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Le Kosovo décroche son indépendance téléphonique

La petite République va se doter, à partir du 15 décembre, de l’indicatif + 383. Il aura fallu six ans de négociations avec la Serbie pour s’accorder sur ce préfixe, même si les deux pays y voient toujours des symboles contraires.

M le magazine du Monde

Publié le 09 décembre 2016 à 14h24, modifié le 13 décembre 2016 à 17h02

Temps de Lecture 3 min.

Depuis la fin de la guerre, en 1999, l’État kosovar et, indirectement, les consommateurs ont dépensé plus de 200 millions d’euros en frais d’utilisation des préfixes slovène et monégasque.

Bienvenue en Slovénie ! » C’est par cette formule surprenante que certains utilisateurs de téléphone portable étaient parfois accueillis au Kosovo. Car ce territoire de 1,8 million d’habitants n’avait jusque-là pas d’indicatif téléphonique propre. Depuis la fin de la guerre qui l’opposa à la Serbie de 1998 à 1999 et sa proclamation d’indépendance en 2008, il utilisait toujours le préfixe serbe (+ 381) pour les lignes fixes, et les préfixes slovène (+ 386) et monégasque (+ 377) – pays à la population restreinte, Monaco peut partager son indicatif – pour les lignes mobiles. Certains opérateurs mobiles serbes étaient également actifs dans la partie nord du pays, où se concentre la plupart des membres de la minorité serbe, soit environ 5 % de la population.

Deux interlocuteurs au Kosovo devaient donc parfois passer un appel international pour être mis en relation. Le tarif, lui, étant celui d’un appel local. Cette situation devrait bientôt changer : le 13 novembre, après six ans de négociations, les autorités de Belgrade et de Pristina, la capitale kosovare, ont réussi à trouver un accord. Il prévoit l’attribution de l’indicatif téléphonique + 383 au Kosovo. Ce code devrait être opérationnel le 15 décembre. Et remplacera à terme les trois préfixes utilisés jusqu’alors.

« Le préfixe attribué au Kosovo met fin au code de l’ancien occupant serbe. » Edita Tahiri, ministre

Pour les autorités kosovares, cet indicatif est d’une grande portée symbolique, au même titre que l’hymne ou le drapeau adoptés en 2008. En effet, le Kosovo n’est toujours pas membre de l’ONU en raison des vétos de la Russie et de la Chine et ne possède pas de monnaie nationale (il utilise l’euro). « Le préfixe attribué au Kosovo met fin au code de l’ancien occupant serbe, qui est toujours employé sur les lignes fixes dix-sept ans après la fin de la guerre, explique ainsi Edita Tahiri, la ministre kosovare chargée du dialogue avec Belgrade. Il établit une identité et une souveraineté étatique internationale pour le Kosovo dans le domaine des télécommunications. »

Un fait que réfutent farouchement les autorités de Belgrade, qui considèrent toujours le Kosovo comme une province serbe. « En assurant le retour légal de la compagnie des télécoms serbe au Kosovo-et-Métochie, la Serbie a consolidé sa souveraineté dans sa province sud », explique Marko Duric, le directeur du bureau gouvernemental serbe pour le Kosovo, qui parle d’un indicatif « géographique » et non national.

Indicatif géographique ou national ?

Dans les faits, l’opérateur serbe Telekom Srbija, actif principalement au nord du Kosovo, continuera d’opérer au Kosovo au travers de sa filiale Mts d.o.o., qui œuvrera dans le respect de la législation kosovare. Un point qui permet également à Belgrade de se féliciter d’un accord qui s’oppose à la « nationalisation par le Kosovo des propriétés des entreprises serbes », selon les explications de Marko Duric.

Indicatif national ou régional, les deux parties s’accordent cependant sur le fait que la qualité du service devrait s’en trouver améliorée. Autre avantage, cela permettra au Kosovo de faire des économies : selon le gouvernement kosovar, en dix-sept ans, plus de 200 millions d’euros ont été dépensés en frais d’utilisation des préfixes slovène et monégasque, par l’État kosovar et, indirectement, par les consommateurs. Concrètement, le Kosovo sera joignable depuis l’étranger en composant le + 383. Mais il ne sera pas nécessaire de composer ce code à partir de la Serbie. L’opérateur serbe pourra également permettre à ses utilisateurs au Kosovo de joindre la Serbie sans utiliser l’indicatif serbe.

« Les accords signés ne sont intentionnellement pas transparents afin que la Serbie, le Kosovo et l’Union européenne en donnent l’interprétation qui plaira à leur audience. » Besa Shahini, analyste politique

Pour les autorités kosovares comme pour les autorités serbes, les apparences sont donc sauves : c’est un pas de plus vers la reconnaissance internationale pour les premiers, et une affirmation de la souveraineté serbe au Kosovo pour les seconds. Pour l’analyste politique kosovare Besa Shahini, ces deux versions radicalement différentes du même texte s’expliquent par le principe d’« ambiguïté constructive » : « Cela signifie que les accords signés ne sont intentionnellement pas transparents afin que la Serbie, le Kosovo et l’Union européenne puissent en donner l’interprétation qui plaira à leur audience. » Tout en avançant dans le processus de « normalisation des relations », condition préalable à l’intégration européenne.

Attablé à la terrasse d’un café de Pristina, Lis, responsable des ventes pour une grande marque de soda, espère que l’accord améliorera la qualité du signal mobile. Pour lui, l’enjeu est surtout symbolique : « Nous sommes indépendants maintenant, pourquoi n’aurions nous pas notre indicatif téléphonique ? » Un peu plus loin, Ilir, développeur informatique, est d’un avis un peu plus partagé. « Si cela peut faciliter notre vie, je m’en réjouis, mais je ne m’attends pas à un bouleversement, il y a encore d’autres sujets en chantier. »

Par Julie Druelle

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