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Les nouveaux territoires du vin, des pratiques en mouvement

ÉPISODE 2. Retour des arbres dans les vignes, cépages oubliés, rupture avec l’intensif. C’est à un véritable retour aux sources du vin que l’on assiste.

Par Florence Monferran

Vignoble de Gigondas dans la vallée du Rhône méridionale.
Vignoble de Gigondas dans la vallée du Rhône méridionale. © Michel Labelle

Temps de lecture : 4 min

En parallèle à l'extension géographique et ampélographique des territoires du vin, un vaste chantier s'ouvre au tournant de l'an 2000, bouleversant les pratiques culturales à la vigne et l'élaboration du vin en cave. Nouvelles technologies et biologie projettent la viticulture dans le futur. Robots mécaniques désherbant les vignes, gestion des traitements assistée par ordinateur, levures de bioprotection en cave en sont des exemples de pointe.

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Dans le même temps, culture biologique, biodynamique, vins naturels entrent en rupture avec le système productif intensif, en particulier dans ses usages toujours plus nombreux de produits, à la vigne comme en cave. Ils visent à protéger santé et sécurité alimentaire de tous. Il n'est pas plus saisissant retour à des pratiques anciennes que cette mutation, qui fait souffler un vent de fraîcheur, d'air pur… et de rétrospection. Nombre de ces viticulteurs, bannissant tout pesticide, réintroduisent de vieilles pratiques, bénéfiques à leur vigne mais aussi arme contre le réchauffement climatique et le développement de maladies.

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La complantation (plusieurs plantes ensemble) en est une illustration. Le retour à une polyculture régénère les sols. Autre voie, l'agroforesterie associe vignes et arbres qui lui procureront de l'ombre. Voici revenu ni plus ni moins le triptyque romain vigne / olivier / céréales qui perdura jusqu'à la fin du XIXe siècle dans le sud de la France ! L'utilisation d'animaux en traction (cheval, mule ou bœuf) ou pâturage (moutons, vaches mais aussi poules et canards) fait écho chez les plus anciens au temps d'avant la mécanisation. La sélection massale – des meilleurs plants, les plus vigoureux – pour replanter les parcelles grignote la généralisation du clonage en pépinières. Des vignes en hauteur, en pergola ou en hautain, refleurissent comme à l'époque antique ou médiévale. Sans parler des amphores, symbole antique s'il en est, qui remplacent ou complètent la cuverie pour les vinifications et l'élevage. La biodynamie, qui instaure des liens privilégiés avec le cosmos, travaille avec les vents, les marées et les cycles lunaires, réveille le bon sens populaire d'un rapport à la terre et aux éléments. Elle renoue aussi avec un rapport au temps, pour laisser à la plante trouver sa dynamique propre, ses ressources pour se défendre. Quelque chose fonctionne, comme la préparation de silice de corne, qui n'est pas de l'ordre du quantifiable, et pousse les scientifiques comme Pascal Chatonnet à tenter de mesurer, comprendre, analyser pourquoi cela fonctionne.

Le grand retour aux racines

Les vins naturels abordent une exigence plus grande encore : se passer de mécanisation (vendanges manuelles), de levures de laboratoire et autres intrants (produits ajoutés) de techniques brutales. Même la filtration est bannie de la charte d'engagement des Vins Méthode Nature, dont le syndicat voit le jour en septembre 2019. Plus frappant, attirant l'engouement des consommateurs, les sulfites ajoutés (S02) sont écartés par des vignerons. Sacré défi que de travailler en toute liberté ce que des générations ont fait par contrainte pendant des siècles, lorsque les propriétés de conservation du vin par le soufre n'avaient pas encore été découvertes et exploitées. Pari osé, pari gagné quand la maîtrise, la connaissance, le brio du vigneron effacent la hantise de la piqûre du vin et des récoltes perdues. « La révolution naturelle est en marche », conclut un récent article du journal espagnol El Païs (La fiebre de los vinos naturales, 8 janvier 2021). D'autant plus que des pratiques sont reprises en culture conventionnelle aussi, provoquant l'ire des bio, mais signe que les lignes de fracture bougent.

Tentant de dépasser les effets de mode, les jugements à l'emporte-pièce – vignerons qualifiés de hippies descendus du Larzac dans les années 1970-1980 ou consommateurs taxés de boboïsme parisien aujourd'hui –, de distinguer ce qui relève d'une tendance conjoncturelle ou d'un phénomène de fond, l'historien est capté par ce bouillonnement d'idées en lien avec la viticulture « d'avant ». Renaissance et extension de vignobles, cépages oubliés, pratiques culturales biologiques marquent un retour à nos racines, autant produit de l'histoire que vision d'une démarche dans son environnement et dans le monde. Mais ces territoires sont soumis à la viabilité de modèles économiques en sortant de marchés de niche, à la résistance aux crises et à la persistance de la culture du vin dans les (brèves) échéances à venir pour la planète. Cinq ans après la COP21 tenue à Paris, le bilan de nos changements de comportement tient en quelques maigres feuilles.
Les nouveaux territoires du vin participent d'un mouvement perpétuel dont il nous incombe aujourd'hui de ne pas stopper le balancier, pour écrire d'autres mutations et d'autres histoires.

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Historienne, chercheuse diplômée de l'université Jean-Jaurès à Toulouse, vigneronne aujourd'hui près de Montpellier, Florence Monferran s'attache depuis une dizaine d'années à mettre en lumière des patrimoines et des terroirs de grande qualité, des vins et des cépages du Languedoc, afin, tant d'œuvrer au maintien de la viticulture que d'éveiller à une culture du vin protéiforme. Elle a ainsi mené le projet Terre Apiane sur les muscats et travaille à démontrer l'excellence des productions en vins blancs en Languedoc. En 2020, elle a fait paraître l'ouvrage Le Breuvage d'Héraclès, aux Éditions Privat. Du discours à la pratique, il ne restait plus qu'un pas que Florence Monferran a franchi en redonnant vie à de petites parcelles entièrement en muscat à petits grains, à Mireval (Hérault). Une façon de passer du mot à l'ouvrage, de tendre des ponts entre les temps.

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Commentaire (1)

  • le blaireau de Champignac

    C’est très bien tout ça.
    Refaire des vins comme dans le temps. Mais avant, est-ce que les vins étaient meilleurs ? On ne peut pas le savoir. Ils étaient de plus longue garde, ça, c’est sûr mais meilleurs, on ne le saura jamais, et personnellement, j’en doute.