Cette fois, c’est bel et bien fait. Orange a finalement réussi à trouver un nouveau partenaire pour Dailymotion. Le conseil d’administration de l’opérateur, réuni pour l’occasion mardi 7 avril dans l’après-midi, a approuvé la cession de la plate-forme de vidéos au groupe de média Vivendi. Ce dernier reprend 80 % du capital de l’entreprise, pour 217 millions d’euros. Ce qui valorise la start-up 265 millions d’euros.
L’opération annoncée mardi intervient après de multiples rebondissements et les tentatives de rachat avortées des américains Yahoo! et Microsoft, du hongkongais PCCW, et même une première fois de Canal+. Des échecs dus en partie à des désaccords stratégiques, mais aussi à l’intervention du politique : au printemps 2013 Arnaud Montebourg, alors ministre du redressement productif, s’était opposé au rachat de la plate-forme par Yahoo!
Le responsable politique souhaitait que Dailymotion demeure sous pavillon européen ou français. Début avril, ce sont les mêmes raisons qui ont poussé Emmanuel Macron, ministre de l’économie, à faire pression pour qu’Orange n’entre pas en négociations exclusives avec PCCW.
Orange va conserver tout de même 20 % du capital de sa filiale. L’opérateur, dont l’Etat est actionnaire à hauteur de 24,9 %, et qui est propriétaire de la plate-forme de vidéos à 100 % depuis janvier 2013, cherchait depuis deux ans à adosser Dailymotion à un groupe international afin de lui permettre de se développer hors de France. Et de devenir un véritable concurrent de YouTube, notamment dans les pays (Asie surtout) où le site, propriété de Google, n’est pas encore totalement hégémonique.
La différence d’audience entre les deux plates-formes donne pour l’instant le vertige : YouTube totalise en effet un milliard de visiteurs uniques par mois, quand Dailymotion n’en compte que 128 millions. « Nous voulons internationaliser Dailymotion, explique Stéphane Roussel, directeur du développement de Vivendi. Nous allons lui donner des signes distinctifs, des contenus qui n’existent pas ailleurs », explique-t-il.
« Une valeur éditoriale supérieure à YouTube »
Pour ce faire, le conglomérat, qui compte en son sein Universal Music et Canal+, entend se servir de ses filiales dans l’industrie culturelle pour doper l’audience de Dailymotion à travers le monde. M. Roussel rappelle, par exemple, qu’un tiers des vidéos visionnés sur des plates-formes comme YouTube ou Dailymotion ont un rapport avec la musique. Domaine dans lequel le groupe a un avantage certain grâce à Universal Music, label qui compte des stars internationales comme Lady Gaga, Lorde ou encore Nicki Minaj.
Idem avec les émissions de télévision ou les films produits par le groupe, qui pourraient se retrouver sur la plate-forme dans des pays où Canal+ est présent comme la Pologne ou le Vietnam. Le site serait, plus généralement, soutenu et promu par les équipes des filiales du groupe de médias dans les 70 pays où il est présent.
« Nous pourrions imaginer des contenus exclusifs avec nos artistes comme Stromae », indique M. Roussel. « Nous voulons avoir une valeur éditoriale supérieure à ce qu’il y a sur YouTube. Pour autant, on ne va pas faire moins avec les autres plates-formes, on va simplement faire plus avec Dailymotion », précise pour sa part Rodolphe Belmer, directeur général de Canal+ et responsable des contenus chez Vivendi.
Une diffusion mondiale des programmes
S’il privilégie pour l’instant le modèle gratuit, le conglomérat imagine aussi la possibilité de lancer, grâce à Dailymotion, des offres de streaming payantes à l’image de Deezer ou de Spotify.
Annoncée opportunément quelques jours avant l’assemblée générale du 17 avril et dans un contexte de tensions entre Vincent Bolloré et l’un de ses actionnaires, l’acquisition de Dailymotion est en phase avec la stratégie de Vivendi, axée sur les contenus : la plate-forme de vidéos va permettre au groupe de diffuser ses programmes et ses artistes sur toute la planète.
L’opération annoncée mardi n’est qu’un début pour Vivendi. Même si le groupe indique « qu’aucun mouvement stratégique ne sera annoncé à court terme », il serait aujourd’hui à l’affût de toutes les opportunités. Pour autant, il dément s’intéresser à Sky TV, « beaucoup trop grand et trop cher », indiquent des proches du dossier.
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