises constitu� autour de l'IRT Jules-Verne a annonc� la sortie de l'usine espagnole LM Wind Power d'un prototype � l'�chelle, soit 62 m�tres de long. Celui-ci a �t� fabriqu� � partir d'une r�sine thermoplastique, rempla�ant les mat�riaux thermodurcissables conventionnels. Cette matrice polym�re a la propri�t� d'�tre dissociable de la fibre de verre et r�cup�rable par dissolution, gr�ce � un solvant chimique sp�cial. Une fois industrialis�, un tel proc�d� �viterait l'enfouissement des p�les aux fibres de verre ins�parables.

Cette perspective a par ailleurs attir� l'attention d'une soci�t� priv�e, Siemens Gamesa. L'entreprise germano-espagnole, dont une usine de p�les et de nacelles d'�oliennes en mer s'est install�e dans le port du Havre, en mars 2022, est �galement parvenue � mettre au point une r�sine similaire. Six p�les en auraient m�me d�j� b�n�fici�.