Cet article vous est offert
Pour lire gratuitement cet article réservé aux abonnés, connectez-vous
Vous n'êtes pas inscrit sur Le Monde ?
Offrir Le Monde

Didier Grumbach : "Paris est clairement la capitale de la création"

Le président de la Fédération française de la couture, du prêt-à-porter, des couturiers et des créateurs de mode, qui orchestre les défilés de la Semaine de la mode revient sur l'histoire de cet événement.

Propos recueillis par 

Publié le 26 septembre 2012 à 12h14, modifié le 28 janvier 2014 à 10h36

Temps de Lecture 5 min.

Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode.

La semaine de la mode parisienne a ouvert ses portes mardi 25 septembre. Jusqu'au 3 octobre, les créateurs vont présenter leur collection de prêt-à-porter pour la saison printemps-été 2013. Didier Grumbach, président de la Fédération française de la couture du prêt-à-porter des couturiers et des créateurs de mode revient sur l'histoire et la signification de ce rendez-vous dans la Ville Lumière.

Paris est souvent présentée comme la capitale historique de la mode…

Didier Grumbach : La semaine parisienne est la plus ancienne et la plus internationale. La haute couture s'est établie sous le second Empire mais l'influence de Paris s'est encore renforcée après le krach de 1929. Les couturiers français vendaient leurs modèles aux magasins et aux confectionneurs du monde entier avec les droits de les reproduire. En d'autres termes, Paris était un bureau de style pour la mode mondiale. C'était clairement la capitale de la création. A l'époque, le prêt-à-porter n'existait pas et on pensait que seul l'artisanat pouvait être créatif. On contestait tout à fait que la confection puisse l'être également. C'est seulement au milieu des années 1960 que des maisons majeures comme  Yves Saint Laurent, Givenchy, Courrèges, Ungaro et d'autres ont signé des modèles de prêt-à-porter. Cependant, le prêt-à-porter des couturiers est né dans les années 1950.

Paris est-elle toujours aujourd'hui la capitale de la création ? Quelle est sa spécificité par rapport aux autres grandes villes hébergeant des semaines de la mode ?

Newsletter
« Le goût du Monde »
Voyage, mode, gastronomie, design : le meilleur de l’art de vivre, dans votre boîte e-mail
S’inscrire

Les marques les plus créatives, qu'elles soient anglaises ou japonaises par exemple, défilent à Paris. Des créateurs comme Rick Owens, qui a commencé sa carrière en Californie, se retrouve à Paris parce que la signification de la semaine de la mode y est différente et lui convient. Nous ne faisons entrer dans le calendrier des défilés que des marques qui sont en rupture avec les tendances, qui possèdent un répertoire singulier.

Les créateurs ne conçoivent d'ailleurs pas les mêmes modèles pour Paris, Londres ou New York. Il se s'agit pas de la même attente du public, ni du même marché. Une présentation peut avoir un très grand succès dans la capitale française et être mal reçue outre-Atlantique et vice-versa. Quand Yohji Yamamoto est venu à Paris, il n'y a pas présenté la même collection que celle mise en vente à Tokyo, la ligne "Y's" qui existe toujours et qui est adaptée au marché japonais. Mais pour le marché mondial, qu'il est venu chercher à Paris, il fallait qu'il conçoive  des collections plus haut de gamme et plus créatives. L'Indien Manish Arora présente à Paris des créations destinées aux marchés européen et américain et qui sont très différentes de celles qu'il  propose à Delhi pour le marché indien.  

Certaines maisons basées dans des villes qui accueillent leur propre semaine de la mode, comme Stella McCartney, Alexander McQueen ou encore MiuMiu, préfèrent défiler à Paris. Comment expliquez-vous leur choix ?

Paris est plus tourné vers l'international. Les collections parisiennes sont destinées à l'exportation. Tous nos adhérents font 90 % d'export. Nous avons plus de vingt nationalités représentées dans le calendrier. La fashion week italienne est plus italienne par définition. La ville de Londres, où les collections sont très pointues, sert depuis toujours d'aiguillon aux créateurs européens et qui rejoignent ensuite la semaine parisienne. Gareth Pugh, McQueen, Galliano ou Vivienne Westwood – présente à Paris depuis 1982 – en sont de bons exemples et les lointains successeurs de Worth, Redfern, Creed, Lucile ou Molyneux. Il y a toujours eu un attrait pour Paris aussi bien pour les marques anglaises qu'italiennes. Dans les maisons qui défilent à Paris, dans le calendrier officiel, il y a celles qui veulent être reconnues d'une certaine façon sur leur marché national. Défiler à Paris, c'est un atout dans l'image d'une marque. Il y a aussi celles qui, justement parce qu'elles sont créatives, ont besoin d'avoir une distribution internationale. Paris leur permet d'atteindre par exemple les marchés asiatiques et américains, qui ne sont pas toujours présents lors des autres rendez-vous.

