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Georges Tron et ses « manies » sexuelles en procès

L’ex-secrétaire d’Etat comparaît à partir de mardi devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis à Bobigny pour « viols et agressions sexuelles en réunion » sur deux femmes.

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Publié le 11 décembre 2017 à 10h30, modifié le 12 décembre 2017 à 07h25

Temps de Lecture 6 min.

Georges Tron, ancien secrétaire d’Etat à la fonction publique et maire de Draveil (Essonne), en juin 2012.

En mai 2011, la tornade suscitée par l’arrestation de Dominique Strauss-Kahn à New York, sous l’accusation de viol, et sa démission de ses fonctions de directeur général du Fonds monétaire international (FMI), avaient assourdi l’annonce d’une autre chute. Celle d’un éphémère secrétaire d’Etat à la fonction publique du gouvernement de François Fillon, Georges Tron, contraint, lui aussi, à renoncer à son poste en raison de l’ouverture d’une enquête pour viols et agressions sexuelles.

Son procès s’ouvre mardi 12 décembre devant la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, alors qu’une tornade autrement plus profonde, venue elle aussi des Etats-Unis avec l’affaire Weinstein, souffle sur le monde.

Georges Tron et son ex-adjointe à la culture de la mairie de Draveil (Essonne), Brigitte Gruel, comparaissent pour « viols et agressions sexuelles en réunion » et « complicité » de ces crimes et délits sur deux femmes, Virginie Faux et Eva Loubrieu. Ils encourent l’un et l’autre vingt ans de réclusion criminelle.

Pour dire les choses sobrement, ce dossier est poisseux. Au commencement donc, est un homme qui éprouve une fascination fétichiste pour les pieds des femmes et qui, sous couvert de réflexologie, ne résiste pas au désir de les saisir pour les masser avant de pousser sa main un peu plus haut. A ses côtés, est une femme qui goûte aux mêmes plaisirs. L’un et l’autre trouvent plus piquant encore qu’une troisième partenaire se joigne à leurs intimes randonnées pédestres. Tout cela pourrait constituer les ingrédients d’un banal porno sur fond de bureau capitonné, sièges en cuir, moquette épaisse, restaurants aux tables nappées sous lesquelles les mains s’aventurent et les escarpins choient.

Mais au moment où se situe l’histoire, l’homme est un élu de la République, député (alors UMP) de l’Essonne et maire de Draveil, la femme est adjointe à la culture de cette ville et leurs « partenaires » sont des employées municipales dont l’emploi ou le licenciement dépend de l’appréciation du premier, ce qui n’est potentiellement pas sans incidence sur leur consentement à abandonner leur pied et le reste à des investigations tactiles.

Peur d’être licenciées

Cette question du consentement est au cœur des faits reprochés à Georges Tron et Brigitte Gruel. Les plaignantes affirment l’une et l’autre avoir cédé à plusieurs reprises aux jeux sexuels des deux élus par crainte d’être licenciées.

Virginie Faux raconte que dès son premier rendez-vous à la permanence du député, où elle était venue pour solliciter un emploi, Georges Tron a évoqué devant elle sa passion de la réflexologie plantaire et lui a proposé aussitôt quelques massages.

« Les lieux apparaissent singulièrement aménagés et décorés, les enquêteurs y découvrant un décor en noir et blanc, avec volets fermés et rideaux noirs, des bougies et un bar fourni »

A l’occasion d’un déjeuner, elle aurait ensuite été invitée par l’élu à déposer pendant tout le repas son pied sur sa cuisse. Quelques semaines plus tard, en septembre 2008, Virginie Faux était embauchée en qualité d’agent contractuel à la municipalité de Draveil, affectée au secrétariat du maire.

Les séances de réflexologie auraient alors pris une autre tournure, en compagnie de Brigitte Gruel, soit dans la salle à manger du château de Draveil – « les lieux apparaissent singulièrement aménagés et décorés, les enquêteurs y découvrant un décor en noir et blanc, avec volets fermés et rideaux noirs, des bougies et un bar fourni », indique le procès-verbal – soit au domicile de l’adjointe, où Virginie Faux, convoquée en janvier 2010 pour une « réunion d’agenda », se serait retrouvée livrée aux caresses pénétrantes des deux élus.

