Les paradis fiscaux offrent décidément d’infinies possibilités de dissimulation. En termes d’opacité, il y a bien mieux que les montages de sociétés offshore gérées par des hommes de paille. L’enquête des « Paradise Papers » permet de lever le voile sur une structure méconnue du grand public et quasi impénétrable, le trust. Arme de confidentialité massive pour les ultrariches, le trust rebat les cartes de tous les classements mondiaux des milliardaires. Mais il est surtout un précieux allié des évadés et fraudeurs fiscaux.
Contrairement à une idée répandue, le trust n’est pas une invention récente de l’ingénierie offshore : son existence remonte au Moyen Age. A l’époque, le châtelain qui partait en croisade savait que l’aventure pouvait lui être fatale, il devait alors léguer son fief et ses biens sous conditions d’usage ou de durée à un homme de confiance : ce qu’on appelait une fiducie, du latin fiducia (confiance) – « trust » en anglais. A charge pour le bénéficiaire de faire fructifier le domaine en attendant le retour du seigneur ou de ses héritiers.
Les mécanismes sont aujourd’hui plus complexes, mais l’idée reste la même : par le biais d’un contrat sous seing privé, une personne détenant d’importants actifsdéfinition (le constituant, ou « settlor ») les cède à une société spécialisée ou à une personne de confiance (le gestionnaire, « trustee »), qui aura dès lors le contrôle de biens qu’elle devra gérer pour le compte de bénéficiaires (qui peuvent être le constituant, ou des membres de sa famille, par exemple).
Soustraire des biens de son patrimoine
Ce montage a de multiples intérêts. Le premier, et probablement le plus important, est qu’en plaçant dans un trust une partie de ses actifs, le constituant n’en est plus le propriétaire effectif. Il soustrait ainsi de son propre patrimoine une partie de ses biens – de l’argent, une maison, des actions, un yacht, des assurances-vie… –, tandis que le gestionnaire en devient le propriétaire légal, derrière un écran qui décourage les curieux. Des particuliers profitent ainsi de l’opacité du trust pour dissimuler au fisc leurs actifs – même si la loi l’interdit.
Bien que le gestionnaire ait pour mission de s’occuper du trust de façon indépendante, les bénéficiaires peuvent en avoir la jouissance. En profitant des propriétés immobilières ou des yachts détenus au sein du trust, ou en recevant de l’argent sous forme de prêts, par exemple. Certains bénéficiaires vont même jusqu’à contrôler leur trust en sous-main, ce qui est généralement interdit.
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