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Chine: sous les préaux d'école, la relève de l'Armée rouge

Des écoliers en uniforme de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015
Des écoliers en uniforme de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015 © AFP - Fred Dufour

Temps de lecture : 4 min

Vêtus de leurs uniformes bleu gris frappés de l'étoile rouge, ils ressemblent à de jeunes recrues communistes de la guerre civile chinoise du siècle dernier.

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"Nous sommes la nouvelle génération des petits guerriers de l'Armée rouge", s'égosillent en choeur les enfants, sanglés dans leurs vareuses, copiées sur celles des soldats de Mao Tsé-toung partis à la conquête de la Chine.

Et, comme eux, "nous marchons de l'avant avec une fermeté incomparable", s'époumonent-ils.

Ces gamins sont le coeur de cible d'une campagne bien contemporaine, avec l'école pour champ de bataille, pour séduire la jeunesse du pays.

L'hymne de l'Ecole élémentaire Armée rouge de Beichuan qui leur est enseigné, avec les hauts faits de l'histoire révolutionnaire, est un exemple un peu extrême de "l'éducation patriotique" remise à l'honneur par le Parti communiste chinois (PCC) pour redorer sa légitimité, même si des esprits critiques y voient surtout une nouvelle opération de bourrage de crânes.

Près de 150 de ces "Écoles Armée rouge", un projet financé par les familles de "l'aristocratie communiste" issue de l'époque révolutionnaire, ont vu le jour depuis 2007 à travers le pays.

Les collines dentelées qui entourent le canton de Beichuan dans la province du Sichuan (sud-ouest) ont servi de refuge aux troupes communistes pourchassées dans les années 1930 par les nationalistes. Elles résonnent maintenant de l'écho des dizaines de voix enfantines chantant "L'étoile rouge scintille/Nous allons fortifier la mère-patrie".

De jeunes chinois en uniforme de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015 © Fred Dufour AFP
De jeunes chinois en uniforme de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015 © Fred Dufour AFP

D'un coup, les rangs serrés s'éparpillent dans un joyeux brouhaha: c'est l'heure de rentrer en classe dans une bousculade sous le regard du président Mao et de son successeur, l'actuel président Xi Jinping, dont les portraits sont fixés au mur.

"Regardez cette gravure montrant l'Armée rouge dans les marais", dit en classe le maître d'école, Tang Jinping, devant un tableau électronique digital dernier cri. "Que ressentez-vous à l'égard des générations précédentes et de grand-papa Mao ?", demande-t-il à sa jeune assistance.

Un garçon de 12 ans lève vivement la main et débite d'un trait: "Je trouve que l'Armée rouge est très remarquable. Nous devons étudier l'esprit révolutionnaire !"

- 'Ne jamais oublier l'humiliation' -

Situées dans de "vieilles zones révolutionnaires", les plus pauvres du pays, berceaux de la guérilla communiste, ces écoles particulières arborent le plus souvent les noms de dirigeants communistes.

Elles ne relèvent pas directement de l'armée mais visent à "améliorer les conditions misérables d'éducation" dans ces régions tout en "répandant l'esprit de l'Armée rouge", selon le site officiel du projet.

De petits soldats de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015 © Fred Dufour AFP
De petits soldats de l'Armée rouge à Beichuan, le 21 janvier 2015 © Fred Dufour AFP

La plupart des parents de Beichuan sont partis travailler à la ville, confiant leurs enfants à ce "pensionnat rouge", généreusement financé depuis son ouverture en 2012.

L'initiative est venue de la veuve du maréchal He Long et de l'épouse de Li Ruihan, un retraité de la haute direction chinoise. La veuve de Deng Xiaoping a fait don de 100.000 yuans (16.000 dollars), et la mère de l'actuel président Xi Jinping, Qi Xin, 150.000 yuans, selon le site.

"Aujourd'hui, alors que la cupidité a envahi tous les aspects de la vie (...), inculquer l'idéalisme révolutionnaire est plus important que jamais", proclame le site du projet.

Ces écoles "vont fournir une grande contribution à la promotion de l'histoire du Parti et à l'éducation de la jeunesse par les méthodes révolutionnaires traditionnelles".

En chute libre après la décennie de la révolution culturelle (1966-76), "l'éducation idéologique" de la jeunesse chinoise a été remise en selle après la violente répression du mouvement étudiant à Tiananmen en 1989, sous la houlette du président Jiang Zemin, qui l'a réintroduite dès l'école primaire et même au jardin d'enfants.

Depuis, tout manuel scolaire comporte un chapitre essentiel dévolu à l'intrusion européenne en Chine au 19e siècle, intitulé "L'humiliation qui ne doit pas être oubliée", aussi important que la résistance communiste à l'occupation japonaise dans les années 1940, prélude à l'avènement du pouvoir communiste en 1949, synonyme d'ère de paix et de prospérité retrouvées.

"Rappeler le siècle de l'humiliation vous permet de montrer votre compréhension de la grandeur de la nouvelle Chine", conseille ainsi un manuel à des élèves de 12 ans.

Expert à l'Université américaine de Seton Hall, Zheng Wang estime que "le message principal, c'est que le pays a été sauvé par le Parti", dont il faut "rehausser la légitimité" après la tragédie de Tiananmen et la disparition de l'URSS.

Quitte à attiser la ferveur nationaliste et à passer sous silence l'histoire souvent violente du PCC et les catastrophes qu'il a provoquées, selon les critiques.

"Dans un sens, les +Ecoles élémentaires Armée rouge+ prolongent les efforts du Parti pour mystifier les gens ordinaires et produire des esclaves du Parti", juge Li Xinai, un auteur exilé qui a étudié le projet.

"La première des choses, c'est d'aimer son pays, et de bâtir une société harmonieuse", assure la principale, Li Guilan, citant l'ex-président Hu Jintao.

A côté, un gamin de huit ans rédige un poème à la gloire d'un révolutionnaire local: "J'ai compris que l'Armée rouge, c'est le Parti communiste", dit-il.

23/02/2015 13:41:22 - Beichuan (Chine) (AFP) - Par Tom HANCOCK - © 2015 AFP