Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Offrir Le Monde

« La Vache », de Beat Sterchi, du pré à l’abattoir

Dignités humaine et animale sont au centre de premier roman de l’écrivain suisse, paru en 1983, en avance sur son temps. Il est réédité à point nommé.

Par  (Collaborateur du « Monde des livres »)

Publié le 09 mai 2019 à 08h00

Temps de Lecture 3 min.

Article réservé aux abonnés

« La Vache » (Blösch), de Beat Sterchi, traduit de l’allemand (Suisse) par Gilbert Musy, préface de Claro, Zoé, 478 p., 22 €.

Rien que du sang et de la sueur : ainsi pourrait-on résumer ce ­roman sidérant écrit au début des années 1980 par un auteur alors inconnu du monde littéraire, Beat Sterchi. Né à Berne en 1949, fils de boucher, il était destiné à suivre les traces de son père. Mais, rompant avec son milieu, Sterchi part en 1970 pour le Canada puis le Honduras. C’est là qu’il découvre la littérature américaine, autant du Nord que du Sud. Et ce n’est pas un hasard si, par-delà les langues et les traductions, son ­livre s’ouvre par la même expression ­liminaire que Cent ans de solitude (Seuil, 1968) : « Bien des années plus tard »… Car La Vache est, à l’image du chef-d’œuvre de Garcia Marquez, un livre de souvenirs. Souvenirs de sept années passées au « pays nanti ». Souvenirs qui font mal.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés La Suisse, au confluent de la littérature européenne

Que grâce soit ici rendue à Gilbert Musy, mort en 1999, qui a su rendre avec brio, dans la traduction de 1987 que Zoé réédite aujourd’hui, la puissance de cette langue aux accents parfois déroutants. Mais si ce livre avait provoqué par son style un électrochoc dans les pays de langue ­allemande, il n’avait guère rencontré d’écho ailleurs, peut-être à cause de son contenu, parce que le temps n’était pas encore venu d’une reconnaissance enfin accordée à la conscience et à la dignité ­animales. Accompagnée d’une inspirante préface de Claro (feuilletoniste du « Monde des livres »), cette nouvelle ­édition a donc toute sa légitimité.

Regardé de travers

Le « pays nanti », c’est la Suisse où arrive Ambrosio, un travailleur immigré espagnol, qui va y passer sept ans. Sept, chiffre à la fois magique, légendaire, prophétique, mais aussi fatal. Le premier chapitre est celui de l’arrivée d’Ambrosio en Suisse, celui du choc des cultures, entre méfiance, incompréhension réciproque, gêne, envie de plaire et désir d’exclure. Max Frisch (1911-1991), auteur suisse ­majeur de langue allemande, a formulé ce choc engendré par les travailleurs ­immigrés arrivant dans cet îlot de richesses en une phrase lapidaire : « On a fait venir de la main-d’œuvre et on a vu arriver des êtres humains. »

S’il est regardé de travers par la majorité du village où il débarque, Ambrosio est pourtant accueilli avec bienveillance par Knuchel, le fermier qui l’a embauché. Très engagé politiquement, Sterchi ­s’attache à relier l’exploitation de l’homme par l’homme à celle de l’animal par l’homme. Ambrosio est chargé au ­début de s’occuper du cheptel. Et la plus belle des bêtes du troupeau, la reine, c’est Blösch, celle qui donne son titre à l’ouvrage en allemand. On peut se demander s’il n’aurait pas été préférable de laisser le même titre en français, quitte à donner un côté intrigant à l’ouvrage, plutôt que de choisir le prosaïque La Vache. Ce roman est loin en effet d’être seulement une histoire de ruminant. C’est une histoire d’hommes, un hymne à la douleur de ceux qui sont obligés de travailler dans les abattoirs.

Il vous reste 27.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.