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Le caporal de la liberté

Par JEAN-FRANCOIS RAUGER

Publié le 07 février 1999 à 00h00, modifié le 07 février 1999 à 00h00

Temps de Lecture 1 min.

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LORSQUE Le Caporal épinglé sort à Paris en mai 1962, tout le monde (ou presque) compare le film à La Grande Illusion, encouragé sans doute par les propos de Renoir lui-même. Celui-ci voyait, en effet, dans le projet une nouvelle variation du film de 1937 et avait travaillé avec le même scénariste, Charles Spaack, à l'adaptation du roman de Jacques Perret, avant d'abandonner, pour divergences profondes, toute idée de collaboration. La comparaison, à l'exception de quelques articles lucides, tournait immanquablement à l'avantage de La Grande Illusion et Le Caporal épinglé est toujours considéré aujourd'hui par le lieu commun comme une pâle copie, une redite inutile, quand il n'est pas, catalogué comme un produit sénile du comique troupier à la française.

Les piteux vaincus de 1940, envoyés dans les stalags allemands, ont ici remplacé les prisonniers de guerre, figures chevaleresques de 14-18. Mais bien loin de ressasser les idées du film initial, Renoir, comme ces artistes qui reprennent et retravaillent les mêmes motifs, en a cherché une représentation plus parfaite et surtout plus vraie. A travers le portrait d'une poignée de trouffions (interprétés par les inconnus d'alors qu'étaient Jean-Pierre Cassel, Claude Brasseur ou Claude Rich) obsédés par l'idée de l'évasion, le cinéaste s'interroge sur la notion de liberté. Comme le démontre sa correspondance publiée récemment, Renoir avait, avec l'âge, perdu ses illusions sur les grandes solutions collectives. A la logique solidaire des groupes, des classes sociales ou des nationalités, s'est substitué celle des individus en quête d'une morale pour leur liberté. Plongés dans la contrainte la plus concrète, les hommes sont rendus à une existence strictement matérielle. Les héros du film se trouvent confrontés aux choix simples et définitifs de la liberté ou de l'esclavage. Renvoyant au paradoxe sartrien selon lequel les Français n'auraient jamais été aussi libres que pendant l'Occupation, le film considère que, dans certaines circonstances, les alternatives les plus simples sont des engagements radicaux.

Renoir ne fera plus qu'un film, Le Petit Théâtre de Jean Renoir, après celui-là. Le Caporal épinglé rejoint les oeuvres crépusculaires des grands cinéastes classiques (Ford, Walsh, Chaplin) par sa capacité foudroyante à atteindre l'essentiel derrière la simplicité de sa mise en scène. Lorsque Ballochet (Claude Rich) préparant théâtralement sa sortie (en fait son suicide) déclare « J'ai un plan, le meilleur de tous. Celui qui consiste à ne pas en avoir », il énonce la morale souveraine et libre du cinéaste lui-même.

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