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En avril 2010, Virginie Faux faisait une tentative de suicide médicamenteuse et démissionnait de ses fonctions. Elle se confiait à l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AFVT) qui l’encourageait à porter plainte. Alors que la rumeur d’une procédure était parvenue aux oreilles de Georges Tron et Brigitte Gruel, Virginie Faux était abordée à la sortie de l’école de son fils par une collaboratrice du maire qui lui laissait entendre que l’élu disposait d’un dossier sur elle et qu’elle ferait mieux de renoncer.

« Couchés à trois sur la moquette »

La deuxième plaignante, Eva Loubrieu, fait un récit similaire. Rendez-vous à la permanence parlementaire, invitation à déjeuner au restaurant japonais, massages sous la nappe. « C’est vrai que je me suis laissée caresser le mollet en échange d’une promesse d’embauche à la mairie de Draveil », a-t-elle confié aux enquêteurs.

En janvier 2007, Eva Loubrieu est employée à la médiathèque de la commune et rapidement promue chef de service. Commence alors, selon elle, une relation avec le maire qui la convoque régulièrement dans son bureau, en verrouille la porte et qui, au prétexte de « libérer les flux d’énergie » et de « trouver [son] ki » s’aventure en des zones de plus en plus éloignées de sa voûte plantaire.

Le « jeu de séduction et de charme » auquel Eva Loubrieu admet s’être livrée avec Georges Tron, se rompt, selon elle, lorsque celui-ci invite Brigitte Gruel à participer aux séances de plus en plus régulières de recherche du « ki » qui se terminent « couchés à trois sur la moquette »« Il ne m’a jamais menacée. Mais tout me portait à croire qu’il pouvait à la fois me donner ou me retirer du travail », a t-elle déclaré pour expliquer comment elle s’était retrouvée « contrainte par l’ensemble de la situation » à participer « à leur jeu pervers ». Licenciée au motif de vol en juillet 2009, Eva Loubrieu a fait une tentative de suicide en août 2010. Sa rencontre avec Virginie Faux l’a convaincue de déposer plainte à son tour contre Georges Tron et Brigitte Gruel.

Plus d’une dizaine d’autres femmes

Aux accusations portées par les deux plaignantes, sont venus s’ajouter pendant l’instruction, les témoignages de plus d’une dizaine d’autres femmes sur le comportement déplacé de Georges Tron, avec ou sans la complicité de Brigitte Gruel, baptisée « la Maintenon » dans les couloirs de l’hôtel de ville.

Anciennes secrétaires ou collaboratrices parlementaires, candidates à l’embauche, chargées de mission dans les divers services de la mairie, aide-soignante ou journalistes ont raconté comment, à l’occasion d’un rendez-vous ou d’un trajet en voiture, il avait insisté pour leur saisir le pied et s’était livré sur elles à des massages « à connotation sexuelle ».

Parmi celles qui étaient venues solliciter l’élu pour un emploi ou un logement, plusieurs disent avoir ressenti une sorte de « chantage », dont dépendait l’issue favorable ou non donnée à leur demande.

A toutes ces déclarations, Georges Tron et Brigitte Gruel ont opposé le démenti le plus formel, l’un et l’autre assurant n’être liés que par une grande proximité professionnelle et une « amitié profonde » et se disant victimes d’un complot politique.

Cette thèse, alimentée par la proximité de l’une des plaignantes avec un opposant notoire de Georges Tron, proche de la famille Le Pen, a occupé une bonne part de l’instruction. Ajoutée à la fragilité psychologique des deux plaignantes, elle a suscité suffisamment de doute chez les deux magistrats instructeurs pour que ceux-ci, conformément aux réquisitions du procureur de la République, rendent en décembre 2013 une ordonnance de non-lieu en faveur de Georges Tron et Brigitte Gruel.

Divergences d’appréciation

Saisie d’un appel des trois parties civiles, Virginie Faux, Eva Loubrieu et l’AVFT, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris a fait une lecture radicalement différente du dossier et décidé de renvoyer les deux accusés devant la cour d’assises, en dépit d’une nouvelle réquisition de non-lieu du parquet général.

Ces divergences d’appréciation constituent d’ores et déjà un solide argument de défense pour l’avocat de Georges Tron, Me Eric Dupond-Moretti, qui a succédé à Me Olivier Schnerb, décédé en février 2017.

Il n’est qu’une certitude à l’aube de ce procès : quel que soit le verdict qui sera rendu le 22 décembre, les plaignantes comme les accusés en sortiront en miettes et nous en voyeurs.

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