L’avis du « Monde » - à voir
Honnête artisan de l’industrie hollywoodienne (Walk the Line, 3 h 10 pour Yuma…), le réalisateur James Mangold passe avec Le Mans 66 à l’élégie franche du turbo, à l’ode au bolide de course, à la passion virile des carlingues rutilantes, des formes fuselées, de la nicotine et de la sensation forte. Le tout sans trucage, dans une conception réaliste du spectaculaire, à l’ancienne. Autant appeler son film, d’autant moins désagréable à voir, un chant du cygne d’une civilisation occidentale insoucieuse et pétroleuse, à l’heure où il faut remiser toute la panoplie au rang des accessoires sous peine de terminer grillés comme des saucisses de barbecue.
Incarnant cette époque avec un charme souverainement désinvolte et charmeur, Steve McQueen s’était déjà prêté, en direct, à la célébration de ces valeurs dans Le Mans, de Lee H. Katzin, film chaotique et accidenté tourné en 1970 sur la piste des 24 Heures, dans lequel l’ivresse des prises de vues l’emportait sur la fable. Cinquante ans plus tard, Mangold rétablit la balance.
On trouve ainsi dans son film de quoi sustenter les amateurs de sensations de forte cylindrée, avec rugissements de moteur poussés à bloc, engins d’enfer, caméras embarquées dans les bolides, prises de vues au ras du bitume, coups tordus, branle-bas électrique des stands, endurance des hommes et des machines, adrénaline de la course et des duels à mort qui s’y livrent.
Tandem heurté à la bureaucratie
D’un autre côté, une intrigue non moins testostéronée, interprétée par d’excellents acteurs, qui oppose un couple de passionnés de course automobile aux caciques de l’entreprise Ford qui les a engagés pour faire triompher la marque, au Mans, en 1966. En effet, désireux d’étendre son emprise en renouvelant son image, le potentat de la firme, Henry Ford II (Tracy Letts), décide d’investir dans la course automobile. Après avoir voulu s’associer avec Ferrari, en difficulté, et s’être fait tancer par l’aristocrate Enzo Ferrari, Ford II décide de lancer ses propres voitures de course et de faire mordre la poussière à l’Italien au Mans. La firme fait appel alors à Carroll Shelby (Matt Damon), ex-pilote de guerre, ex-pilote de course, vainqueur du Mans en 1959, mais converti pour raison de santé au tuning compétitif de voitures de série.
On trouve de quoi sustenter les amateurs de sensations de forte cylindrée, avec caméras embarquées
Shelby, concepteur de monstres véloces, convainc à son tour Ken Miles (Christian Bale), coureur anglais au tempérament revêche et singulier, génie pur et dur de la conduite et de la mécanique. Le tandem fait des étincelles, mais se heurte en permanence à la bureaucratie et aux plans marketing de Ford, incarnés en la personne d’un haut cadre de l’entreprise tordu à souhait (Jon Bernthal). Cette lutte va conditionner la dramaturgie du film, dont l’apothéose a lieu sur la piste du Mans, face à l’équipe Ferrari piquée au vif. Vainqueur au terme d’une lutte homérique, Miles est toutefois contraint par son écurie d’attendre les deux autres Ford qui le suivent pour que les photographes saisissent le franchissement collectif de la ligne, portant le triomphe de Ford sur Ferrari. Mais la manœuvre, au nom d’une règle technique obscure, lui coûte la première place. Ce sera le début de la fin.
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