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Georges Tron acquitté à l’issue de son procès pour « viols en réunion »

Le maire de Draveil et ancien secrétaire d’Etat était accusé par deux ex-employées de leur avoir imposé des attouchements et des pénétrations digitales entre 2007 et 2010

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Publié le 15 novembre 2018 à 14h48, modifié le 19 novembre 2018 à 11h25

Temps de Lecture 5 min.

Le maire de Draveil (Essonne), Georges Tron, à sa sortie de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le 15 novembre.

Georges Tron et Brigitte Gruel « ont bien participé à des ébats sexuels en présence de tiers dans un climat général hypersexualisé » mais « pour autant, il n’a jamais été rapporté la preuve d’une contrainte ». Ainsi la cour d’assises de Seine-Saint-Denis a-t-elle motivé le double acquittement prononcé, jeudi 15 novembre, en faveur du maire de Draveil et de son ex-adjointe à la culture, sur les faits de viols en réunion, complicité de ces viols et agressions sexuelles dont ils étaient accusés.

Si elle considère comme « avérées » les « scènes à caractère sexuel » évoquées par Virginie Faux et Eva Loubrieu et niées par Georges Tron et Brigitte Gruel, la cour relève que les deux plaignantes étaient « dans une logique de vengeance », après un changement de poste pour la première et un licenciement, consécutif à un vol, pour la seconde.

Ambivalence

La cour retient également dans sa motivation la fragilité des accusations portées par les deux plaignantes. Elle rappelle d’une part l’ambivalence d’Eva Loubrieu, qui a d’abord admis avoir eu des relations consenties avec Georges Tron, avant de dénoncer des viols et des agressions sexuelles sur une période durant laquelle elle a toutefois continué à lui adresser des SMS « multipliant les expressions affectueuses ».

La lecture de ces messages à l’audience, mercredi 7 novembre « Appelez-moi, je serai là, je suis à votre disposition, je vous embrasse encore et encore et plus encore » – avait jeté le trouble sur l’absence de consentement d’Eva Loubrieu, d’autant qu’elle le datait du moment où elle avait reçu les confidences d’une autre maîtresse de Georges Tron. « Elle me raconte, à la virgule près, le même rituel, le même mode opératoire. J’ai eu le sentiment d’avoir été manipulée, je trouvais cela effrayant », avait-elle déclaré.

« Vous vous rendez compte que vous êtes violée quand vous réalisez que votre violeur se fout de vous ? C’est ça, un viol ? Mais une infraction pénale ne peut pas être dépendante de l’humeur de la plaignante ! », lui avait alors répliqué Me Eric Dupond-Moretti, l’avocat de Georges Tron.

Les défenseurs du maire de Draveil, Maîtres Antoine Vey (à gauche) et Eric Dupond-Moretti à leur départ de la cour d’assises de Seine-Saint-Denis, à Bobigny, le 15 novembre.

« Dominant et dominé »

Les mensonges de Virginie Faux ont également pesé lourdement dans la décision d’acquittement prononcée par la cour d’assises. Elle retient notamment que cette dernière « a d’évidence menti » en niant la relation intime qu’elle entretenait à l’époque des faits dénoncés avec son chirurgien esthétique et en se disant atteinte d’un cancer.

Alors que Virginie Faux expliquait sa première tentative de suicide en novembre 2009 par les faits de viols par pénétration digitale qu’elle aurait subis de la part de Georges Tron et de Brigitte Gruel, la cour retient que cette tentative peut davantage s’expliquer par la rupture à cette date de sa liaison avec le chirurgien.

Les doutes de la cour et des jurés sur la crédibilité de cette première scène de viol en novembre 2009 les ont également conduits à rejeter « l’existence d’une contrainte » à l’occasion d’une autre scène de relation sexuelle avec Georges Tron et Brigitte Gruel, qui s’est tenue en janvier 2010 au domicile de cette dernière.

Tous ces éléments ont convaincu la cour et les jurés de ne pas suivre les réquisitions de l’avocat général Frédéric Bernardo qui leur avait demandé, la veille, de déclarer Georges Tron et Brigitte Gruel coupables et de les condamner à, respectivement, six et quatre ans d’emprisonnement, assortis d’une peine d’inéligibilité de cinq ans et d’une inscription au fichier des délinquants sexuels.

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« Il n’y a pas, dans cette affaire, de partage sexuel. Il y a un dominant et un dominé. La victime sert d’objet. On vous prend, on se sert et puis on jette. C’est ça, une victime de viol. Lorsque vous êtes dans une situation de surprise ou de contrainte, c’est une atteinte à votre liberté sexuelle, à l’exercice libre de votre consentement », avait-il estimé.

Double malentendu

Par leur verdict, six jurés citoyens et trois magistrats professionnels ont ramené l’affaire Tron à sa plus fruste mesure, celle d’un méphitique esquif parti de Draveil en 2011 qui, pour son malheur, a percuté deux tempêtes mondiales, avant de revenir au port.

Son départ a été concomitant de la tornade provoquée par la chute de celui qui était alors l’homme le plus puissant du monde, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn. Son arrivée devant la cour d’assises a coïncidé avec la lame de fond soulevée par l’affaire Harvey Weinstein et le mouvement #metoo.

Mais Georges Tron n’a jamais été que l’homme le plus puissant de Draveil, qui venait tout juste d’atteindre le plafond de verre de son ambition politique en devenant secrétaire d’Etat. Et les deux femmes qui ont porté plainte contre lui, Virginie Faux et Eva Loubrieu, n’ont pu porter sur leurs épaules tous les espoirs nés de la libération de la parole des femmes face à la domination sexuelle des hommes.

Ce double malentendu a largement pollué les attentes que le jugement de l’affaire Tron avait soulevées et que l’explosion en vol du premier procès, quelques jours à peine après son ouverture en décembre 2017, avait contribué à brouiller.

Dans cette plongée au cœur du « climat hypersexué » de la mairie de Draveil, de ses rumeurs, de ses ragots, de ses secrets conjugaux et de ses règlements de comptes, on a guetté en vain les signes du procès du XXIe siècle nouveau.

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Nausée d’une affaire

Ces quatre semaines ont bien davantage évoqué un mauvais roman du XXe, voire du XIXe siècle, dans lequel un Monsieur Prudhomme, « maire et père de famille », use et abuse de son pouvoir d’élu de banlieue et de l’attirance que ce pouvoir exerce pour satisfaire ses désirs sexuels, avec comme seule crainte que la rumeur de ceux-ci ne parvienne à la connaissance de son épouse.

Voilà pourquoi il serait vain de chercher dans ce verdict autre chose que ce qu’il dit. Un, devant la cour d’assises, le doute bénéficie aux accusés. Deux, la définition pénale du viol est distincte de l’appréciation sincère et douloureuse qu’une femme peut avoir de son humiliation dans ses rapports avec un amant. Le parquet a dix jours pour faire appel.

De cette longue audience ne reste que la nausée d’une affaire, dont tant les deux acquittés que les plaignantes sortent en miettes.

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