A ces trois mots, « emprisonnement à vie », le visage de Radovan Karadzic s’est affaissé pour quelques longues minutes, mercredi 20 mars. L’ex-chef politique des Serbes de Bosnie avait été condamné en première instance en 2016 à quarante ans de prison.
Mais les juges de la chambre d’appel du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux – chargés de boucler les derniers procès du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) fermé en 2017 – ont révisé cette sentence « injuste ». Les cinq magistrats ont estimé qu’une peine de quarante ans ne reflétait pas « la gravité exceptionnelle » des crimes dont Radovan Karadzic est coupable ni son « rôle central » et sa « participation totale » dans la guerre de Bosnie-Herzégovine (1992-1995).
Dans la galerie du public, séparée du prétoire par une vitre pare-balles, les veuves de Srebrenica et les rescapés des camps de Prijedor ont sobrement applaudi la sentence, sans une once de joie, sans même un signe de victoire. La guerre de Bosnie a fait plus de 100 000 morts, et la page judiciaire qui se tourne n’a ramené ni les morts ni les disparus.
Massacre de Srebrenica
A 73 ans, le commandant suprême de l’armée des Serbes de Bosnie restera derrière les barreaux pour longtemps. C’est cette armée, conduite par Ratko Mladic, qui en juillet 1995, après avoir déporté leurs femmes et leurs enfants vers d’autres territoires de Bosnie, a massacré plus de 5 000 hommes musulmans de Srebrenica, selon les preuves présentées au tribunal.
Les juges ont confirmé la culpabilité de M. Karadic dans ce génocide, comme dans les crimes contre l’humanité perpétrés à Sarajevo lors des quatre ans de siège, l’épuration ethnique visant les Musulmans et les Croates en Bosnie et la prise en otage de personnels des Nations unies, en 1995, dans l’espoir de dissuader l’OTAN d’intervenir.
Lors de son procès en appel, Radovan Karadzic a tenté de convaincre les juges, plaidant qu’il n’était que « psychiatre et poète », et n’avait donc pas l’expérience de la guerre. Mais ce n’est pas le manque d’expérience qui avait valu à Radovan Karadzic la peine clémente de quarante ans de prison. Les juges avaient considéré que son retrait de la vie politique de Bosnie, peu après la guerre, constituait une circonstance atténuante.
Fugitif sous les traits d’un gourou « new age »
Au cours de son procès, M. Karadzic a tenté de faire valoir un accord passé avec le négociateur américain Richard Holbrooke, selon lequel il bénéficierait de l’impunité s’il quittait la politique. Radovan Karadzic s’était exécuté et avait, jusqu’à juillet 2008 et son arrestation à Belgrade sous les traits d’un gourou new age, vécu en fugitif. En alourdissant la peine, la chambre d’appel efface donc la promesse de M. Holbrooke, destinée à consolider une paix à l’époque très fragile.
Selon son avocat, Radovan Karadzic pourrait demander la révision de son procès. Mais les critères d’une telle procédure sont extrêmement stricts et laissent généralement peu de chance d’aboutir. Après l’audience, M. Karadzic a déclaré, selon son avocat Peter Robinson, que, « si le prix de la liberté de la Republika Srpska [l’entité des Serbes de Bosnie] était [qu’il] perde [sa] propre liberté, [il y était] préparé ».
« Certains continueront de dire qu’il est un héros, mais aujourd’hui, c’est formel, il est un criminel de guerre, il est le contraire d’un héros. »
De son côté, le procureur général, Serge Brammertz, a rejeté toute idée de condamnation collective : « Il a été condamné lui-même, c’est sa responsabilité personnelle » et non celle des Serbes ou de la Serbie. « Certains continueront de dire qu’il est un héros, a-t-il ajouté, mais aujourd’hui, c’est formel, il est un criminel de guerre, il est le contraire d’un héros, il a été condamné pour meurtres, extermination et génocide. »
Malgré les demandes de l’accusation, à l’exception des crimes commis à Srebrenica, les juges n’ont pas qualifié de génocide ceux commis dans le reste de la Bosnie, mais ont retenu des crimes contre l’humanité. Radovan Karadzic devra bientôt quitter les Pays-Bas pour purger sa peine dans un pays tiers, comme le prévoit le tribunal.
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