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Madame Wikiwiki, par Francis Marmande

Mme Wikiwiki, Française de souche, préside Wikipédia depuis octobre 2006.

Publié le 31 janvier 2007 à 13h38, modifié le 31 janvier 2007 à 13h38 Temps de Lecture 2 min.

Ce titre dans le journal : "Agronome de formation, cette mère au foyer préside depuis son village du Puy-de-Dôme l'encyclopédie mondiale en ligne Wikipédia." Mme Wikiwiki, Française de souche, préside Wikipédia depuis octobre 2006. Wiki wiki, en hawaïen, signifie "rapide", "informel". Mme Wikiwiki a 38 ans, trois enfants, un mari, un potager. Wikipédia est une encyclopédie mondiale en ligne. La singularité merveilleuse de cette encyclopédie, c'est qu'elle est informée, rédigée, mise au point par ses usagers mêmes, ses petits soldats. Wikipédia est à l'Encyclopédie de Diderot ce que le kiwi est à la truffe.

Petite plongée dans le patois des Wikiwikis : "Un wiki : système de gestion de contenu de site Web qui rend les pages Web librement et également modifiables par tous les visiteurs autorisés. Les wikis sont utilisés pour faciliter l'écriture collaborative de documents avec un minimum de contrainte."

Revient en mémoire un vieux dessin de Chaval. Un bonhomme bancal dans le style de Chaval arbore une jambe gauche deux fois plus longue que le bras qui lui sert d'autre appui ; seconde jambe dressée au milieu du front, nez planté sur le sein, yeux à la Picasso, etc., tout à l'avenant. Simple légende : self-made-man.

Wikipédia, c'est ça, une "self made encyclopedia" : un festival d'erreurs de date, de jugements péremptoires, d'idées reçues, le tout tricoté selon une orthographe très personnelle, très diversifiée, à chacun la sienne. Passons sur les usagers-créateurs (172 millions), la place enviable où s'est hissée Wikipédia. A écouter ses sectateurs, Wikipédia fonctionne comme une "utopie libertaire" - pourquoi se gêner -, selon le bénévolat le plus émouvant : "A peu près 40 000 dollars de dons sont versés spontanément chaque semaine." Délicieuse spontanéité... Mme Wikiwiki revient de Tampa (Floride), où elle a présidé, aux frais de la spontanéité, le conseil qui se réunit toutes les six semaines (bientôt Rotterdam). Ce conseil est très représentatif du monde entier : trois Américains, un Allemand et deux Néerlandais.

Première puce électronique à l'oreille, Mme Wikiwiki ne met jamais les pieds "dans la capitale". Elle "déteste la capitale". Elle est née à Versailles, mais bon, pas de conclusion hâtive. Attention, terrain miné, ne rien dire contre la Toile, filer doux sur la toile cirée : anonymes, héros ou salauds sous pseudos, jouent, en embuscade, aux snipers. Jeu de société, totalitarisme à masque humain, terrain piégé, vie moderne, religion universelle.

Quand son entreprise l'a laissée tomber, elle a épousé la cause de Wikipédia. Puis gravi les échelons de l'utopie libertaire. Potager, petit ordinateur portable, vote Verts à la présidentielle de 2002, pas décidée cette fois (ça va, on a compris), dévouée à la "grande famille à laquelle elle apporte une expertise". Du potager auvergnat, elle théorise cet apport et le succès des wikis selon cette philosophie wikiwiki : "Une personne célibataire ou divorcée, toute seule chez elle le soir, a le choix entre s'assommer devant la télé ou créer des liens avec d'autres."

Ainsi elle ignore que la famille (cette ménagerie) n'est pas la clé universelle : une personne seule peut lire Diderot, écouter Monk ou Monteverdi, regarder la télé, tricoter, dessiner des wikis à poil, jouer de la contrebasse, écrire, observer les astres. Ce qu'elle souhaite, vieille lune : "laisser une trace importante". "Wikipédia sera peut-être (sa) trace", espère-t-elle (souffle-t-elle, minaude-t-elle). Pauvrette ! Elle ignore donc que dans deux ans Wikipédia aura laissé une trace aussi indélébile que le hula hoop, le Teppaz et la Juvaquatre ? Personne n'a vendu la mèche, à Tampa (Floride), chez les libertaires bénévoles spontanés ? Vraiment pas sympa !

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