A l'instar de Paris, Lyon s'apprête à vivre un moment historique, si l'on en croit les sondages. Depuis un an maintenant, la gauche est donnée gagnante au deuxième tour dans la grande majorité des enquêtes d'opinion. Si cela était confirmé les 11 et 18 mars prochains, cela ferait figure de tremblement de terre: la capitale de la région Rhône-Alpes n'a pas eu de maire socialiste depuis… un siècle. Aussi, les états-majors parisiens de la droite regardent-ils, consternés, l'évolution de la situation dans la deuxième agglomération de l'Hexagone. Perdre Paris et Lyon d'un seul coup, voilà qui porterait un sacré coup au moral, à un an de l'échéance présidentielle.
A l'inverse, à gauche, on commence à se pourlécher à l'avance de cette éventuelle victoire qui serait un révélateur de l'état de déconfiture de la droite dans le pays. Après tout, Lyon n'était-elle pas considérée jusqu'alors comme un fief imprenable? Valéry Giscard d'Estaing qui savait gré à la cité d'être la seule, avec Nice, à l'avoir encore préféré à François Mitterrand en 1981, l'avait proclamé «capitale de l'UDF». A l'image de l'UDF, sa capitale ne va pas très bien. Son dirigeant, Michel Mercier, président du Conseil général du Rhône, s'est dévoué pour mener un combat qui paraît bien difficile: conserver la ville dans son giron. L'homme est affable, consensuel, mais il manque de charisme tout comme sa campagne manque de vigueur. Rien à voir avec celle menée depuis un an déjà par son rival à droite, Charles Millon.
L'ancien président du Conseil régional, en disgrâce pour avoir voulu sauver son fauteuil avec les voix du Front national, tente de se refaire une santé politique en décrochant la mairie de Lyon, ce qui le replacerait dans le jeu national dont il est exclu. Charles Millon fédère autour de lui la vieille droite catholique lyonnaise conservatrice qui, déçue par Raymond Barre, juge que ce dernier a ouvert, par ses bonnes manières, toutes grandes les portes à un successeur socialiste. Charles Millon, à droite toutes, a pour les électeurs de son camp le mérite de la clarté, tandis que Michel Mercier a dû composer une liste, résultat de laborieuses négociations entre les différents partis de l'opposition nationale. Résultat, le cas Millon empoisonne l'atmosphère au sein d'une droite déchirée quant à l'attitude à adopter vis-à-vis de lui au second tour: sans alliance, la défaite est quasi assurée; avec alliance, le reniement des promesses n'est pas gage de victoire.
Pour couronner le tout, les partisans du député RPR Henry Chabert, contraint de se retirer de la course dont il fut longtemps le favori pour cause d'ennuis judiciaires, se sont à leur tour déchirés. Certains ont choisi Millon, d'autres Mercier. Mais une partie non négligeable, l'ancien président départemental du RPR en tête, histoire de régler les comptes avec leurs alliés de droite ont opté… pour Gérard Collomb. Le leader de la gauche plurielle se garde bien cependant de tout triomphalisme trop hâtif. A ceux qui l'interrogent sur les premières mesures qu'il prendrait s'il était élu il répond: «Nous n'en sommes pas là! Nous verrons bien, ne soyez pas trop pressés.» Du vrai Raymond Barre dans le texte.