CINÉ+ PREMIER – JEUDI 16 MAI À 20 H 50 – FILM
Spike Lee a sorti le lasso pour capturer le racisme blanc, dans un thriller aussi haletant que jubilatoire : BlacKkKlansman – J’ai infiltré le Ku Klux Klan (titre français), Grand Prix lors de la 71e édition du Festival de Cannes, en 2018.
Spike Lee tenait dans ses mains un scénario en or, que lui avait confié le producteur et réalisateur Jordan Peele : l’histoire vraie de Ron Stallworth, un policier afro-américain de Colorado Springs qui a réussi, en 1978, à infiltrer le Ku Klux Klan. Le réalisateur de Do the Right Thing (1989) fait plus qu’adapter cette histoire stupéfiante : il relie ces années de lutte des Noirs américains à l’actualité du moment, celle de l’Amérique de Donald Trump et du mouvement Black Lives Matter.
Il malaxe la fiction, le documentaire, et les deux ne font plus qu’un – au prix de collages d’images parfois douloureux sur le plan esthétique. Comme dans Malcolm X (1992), son biopic sur le leader noir américain assassiné en 1965, il affirme l’idée que le cinéma est le mieux à même de montrer le monde. Et qu’il peut être divertissant.
Le parti de la caricature
Car le scénario est source de nombreux quiproquos qui peuvent provoquer la fébrilité comme des explosions de rires. Il est aidé par des comédiens excellant dans tous les registres : Ron Stallworth est incarné par John David Washington, fils de l’acteur et réalisateur Denzel Washington. Il compose un personnage complexe pour lequel on éprouve une empathie immédiate. En plus de la pression du métier, il doit résister à celle qu’exercent sur lui quelques collègues ouvertement racistes.
Son art du bluff sera l’arme secrète de Ron Stallworth. Sa hiérarchie le comprend très vite lorsqu’elle l’envoie dans un meeting de l’ex-dirigeant des Black Panthers, Stokely Carmichael (devenu Kwame Ture), afin qu’il évalue la menace que représente le mouvement radical de libération des Noirs – lequel revendiquait la lutte armée pour répondre aux violences commises par les Blancs.
La machine de l’apprenti sorcier se met en route par hasard, lorsque Ron lit dans la presse locale que le KKK cherche à recruter. Il faut le voir téléphoner à l’organisation raciste et raconter à son interlocuteur, ravi, qu’il est l’homme de la situation pour éradiquer les Noirs… Mais, évidemment, il lui faut un « double » blanc sur le terrain : ce sera son collègue Flip Zimmerman (Adam Driver) – qui est juif –, tandis que Ron tirera les ficelles à distance. Il va effectivement prouver qu’il est un enquêteur hors pair. Il parviendra même à duper le « grand sorcier » du Ku Klux Klan, David Duke (Topher Grace).
On peut trouver que Spike Lee en fait trop. Que certains gags sont un peu longs. Qu’il n’était peut-être pas nécessaire d’accumuler tant de propos haineux dans la bouche des Blancs racistes. Le cinéaste a sans doute pris le parti de la caricature pour mieux enfoncer le clou.
Mais il la dépasse quand il règle des comptes avec certaines représentations des Afro-Américains au cinéma. Et tout particulièrement avec Naissance d’une nation (1915), de David Wark Griffith. Ce film fondateur fit l’objet de vives controverses en raison de son discours raciste. Son succès avait d’ailleurs permis au Ku Klux Klan de se relancer, après avoir été officiellement interdit.
BlacKkKlansman, film de Spike Lee. Avec John David Washington, Adam Driver, Topher Grace (EU, 2018, 135 min).
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