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Charline Vanhoenacker, Jupiterrible!

La journaliste-humoriste belge est devenue incontournable dans le paysage audiovisuel français. Son émission «Par Jupiter!», référence directe au locataire de l’Elysée, est l’un des miroirs dans lesquels se reflètent les fractures, les coulisses et les non-dits de l’an 1 du quinquennat Macron

 Charline Vanhoenacker à Paris le 3 novembre 2015 — © JOEL SAGET

Les «sages» du Conseil supérieur français de l’audiovisuel ne savent décidément pas saisir leur chance. Lorsque, le 16 mars, Charline Vanhoenacker, Alex Vizorek et Guillaume Meurice viennent déposer leur candidature pour succéder au PDG Matthieu Gallet (révoqué quelques semaines plus tôt après avoir été condamné pour «favoritisme»), l’opportunité, pour le CSA, de plaire à l’Elysée, apparaît optimale.

Sur l’entête du dossier, la mention «Par Jupiter!» montre bien qu’Emmanuel Macron est quelque part caché dans le délire des feuilles imprimées. Quant au plaidoyer ironique des candidats en faveur d’un «démantèlement de qualité du service public» de la radio, il ne fait, selon eux, que traduire mot à mot la vision de ce chef de l’Etat soupçonné d’avoir qualifié de «honte de la République» les entités composées de France Télévisions et Radio France: «Franchement, on leur offrait sur un plateau le meilleur des programmes, rigole Charline Vanhoenacker. D’ailleurs, j’ai l’impression qu’ils ont bien l’intention de l’appliquer…»

Il faut, pour bien suivre l’humoriste belge la plus célèbre de France – sans vouloir froisser le Chat du dessinateur Philippe Geluck – comprendre d’où elle vient et ce qu’elle veut. A 41 ans, Charline Vanhoenacker est de ces (rares) vedettes des ondes hexagonales à répondre avec courtoisie à vos SMS, à tenir l’heure convenue ensemble pour parler au téléphone, et à avoir la modestie d’avouer «ne voir la France que du petit bout de la lorgnette de France Inter».

Charline est gentiment énervée par la France. Le «gentiment» veut dire: les Français ont la politique et le pays qu’ils méritent. Elle est la piqûre de rappel.

Un présentateur de Radio France

Pas question, donc, de pérorer au nom de l’humour roi, ou de parsemer la conversation d’anecdotes et de noms lâchés pour épater. Charline est insoumise par tempérament plus que dans les urnes. Elle s’énerve de voir «des CRS pénétrer dans les amphis cinquante ans après Mai 68», alors que défilent en boucle les images des policiers en train d’évacuer l’Université Paris-Tolbiac. Elle se demande encore si le rire d’Emmanuel Macron, lorsqu’elle l’avait en face dans le studio de France Inter «était vraiment sincère». «Je constate juste que les macronistes, eux, ont peu d’humour et d’autodérision. Ils ne pratiquent pas le second degré. Alors leur chef…»

«La piqûre de rappel»

L’explication de tout cela est sans doute la fibre wallonne et journalistique. De l’autre côté de la frontière, dans les colonnes du quotidien Le Soir ou sur les plateaux de la RTBF, Charline a appris à garder ses distances avec la «verticalité» française. En Belgique, pays roi des alliances politiques parfois surréalistes, chaque gouvernement est le produit mêlé des urnes, du hasard, des clans et des petits arrangements entre partis. Par Jupiter! était donc quelque part programmé. Goscinny ne rythmait pas pour rien les albums d’Astérix de «Par Toutatis!» Un présentateur vétéran de Radio France: «Charline est gentiment énervée par la France. Le «gentiment» veut dire: les Français ont la politique et le pays qu’ils méritent. Elle est la piqûre de rappel.»

La quadragénaire belge a connu un grand virage. Le journalisme, par définition, est une mission solitaire qui consiste à buter sur les murs du pouvoir. L’humour, telle qu’elle le conçoit, est une équipée collective qui consiste à franchir ce mur en l’abaissant sans le détruire. Charline parle d’ailleurs de «satire» plus que d’humour. Sa candidature à la présidence de Radio France était une formidable auto-publicité. «Où peut-on trouver aujourd’hui plus de liberté de ton qu’à France Inter interroge-t-elle?» Oubliés, les malheurs de précédents humoristes virés parce qu’ils avaient fini par énerver la direction et le pouvoir...

L’indignation savoureuse et lucide

Charline ressemble à son époque, féminine et sympathique en diable. Elle confirme dans une même phrase continuer de porter ses lunettes sur le crâne, habiter dans un «une pièce» parce que Paris est hors de prix, et admirer Elise Lucet, la productrice et présentatrice de l’émission Cash Investigation. Elle parle de ses deux complices radiophoniques Alex et Guillaume comme des «artisans», liés ensemble par une «vraie amitié». Elle dit connaître les signatures du Temps qui, jadis, reprenait ses articles. Politesse. Gentillesse. Finesse. Trop beau pour être vrai? «Le coup de boule n’est pas son truc, juge une réalisatrice de L’émission politique. Son registre, c’est celui de l’éternelle étudiante à qui on ne la fait pas. En gros, c’est la fille effrontée que tous les politiques machos aimeraient avoir.»

Ce que je pense de Macron, an 1? C’est simple: j’aime pas l’autorité. Or je crains qu’il attise les colères. Il est le président des premiers de la classe

Macron, année 1? C’était le thème de notre appel. On tourne autour du pot. Une semaine durant, ses chroniques matinales ont résonné dans nos oreilles. On a podcasté Par Jupiter!, disséqué chaque expression, cherché à tout interpréter. On a traqué en vain la remarque assassine. Elle? «La France nous aime parce qu’elle est hystérique et que nous ne le sommes pas. On a l’humour calme et nos auditeurs savent dans quel camp on est. Ce pays est gouverné en coulisses depuis trente ans par Jacques Attali. Vous trouvez ça normal? Et vous vous étonnez du résultat?» Bingo. Charline Vanhoenacker, fille d’enseignants, n’est ni révolutionnaire ni anarchiste. Elle a l’indignation belge: ferme, savoureuse, lucide. Elle rage de voir les migrants abandonnés, pris pour cible, manipulés. Elle n’aime pas ces médias français qui sont «à 95% aux mains de milliardaires». Charline est saltimbanque en politique «Ce que je pense de Macron, an 1? C’est simple: j’aime pas l’autorité. Or je crains qu’il attise les colères. Il est le président des premiers de la classe.» Alors qu’elle, au fond de la salle, entend bien demeurer l'élève dissipée. Que dire: «jupiterrible».

Profil

1977: Naissance à La Louvière (Belgique).

1995: Université libre de Bruxelles.

2003: S’installe à Paris. Correspondances pour «Le Soir» (parfois publiées dans «Le Temps»).

2010: Collabore pour la Radio télévision belge francophone (RTBF).

2012: Premières chroniques sur France Inter.

Septembre 2016-avril 2017: Intervient face aux candidats à la présidentielle dans «L’émission politique» sur France 2

Mars 2018: Record historique d’audience pour son émission quotidienne «Par Jupiter!» coanimée avec Alex Vizorek. 1 285 000 auditeurs.

Avril 2018: Candidate décalée et recalée à la présidence de Radio France.