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Quoi de neuf dans le journalisme en 2019? Les lecteurs!

La lutte contre les «fake news» n’est qu’une face du combat des médias pour retrouver la confiance de leur public. Tour d’horizon de quelques développements en cours

Le centre de presse de la COP21, la Conférence de Paris de 2015 sur les changements climatiques.  — © Christophe Morin/Bloomberg via Getty Images

C’est un hasard qui bien sûr n’en est pas un: la semaine dernière, deux prestigieux quotidiens français ont chacun consacré de longs articles aux journalistes. Libération est revenu sur leur «examen de confiance», eux qui sont «conspués, menacés, insultés et désormais de plus en plus souvent frappés» en interrogeant 25 journalistes de toute provenance; tandis que Le Monde leur a consacré un exercice de fact checking: «Sont-ils soumis à leurs actionnaires? (Non). A l’Etat qui les finance? (Non plus). Sont-ils tous formatés dans le même moule? (Un peu)», etc.

La faute aux «gilets jaunes» bien sûr, dont le rejet violent des médias classiques plonge la profession dans un exercice d’introspection aussi rare que douloureux, et pas qu’en France.

On a tous un examen de conscience à faire

Philippe Laloux, ex-rédacteur en chef adjoint du Soir belge

A la vérité cela fait des années que le feu couve. L’an dernier, Reporters sans frontières a titré son rapport annuel «La haine du journalisme menace les démocraties». Cibles dans les pays autoritaires, les journalistes sont accusés de mimétisme de classe, d’aveuglement social et politique dans les démocraties, quand on ne leur reproche pas d’être des agents de propagande, conscients ou pas.

«Les journalistes écrivent librement ce qu’ils sont socialement programmés à écrire», résume cruellement le cofondateur du média d’investigation local Médiacités, Sylvain Morvan, cité dans Libération. La Suisse n’est pas concernée dans les mêmes proportions par cette crise du journalisme, mais comment ne pas s’inquiéter lorsque seuls 17% des jeunes de 15 à 25 ans déclarent faire confiance aux journalistes, dans un sondage gfs.bern de 2018?

«La claque est sévère»

C’est la lutte à la reconquête de la confiance qui est l’une des grandes tendances du journalisme en 2019. «On a tous un examen de conscience à faire, note Philippe Laloux, ex-rédacteur en chef adjoint du Soir belge, vieux routard et bon observateur de la scène journalistique. On s’est beaucoup focalisé sur la survie des entreprises de presse, sur le modèle économique. Cela fait des années qu’on cherche des réponses techniques, technologiques – comment être mieux référencé dans les moteurs de recherche? Faut-il passer à la vidéo 360 degrés? Je fais partie des coupables, on a oublié que les Facebook Live et autres ne sont que des outils. La claque est sévère aujourd’hui, et il faut revenir aux fondamentaux du journalisme.»

«Les médias doivent changer pour fournir au public une vision plus exacte du monde. Et rapporter les progrès réalisés autant que les conflits. Parler du bien ET du mal. Les journalistes doivent apprendre à poser deux questions qui ne sont pas enseignées dans les écoles de journalisme: «alors que faire désormais?» et «comment?», estime dans le blog de France Télévisions «Méta-Media» Ulrik Haagerup, le président fondateur du Constructive Institute, ex-directeur de l’information de la télévision publique du Danemark. La combinaison des breaking news, du journalisme d’investigation et du journalisme constructif va créer une vision du monde plus équilibrée, et une meilleure version de la vérité.»

Un journalisme engagé

Dernière tendance du journalisme en 2019: le renforcement de ses liens dans la cité. De plus en plus de médias favorisent la conversation et les rencontres avec les lecteurs. Invitations dans la rédaction, organisation d’événements, animation de communautés, appel à suggérer des sujets (Le Temps l’année dernière avait sollicité ses lecteurs sur Facebook et traité plusieurs de leurs propositions):

«C’est un vrai changement de la culture professionnelle, admet Yann Guégan, consultant issu du pure playerRue89, pionnier du journalisme participatif en 2007. On fait entrer le lecteur dans la rédaction, c’est une nouvelle façon de réfléchir à quoi sert le journalisme. Le jeu s’ouvre.» Le média peut aussi devenir lieu de services à la communauté en s’emparant de manques et de dysfonctionnements. Ce qui fait le succès du journaliste de Brut Rémy Buisine n’est-ce pas son côté proche, son écoute, son humilité? Un passeur qui transmet.

L’absence apparente de filtre certes pose d’autres problèmes mais le constat est clair: le journalisme était un produit, il devient une relation.

Le «fact checking» à l’horizon 2019

Surgi aux yeux du monde en 2011 avecle Prix Pulitzer décerné au site Politifact, il a connu une brusque accélération avec l’élection de Donald Trump en 2016. Presque tous les grands médias américains disposent aujourd’hui de leurs experts en vérification des «infox». En France, le nouveau service Factuel de l’Agence France-Presse a tout de suite connu un gros succès, rejoignant Les Décodeurs du Monde ou le Checknews de Libération (pour lequel ce sont les internautes qui posent les sujets à contrôler).

Pour autant l’efficacité de ces dispositifs ne fait pas l’unanimité. «On prêche souvent des convertis», redoute Nathalie Pignard-Cheynel, de l’AJM de Neuchâtel, tandis que pour Philippe Laloux du Soir, c’est devenu «un format journalistique, un packaging inscrit dans la réactivité quand le rôle d’un journaliste n’est pas de contrôler après coup – il doit vérifier ses informations dès le début – mais d’anticiper et de dévoiler des informations neuves et pas encore dites».

Le fact checking reste pourtant vital, par exemple pour rappeler que le Traité d’Aix-la-Chapelle ne prévoit pas que la France «envisage, à terme, de partager [son] siège au Conseil de sécurité avec l’Allemagne», comme l’a affirmé Marine Le Pen sur BFMTV.