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"Il Prigioniero", un opéra coup de poing contre le fascisme

Au Palais Garnier, un rare manifeste de l'Italien Luigi Dallapiccola.

Par Marie-Aude Roux

Publié le 16 avril 2008 à 17h31, modifié le 16 avril 2008 à 17h31

Temps de Lecture 2 min.

Rude et bouleversante soirée, ce 10 avril au Palais Garnier, avec la nouvelle production d'Il Prigioniero ("Le prisonnier"), opéra rare du compositeur italien Luigi Dallapiccola (1904-1975), qui n'avait pas été remonté à l'Opéra de Paris depuis sa création parisienne, il y a tout juste quarante ans, sous la direction de Manuel Rosenthal. Les Parisiens avaient toutefois pu le voir en 1992 au Théâtre du Châtelet dans la mise en scène de Bernard Sobel sous la direction d'Esa-Pekka Salonen.

Inspiré d'un des Seconds contes cruels de Villiers de L'Isle-Adam (La Torture par l'espérance), cet opéra coup de poing (en un prologue et un acte) relate la dernière nuit d'un condamné à mort, dont la passion sans rédemption - ultime torture infligée par son geôlier - s'appelle l'espérance.

Manifeste pour la liberté et profession de foi antifasciste, la charge d'Il Prigioniero est d'autant plus intense que Dallapiccola fut un temps séduit par Mussolini avant que celui-ci ne révèle ses visées antisémites.

VIBRANT PLAIDOYER

Si l'oeuvre se situe dans une mouvance sérielle dodécaphonique (technique de composition qui utilise des séries musicales de douze sons) proche de l'Ecole de Vienne de Schoenberg, dont Dallapiccola avait découvert le Pierrot lunaire à 20 ans, son lyrisme est bien celui d'un style italien rompu aux exigences de la voix et de l'expressivité.

La direction puissante de l'Allemand Lothar Zagrosek, qui n'avait pas dirigé l'Orchestre de l'Opéra de Paris depuis qu'il en avait été le directeur musical de 1986 à 1989, sert à point nommé cette oeuvre magistrale. Quant à la mise en scène de Lluis Pasqual, elle témoigne de profondes affinités électives, l'ex-directeur de l'Odéon (1990-1996) ayant grandi dans l'Espagne franquiste et fondé en 1976 un théâtre nommé Liberté (Lliure) à Barcelone. Idem pour les décors de l'Espagnol Paco Azorin (une tour-prison de barres métalliques, encerclée d'une volée d'escaliers et montée sur tournette), les lumières bleue glacier sur fond d'étoiles d'Albert Faura.

La jeunesse ardente du baryton russe Evgeny Nikitin (rôle-titre) se fracassera donc contre la puissance féline du ténor américain Chris Merritt dans le double rôle du geôlier et de l'inquisiteur, tandis que la mezzo britannique Rosalind Plowright est une mère digne de Marie.

Une bonne idée ne venant jamais seule, le directeur de l'Opéra de Paris, Gérard Mortier, a préfacé la soirée avec la grinçante Ode à Napoléon pour récitant, quatuor à cordes et piano, écrite en 1942 par l'Autrichien Arnold Schoenberg, après qu'il eut fui le nazisme. Ce vibrant plaidoyer de Lord Byron contre l'oppresseur est défendu par l'Américain Dale Duesing, diseur impénitent passant du boa, guêpière, perruque et bas résilles de chanteuse de cabaret au pyjama rayé du déporté juif avec un naturel qui fait froid dans le dos.


"Il Prigioniero", de Luigi Dallapiccola. Avec Rosalind Plowright, Evgeny Nikitin, Chris Merritt, Lluis Pasqual (mise en scène), Isidre Prunés (costumes), Paco Azorin (décors), Albert Faura (éclairages), Choeur et Orchestre de l'Opéra national de Paris, Lothar Zagrosek (direction).
Palais Garnier, place de l'Opéra, Paris-2e. M° Opéra. Le 10 avril. Prochaines représentations les 17, 21, 29 avril et 6 mai à 20 heures. De 7 € à 130 €. Tél. : 08-92-89-90-90. Sur Internet : www.operadeparis.fr.

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