Devant la fronde des anti-Edvige, le gouvernement est-il en train de reculer ? Pour la première fois, mardi 9 septembre, Michèle Alliot-Marie s'est dit prête à proposer aux associations opposées au fichier Edvige le "droit à l'oubli" pour les mineurs. "Je pense, effectivement, qu'on peut limiter le temps pendant lequel les indications [sur ces mineurs] sont maintenues dans le fichier", a-t-elle expliqué.
Le fichier Edvige prévoit que des mineurs, dès 13 ans, puissent y figurer si, par exemple, "ils se trouvent dans un certain nombre de groupes extrêmement violents ou participant à des trafics de drogue", a-t-elle expliqué. "Mais si, par la suite, ils ont des conduites exemplaires, il n'y a aucune raison pour que cela les suive toute leur vie", a estimé la ministre.
"J'entends des inquiétudes, je veux lever ces inquiétudes et toutes les ambiguïtés", a assuré la ministre de l'intérieur, qui a contacté "un certain nombre de personnalités, responsables d'associations pour", a-t-elle dit, "que nous nous rencontrions". Notamment la CNIL (Commission de l'informatique et des libertés) "qui s'inquiète sur le fait que des mineurs [restent] dans le fichier Edvige après leur majorité si rien ne s'est passé", a relevé Mme Alliot-Marie. Si la ministre semble prête à discuter, elle affirme ne pas envisager de supprimer Edvige, en notant que "très peu de personnes" le demandaient.
RAMA YADE VEUT DES "PRÉCISIONS"
Après les déclarations du ministre de la défense, Hervé Morin, et son rappel à l'ordre par le premier ministre, François Fillon, c'est la secrétaire d'Etat aux droits de l'homme, Rama Yade, qui a estimé, mardi, que le Conseil d'Etat devrait apporter des "précisions" et des "clarifications" sur le fichier Edvige, notamment sur la question des orientations sexuelles. "Le décret qui a créé ce fichier provoque des inquiétudes, je crois qu'il est important de les apaiser", a-t-elle ajouté. Le Conseil d'Etat devrait rendre fin décembre sa décision sur la légalité du fichier policier Edvige, contre lequel de nombreuses associations et personnalités politiques ont déposé des recours. La question des données sur les orientations sexuelles des personnes fichées "m'interpelle plus que toute autre", a dit Mme Yade.
Des propos mesurés à côté des déclarations de certains membres de la majorité qui, à l'image de Christian Demuynck, sénateur-maire UMP de Neuilly-Plaisance (Seine-Saint-Denis), regrettent "le manque d'information et de transparence" de la ministre de l'intérieur. "On ne comprend rien à ce fichier ! Comme de nombreux Français, j'ai pris connaissance des informations qui seront recensées par Edvige, et franchement je reste sceptique", a déclaré, mardi, le sénateur dans un communiqué. Des interrogations entendues par Claude Guéant, le secrétaire général de l'Elysée, qui estime qu'il faut "mieux expliquer" la réalité du fichier Edvige, dans un entretien publié par France-Soir.
"FACILITEZ LE TRAVAIL DE LA POLICE"
La mobilisation contre le fichier Edvige a pris de l'ampleur depuis la rentrée politique, François Bayrou se joignant à l'opposition pour dénoncer l'existence de celui-ci. Mardi, la pétition en ligne du collectif "Non à Edvige" a atteint les cent trente mille signataires. Les opposants à ce fichier appellent à manifester le 16 octobre, jour de la Sainte-Edwige.
Mardi, douze syndicats et associations, à l'origine de recours en annulation auprès du Conseil d'Etat, ont exprimé "la volonté citoyenne de ne pas se laisser faire". Parmi les actions annoncées dans toute la France, les citoyens sont invités à adresser au ministère de l'intérieur "une parodie de fiche". Ce document, baptisé "Facilitez le travail de la police", invite notamment à répondre à la question "avez-vous été au cours de votre existence en contact avec un être humain ?" et à lécher le coin gauche de la fiche pour y déposer son ADN.
Une initiative qui ne devrait pas faire sourire le vice-président de l'UMP, Jean-Pierre Raffarin, et le député UMP de Paris, Pierre Lellouche, qui ont appelé mardi à ne pas "instrumentaliser" ce dossier à des fins politiques. "Nous sommes dans un Etat de droit, on ne peut pas contester tout au nom de tout, il y a des règles qui doivent être respectées", a déclaré M. Raffarin sur LCI.
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