Quand il va au cinéma, Arthur Fouasse a tendance à s’assoupir : le scénario, la réalisation et le jeu d’acteur ne le stimulent généralement pas suffisamment pour lui éviter de s’enfoncer dans le sommeil. En revanche, l’affiche du film, celle qui recouvre les Abribus et les entrées des salles, peut le tenir éveillé une partie de la nuit. L’illustration, la maquette, le graphisme des caractères… tout le fascine. Il en connaît les évolutions à travers les âges, sait reconnaître de quelle époque elle vient, de quel pays, à quel genre de cinéma elle fait référence. Arthur Fouasse en a fait son métier, lui qui dirige L’Affiche française, un commerce florissant de vente et de restauration d’images anciennes et originales.
Ce jeudi de mars, dans son atelier lumineux établi dans une ancienne manufacture de meubles de Toulon, dans le Var, l’artisan déplie délicatement l’affiche de Cannonball (1976), un film de Paul Bartel qui suit les péripéties de pilotes engagés dans une course de voitures illégale. Sur le document surgissent plusieurs véhicules enflammés ceignant la tête du personnage principal, au centre, les mains sur le volant. Plus bas, le nom de l’acteur vedette, David Carradine (héros de la série Kung Fu et protagoniste de Kill Bill, de Quentin Tarantino), au-dessus du titre, imprimé en gros caractères.
L’image de 120 cm × 160 cm – un format spécifique à la France – appartient à un client qui souhaite la remettre en état après quelques années passée pliée dans un carton. Bien conservée, elle n’a pas de défaut majeur, constate le professionnel après un rapide examen et en effaçant à la gomme une inscription au stylo sur le verso. Autour de lui sont exposées les pièces plus prestigieuses de son atelier – sa préférée, celle du film Le Mans (1971), de Lee H. Katzin, avec Steve McQueen, dont la valeur est estimée entre 3 000 et 5 000 euros.
« Le meilleur coup de pinceau »
L’affiche ancienne de film est un marché de niche. Les collectionneurs en traquent les éditions rares, les posters originaux – ceux affichés dans les salles de cinéma pour annoncer le film – et dans le meilleur état possible. Les connaisseurs courent à Affiche-cine, au 1, rue des Roses, dans le 18e arrondissement parisien, où les références sont nombreuses. D’autres traquent les « nouveautés » sur le site Ciné-Images. L’Affiche française est une autre référence du secteur. Et c’est ici, dans l’atelier d’Arthur Fouasse, que des posters anciens reprennent vie.
Après le gommage succédera l’étape la plus spectaculaire de la restauration : l’image est plongée dans l’eau… « Cela permet aux fibres du papier de se détendre. Il est alors plus facile de les travailler », expliquent Arthur Fouasse et l’un de ses employés, Damien, autour de la grande bassine dans laquelle est immergée Cannonball. Un seul shampouinage suffira : le papier n’aura pas à subir l’épreuve du chlore, comme c’est le cas quand l’affiche a été trop altérée. Une fois la feuille égouttée, les pliures semblent avoir disparu et les couleurs se sont révélées. Damien fignole en chassant l’eau avec un rouleau et en découpant très légèrement les bords. Collé sur un châssis en coton, le poster séchera plusieurs jours à l’abri de la lumière. « La meilleure manière de le conserver est de le tenir éloigner des ultra-violets et de l’encadrer avec un verre qui résiste à ces rayons », conseille Arthur Fouasse.
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