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Luxe et cinéma, la nouvelle vague

En collaborant avec le cinéma d’auteur, le secteur s’affirme comme une puissance culturelle, de la pub au Festival de Cannes.

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Wes Anderson (au centre, avec Jason Schwartzman, à dr., et Rupert Friend) a signé la campagne célébrant le centenaire du stylo emblématique de la marque Montblanc.
Wes Anderson (au centre, avec Jason Schwartzman, à dr., et Rupert Friend) a signé la campagne célébrant le centenaire du stylo emblématique de la marque Montblanc.
© Montblanc

Temps de lecture : 6 min

Un plan fixe, un certain goût pour l'architecture symétrique, un sens minutieux des détails, une palette de couleurs travaillées. Les fans de Wes Anderson n'auront pas manqué de remarquer la patte du réalisateur derrière la dernière campagne Montblanc célébrant le centenaire de son stylo emblématique, le Meisterstück (chef-d'œuvre en allemand).

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Un court-métrage de trois minutes – décliné également dans des formats plus courts pour les réseaux sociaux, la télévision et les cinémas – dans lequel le cinéaste joue le rôle principal aux côtés de ses deux acolytes de toujours, les acteurs Jason Schwartzman et Rupert Friend.

Le pitch ? Trois aventuriers se retrouvent en pleine tempête de neige, à 4 810 mètres d'altitude, et pénètrent dans l'observatoire Montblanc, devant la montagne du même nom. Les décors léchés sont truffés de pièces de la maison : des instruments d'écriture évidemment mais également de la maroquinerie cohabitent avec des éléments purement andersoniens, comme des bretzels et du chocolat chaud.

Une part de risque

Ce n'est pas la première fois que la maison allemande, sous la houlette du groupe Richemont, sollicite les talents du cinéma d'auteur pour raconter ses histoires. En 2011, Wim Wenders évoquait la « beauté d'une seconde » ; en 2020, dans son bureau new-yorkais, Spike Lee racontait comment il avait grandi un stylo à la main.

« Le choix de Wes Anderson nous a semblé assez évident, explique Vincent Montalescot, directeur marketing et merchandising. Travailler avec un réalisateur qui a son univers est très différent d'une campagne que l'on conçoit de A à Z. Il y a une part de risque car si nous donnons un cadre, nous laissons ensuite à l'artiste une pleine liberté d'expression. Là, le résultat nous a surpris, dans le bon sens du terme : tout en construisant ses décors et en gardant son sens de l'humour, Wes Anderson a réussi à déployer l'ensemble de notre plateforme de marque. »

<figcaption>Penélope Cruz et Brad Pitt dans le remake d’<i>Un homme et une femme</i>, de Claude Lelouch (1966), pour la campagne 2024 de Chanel.</figcaption>
©  Inez & Vinoodh/SP
Penélope Cruz et Brad Pitt dans le remake d’Un homme et une femme, de Claude Lelouch (1966), pour la campagne 2024 de Chanel.
© Inez & Vinoodh/SP

Avec un scénario qui glisse ici et là des anecdotes sur le premier modèle et son capuchon de sécurité permettant d'éviter des fuites d'encre, sur la plume rétractable, ou encore qui décrypte le logo, une étoile blanche à six branches évoquant les sommets enneigés du Mont-Blanc. Autant dire que le stylo emblématique s'intègre parfaitement dans l'univers de Wes Anderson et que ce dernier lui apporte ce supplément de désirabilité, comme le cinéaste sait le faire avec tout ce qu'il touche.

À LIRE AUSSI « Une chasse aux sorcières menace le cinéma… et nos libertés »« Nous avons la chance d'être de facto une marque culturelle, donc ces réalisateurs n'ont pas de mal à s'intégrer à notre univers », ajoute Vincent Montalescot. Montblanc n'est pas la seule maison de luxe à préférer s'associer au cinéma d'auteur plutôt qu'à des réalisateurs de blockbusters. Si les seconds sont habitués à faire des films qui touchent le plus grand nombre, les premiers apportent leur univers singulier mais aussi une caution intello-arty.

Sac Chanel

Dans un autre registre, mais visuellement tout aussi impactant, Jonathan Anderson, directeur artistique de Loewe, a signé les costumes du film Challengers, de Luca Guadagnino – dont la quête esthétique et les accointances avec le milieu de la mode l'ont amené à collaborer avec des maisons comme Valentino, Fendi ou encore Armani.

« Accompagner les corps en mouvement tout en les connectant à leurs désirs primaires et leurs envies de carrière », ambitionnait ainsi Jonathan Anderson en imaginant le vestiaire preppy de l'univers tennistique du film, et « créer du lien avec les personnages à travers les vêtements ». Y compris un lien concret puisqu'il est possible de se procurer le tee-shirt « I TOLD YA », porté par l'ambitieux personnage campé par Zendaya, dans les boutiques Loewe, au prix de 250 euros.

