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Le droit pénal français bascule vers la défense sociale

La décision du Conseil constitutionnel consacre dans la loi l'extension du domaine des mesures de sûreté.

Par Alain Salles

Publié le 22 février 2008 à 14h25, modifié le 22 février 2008 à 14h25

Temps de Lecture 2 min.

La décision du Conseil constitutionnel consacre dans la loi l'extension du domaine des mesures de sûreté. La nouvelle "rétention de sûreté" n'est "ni une peine, ni une sanction, ayant le caractère d'une punition", mais une mesure de prévention, ayant pour but "d'empêcher la récidive par des personnes souffrant d'un trouble grave de la personnalité". Selon le Conseil, "la rétention de sûreté se situe en réalité dans la prolongation d'une série d'autres mesures".

Il élargit ainsi sa jurisprudence, qui a validé, en 2004, l'inscription dans un fichier national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles, étendu ensuite à d'autres crimes, comme "mesure de police", puis en 2005 le placement sous bracelet électronique mobile.

La décision du 21 février supprime les limites que le Conseil s'était fixées en 2005. Il avait alors validé le dispositif de "surveillance judiciaire" de la loi contre la récidive en considérant qu'il s'agissait d'une "modalité d'extension de la peine", limitée dans le temps. Rien de tel avec la validation de la surveillance de sûreté, qui sera appliquée au-delà de la peine.

"En contrepartie de cet élargissement, explique le professeur de droit constitutionnel Dominique Rousseau, le Conseil soumet ces mesures de sûreté au même respect d'exigences constitutionnelles que la peine, comme la non-rétroactivité, en censurant le projet, ou le principe de nécessité, en émettant des réserves (si le détenu n'a pas pu bénéficier de soins en prison)."

Cette extension du domaine de la sûreté fait basculer le droit pénal français vers un concept auquel il a toujours résisté, celui de la défense sociale. Cette doctrine, inspirée par les positivistes italiens du XIXe siècle, s'est développée dans plusieurs pays européens, notamment la Belgique, les Pays-Bas et l'Allemagne.

Dans leur Droit pénal général, Frédéric Desportes et Francis Le Gunehec expliquent que le courant positiviste de Cesare Lombroso a "considéré le phénomène criminel sous un angle exclusivement scientifique. Le but du droit pénal pour les positivistes n'est pas de punir une faute ou un acte grave, mais de protéger la société contre un homme objectivement dangereux, comme un corps malade doit se protéger des microbes. (...) Aux peines classiques doivent se substituer des mesures de défense ou des mesures de sûreté d'une durée indéterminée, dont l'objet est de supprimer l'état dangereux de l'individu."

"Une telle doctrine, poursuivent les auteurs, qui nie la morale et partant, la liberté humaine, ne voyant dans la déviance qu'une maladie à combattre, expose aux pires débordements. L'enfer des camps nazis, ou du moins le chemin qui y menait, n'était-il pas pavé de bonnes intentions positivistes ?" Elisabeth Guigou a déclenché un tollé, lors des débats à l'Assemblée nationale sur la loi Dati, en rappelant cette origine.

"Il s'agit d'un basculement dangereux, souligne Dominique Rousseau. Le législateur semble avoir baissé les bras sur le caractère réhabilitateur de la peine, qui est à la base de notre droit."

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