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Le cardinal Barbarin relaxé en appel de non-dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs

En première instance, l’archevêque de Lyon avait été reconnu coupable de ne pas avoir dénoncé les agissements pédophiles du père Bernard Preynat.

Le Monde avec AFP

Publié le 30 janvier 2020 à 13h47, modifié le 30 janvier 2020 à 18h12

Temps de Lecture 3 min.

Cette affaire est le symbole des défaillances de l’Eglise face à la pédocriminalité. Condamné en première instance, le cardinal Philippe Barbarin a été relaxé en appel, jeudi 30 janvier, pour ses silences sur les abus sexuels d’un prêtre. Le 7 mars dernier, le tribunal correctionnel avait condamné l’archevêque de 69 ans à six mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé les agressions sexuelles commises par Bernard Preynat sur de jeunes scouts entre 1971 et 1991.

« Cette injustice est aujourd’hui réparée (…) le cardinal Barbarin est innocent, il n’a jamais cherché à entraver le cours de la justice », s’est félicité l’un de ses avocats, Me Jean-Félix Luciani.

« La cour a reconnu que le cardinal disait la vérité. Il a fait des erreurs, des fautes. Il l’a dit. L’Eglise a, à coup sûr, fait des erreurs et des fautes mais il n’incarne pas l’Eglise »

Les parties civiles ont, elles, annoncé un pourvoi en cassation, par la voix d’un de leurs avocats.

De son côté, le cardinal a annoncé qu’il remettrait une nouvelle fois sa démission au pape pour permettre à l’Eglise de « tourner la page et d’ouvrir un nouveau chapitre pour l’Eglise de Lyon ». Pour son avocat, le cardinal « part la tête haute, sans arrogance » :

« Il souhaitait partir depuis longtemps. Il quittera sans doute Lyon et à regret, car il a beaucoup aimé Lyon », a encore commenté son conseil pour qui « la décision du Vatican ne devrait pas prendre beaucoup de temps ».

Une « omerta » dictée par le Vatican, selon les victimes

En première instance, les juges avaient estimé qu’en ne dénonçant pas à la justice les actes que lui avait décrits une victime en 2014, Philippe Barbarin avait choisi de « préserver l’institution ». Le primat des Gaules en titre, dont le pape a refusé la démission, avait immédiatement interjeté appel, ne s’estimant pas coupable devant la justice des hommes, alors qu’il avait demandé « pardon pour [ses] propres fautes lors d’une messe ». « Je n’ai jamais cherché à cacher, encore moins à couvrir ces faits horribles », a-t-il souvent répété, tandis que les victimes dénonçaient une « omerta » dictée par le Vatican.

A l’audience d’appel fin novembre, l’avocat général Joël Sollier avait réclamé la relaxe en dissociant le « cas individuel » du cardinal Barbarin et les « fautes morales et pénales » commises par l’Eglise face à la pédocriminalité dans ses rangs. « Qu’un procès soit fait à l’Eglise… », a lancé jeudi l’autre avocat de l’archevêque, Me André Soulier, pour qui son client n’a pas à « expier tous les péchés qui ont été commis ».

L’ex-père Bernard Preynat, défroqué à l’issue de son procès canonique en juillet, a comparu devant le tribunal correctionnel il y a dix jours à Lyon. Une peine d’au moins huit ans de prison ferme a été requise à son encontre, le jugement étant fixé au 16 mars.

Le cardinal Barbarin, mis au courant des agressions du prêtre dans les années 2000, l’avait convoqué en 2010 en vue d’un changement d’affectation. Comme en première instance, la cour d’appel a estimé que l’archevêque en savait assez, alors, pour le dénoncer. Mais ce délit tombe sous le coup de la prescription, dont le délai est de trois ans en matière de non-dénonciation.

« Un sentiment de déception fort »

La cour d’appel a considéré, en revanche, qu’on ne pouvait rien reprocher au cardinal après 2014, quand une victime de Preynat – Alexandre Hezez – l’a contacté, car celle-ci était en mesure de porter plainte par elle-même, à l’instar de toutes les autres, ce qu’elles ont fait au final.

C’était l’argumentation de la défense : « Pour nous, le cardinal n’a pas à dénoncer une infraction à la place d’un homme qui n’est pas en incapacité de le faire. Ce n’est pas raisonnable car toute la hiérarchie du clergé et tous les proches des victimes pourraient être poursuivis », estime Me Luciani.

« Il y a forcément un sentiment de déception fort mais la décision n’est pas tendre non plus avec le cardinal Barbarin », a réagi Me Jean Boudot, l’un des avocats des parties civiles, qui compte « rediscuter », devant la Cour de cassation, de la prescription des faits de 2010. Et d’ajouter :

« Pour la relaxe sur les faits postérieurs à 2013, la décision de la cour est une décision extrêmement originale, qui vient dire en réalité qu’on n’a pas obligation de dénoncer des violences sexuelles sur mineur une fois que le mineur est devenu majeur. A ma connaissance, c’est la première fois qu’une cour d’appel rend une décision de ce type-là [qui] paraît complètement incohérente. »

« Je ne crois pas qu’il faille regretter tout ce qui a été engagé », a commenté de son côté l’un des plaignants, François Devaux, président de l’association La Parole libérée, pour qui ce scandale a conduit l’Eglise à se remettre en cause.

Le Monde avec AFP

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