Comment sélectionnez-vous les créateurs qui défilent lors de cette semaine de la mode ?

Défilent à Paris les marques qui ont un répertoire créatif singulier et qui doivent atteindre les clients et journalistes venant du monde entier. On est donc attentif à différents signaux. Plusieurs des créateurs ont gagné le concours de Hyères par exemple. Ce n'est pas le seul critère, mais nous sommes très regardants sur leur formation des jeunes créateurs. On porte aussi une attention particulière à leur "book de presse", c'est à dire aux remarques qui ont pu être écrites sur leurs créations. On prend également en considération l'intérêt pour eux des acheteurs internationaux. Si un créateur qui a une marque très confidentielle prend des commandes aux Etats-Unis chez Barney's ou Neiman Marcus, c'est évidemment un point décisif.

Autrement dit, dans le calendrier officiel, on s'attache à présenter des marques qui ont un discours spécifique et qui font avancer l'histoire du costume. Encore une fois on ne parle pas de styliste chez nous mais bien de créateur de mode. Par définition, ce dernier s'exprime sur  le corps humain comme un peintre crée sur une toile.  

Quel équilibre existe-t-il à Paris entre les marques établies et les jeunes créateurs ?

Paris a toujours associé marques de notoriété et marques émergentes. Déjà en 1946, les jeunes maisons Carven, Dior et Balmain voisinaient à la chambre syndicale avec des sociétés presque centenaires comme Lanvin, Worth ou Paquin. Il y a ensuite des marques qui prennent le relais de leurs aînés. Il existe une forme de compagnonnage chez les créateurs de mode. Par exemple, Lutz a été l'assistant de Margiela, lui-même assistant de Gaultier et Gaultier a été l'assistant de Pierre Cardin, qui lui même a été l'assistant de Dior, etc. Ce parainage est une spécificité parisienne ; on aime savoir avec qui untel a fait ses armes. Le fait que Bouchra Jahrar ait été assistante chez Balenciaga fait partie de son curriculum et c'est une dimension très importante. Issey Miyake a été l'assistant de Givenchy et il s'est retrouvé donc très naturellement à Paris avec un savoir propre qui manquait à l'époque au Japon.

Dans les coulisses, comment se passe cette sélection ?

Les créateurs présentent leur candidature. C'est très difficile d'intégrer le calendrier, limité à onze défilés par jour. Comme c'était déjà le cas historiquement, les dates de milieu de semaine sont réservées aux maisons connues. Les nouveaux créateurs intègrent le calendrier par le premier jour, les marques étrangères par le dernier. Dans le calendrier du prêt-à-porter, dix à quinze marques intéressantes que l'on ne peut pas insérer dans le programme officiel seront notées "en off". Dans le calendrier de la couture, où les couturiers élisent et parrainent des marques de création nouvelles, il y a toujours une dizaine de demandes pour seulement un ou deux nouveaux "invités". On ne cherche pas à multiplier les défilés. On cherche avant tout une heureuse harmonie entre les présentations.

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.
Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.
S’abonner

Voir les contributions

Réutiliser ce contenu

Lecture du Monde en cours sur un autre appareil.

Vous pouvez lire Le Monde sur un seul appareil à la fois

Ce message s’affichera sur l’autre appareil.

  • Parce qu’une autre personne (ou vous) est en train de lire Le Monde avec ce compte sur un autre appareil.

    Vous ne pouvez lire Le Monde que sur un seul appareil à la fois (ordinateur, téléphone ou tablette).

  • Comment ne plus voir ce message ?

    En cliquant sur «  » et en vous assurant que vous êtes la seule personne à consulter Le Monde avec ce compte.

  • Que se passera-t-il si vous continuez à lire ici ?

    Ce message s’affichera sur l’autre appareil. Ce dernier restera connecté avec ce compte.

  • Y a-t-il d’autres limites ?

    Non. Vous pouvez vous connecter avec votre compte sur autant d’appareils que vous le souhaitez, mais en les utilisant à des moments différents.

  • Vous ignorez qui est l’autre personne ?

    Nous vous conseillons de modifier votre mot de passe.

Lecture restreinte

Votre abonnement n’autorise pas la lecture de cet article

Pour plus d’informations, merci de contacter notre service commercial.