<figcaption>Le créateur de mode Jonathan Anderson (Loewe) a signé le vestiaire <i>preppy</i> du film <i>Challengers</i>, dont le tee-shirt « I TOLD YA ».</figcaption>
©  MGM/SP
Le créateur de mode Jonathan Anderson (Loewe) a signé le vestiaire preppy du film Challengers, dont le tee-shirt « I TOLD YA ».
© MGM/SP

Ces alliances avec le cinéma d'auteur permettent de se positionner toujours davantage dans le champ culturel plutôt que commercial, l'une des antiennes de l'industrie ces dernières décennies. Expression de ce phénomène, la récente campagne de Chanel présente son sac 11.12 non comme une simple pièce de maroquinerie, mais comme un morceau de l'histoire du cinéma français.

Brad Pitt et Penélope Cruz y rejouent la version 2024 d'Un homme et une femme, de Claude Lelouch (1966), dans lequel le sac Chanel apparaissait pour des raisons totalement étrangères au marketing. « C'était un film à tout petit budget. Les comédiens tournaient avec leurs véritables vêtements… et c'était tout simplement le véritable sac d'Anouk Aimée. Cela allait très bien avec sa personnalité, et nous l'avons finalement gardé pour le film », se rappelle le réalisateur.

À LIRE AUSSI Box-office, séisme, Grammy Awards… Les chiffres complètement fous du phénomène Taylor SwiftSi Chanel, dont l'histoire est intimement liée au cinéma, a déjà travaillé avec des monstres sacrés comme Martin Scorsese et Baz Luhrmann, la marque s'investit auprès d'un cinéma plus confidentiel, à l'image de sa collaboration avec Kourtrajmé, société de production et école de cinéma française et sénégalaise. Par ailleurs, la maison, partenaire de la Cinémathèque française, a soutenu la production de deux films en compétition à Cannes : Marcello Mio, de Christophe Honoré – dont elle signe également les costumes de Catherine Deneuve – et C'est pas moi, de Leos Carax (sélection Cannes Première).

Produire constamment du contenu

Car le monde du luxe va plus loin, déployant désormais des entités de production pour soutenir des projets pointus qui la placent toujours plus dans la sphère culturelle. Développant une curation dans plusieurs domaines tels que la musique et la littérature, Anthony Vaccarello, directeur artistique de Saint Laurent, a lancé l'année dernière Saint Laurent Productions, consacrée au 7e art.

Après avoir présenté deux courts-métrages de Pedro Almodovar et Jean-Luc Godard au Festival de Cannes en 2023, l'édition 2024 sera l'occasion de voir trois longs-métrages en compétition coproduits par la maison : Emilia Perez, de Jacques Audiard, Les Linceuls, de David Cronenberg et Parthenope, de Paolo Sorrentino.

« Je veux travailler avec ces talents du cinéma qui m'ont inspiré au fil des années et leur offrir une place », explique Anthony Vaccarello, qui signe les costumes des personnages principaux de ces films, tout comme Yves Saint Laurent en son temps avait dessiné la garde-robe de Catherine Deneuve dans Belle de jour.

<figcaption>À Cannes en 2023, Pedro Almodovar (au centre) avec (à sa g.) Anthony Vaccarello (Saint Laurent), lors de la projection de <i>Strange Way of Life, </i>soutenu par Saint Laurent Productions.</figcaption>
©  Nicolas Genin/Abaca
À Cannes en 2023, Pedro Almodovar (au centre) avec (à sa g.) Anthony Vaccarello (Saint Laurent), lors de la projection de Strange Way of Life, soutenu par Saint Laurent Productions.
© Nicolas Genin/Abaca

Depuis 2011, dans le cadre de ses Miu Miu Women's Tales, la marque italienne de Miuccia Prada produit, elle, deux courts-métrages par an – dans lesquels ses vêtements apparaissent – qu'elle confie à une cinéaste. À Zoe Cassavetes, qui a réalisé le premier, ont succédé Miranda July, Agnès Varda, puis cette année la Malaisienne Tan Chui Mui. Kering est également engagé dans le soutien des cinéastes féminines à travers Women in Motion, lancé en 2015 en partenariat avec le Festival de Cannes, qui a déjà mis à l'honneur, entre autres, les réalisatrices Valérie Donzelli et Monia Chokri.

À LIRE AUSSI Lucien Pagès, l'incontournable communicant de la mode et du luxeEnfin, LVMH vient d'annoncer le lancement de sa structure de production interne, 22 Montaigne Entertainment, visant à développer des films pour les maisons du groupe. Une façon aussi de renouveler le genre publicitaire. D'une campagne par saison diffusée sur les médias traditionnels, les maisons doivent désormais produire constamment du contenu pour nourrir la voracité des réseaux sociaux.

Dans ce contexte, l'œil et l'univers singulier d'un cinéma d'auteur ont clairement plus de chance de se démarquer. Mais quid de l'écho de ces noms plus confidentiels qui, s'ils touchent une certaine élite culturelle, n'ont pas forcément une renommée internationale ? Le court-métrage de Wes Anderson pour Montblanc a été adapté pour la Chine grâce à l'ajout d'une scène tournée avec l'acteur chinois Jing Boran, ambassadeur de la maison. Et Vincent Montalescot d'ajouter : « Nous avons questionné nos différents marchés sur ce côté élitiste et l'esthétique niche de Wes Anderson mais, au fond, cela ne nous gêne pas car nous ne sommes pas une marque de mass market. » CQFD.

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