semaine de la langue française

semaine de la langue française

L'Express

Non, il n'est pas question de sortir notre Bescherelle pour un cours de grammaire accéléré, ni de passer en revue les exceptions linguistiques. La Semaine de la langue française et de la Francophonie ouvre ses portes le 16 mars sur le thème "Dis-moi dix mots semés au loin", il est temps de se pencher sur les préjugés qui ternissent -ou magnifient- l'image de notre bonne vieille langue de Molière. Est-elle si difficile à apprendre? Pourquoi s'échine-t-on à en faire l'emblème de l'amour? Le point sur les idées reçues.

Publicité

Le français est difficile

Ce fâcheux défaut lui colle à la peau. La langue française est truffée d'exceptions grammaticales. Elle repose sur une syntaxe complexe, des règles immuables, une orthographe à faire pâlir. De quoi prendre ses jambes à son cou. Alors comment expliquer qu'autant d'auteurs étrangers l'adoptent? Atiq Rahimi, Eugène Green, Scholastique Mukasonga, Vassilis Alexakis, parrains de la Semaine de la langue française et de la Francophonie 2013, manient la langue de Molière avec plus de raffinement qu'un natif.

"La grammaire française est tellement stricte que si on la suit bien, il n'y a pas de problème. Il est facile d'avoir une écriture correcte en français ", explique Gao Xingjian, Prix Nobel de la littérature et auteur de la Montagne de l'Ame, cité dans L'Aventure du Bilinguisme d'Aleksandra Kroh. Ses codes offrent un guide. En suivant ses prescriptions, il est possible de s'exprimer avec élégance. Le cinéaste et écrivain Eugène Green ouvre pour sa part une autre piste. "Le français impose un recul, une réflexion intellectuelle pour trouver la bonne orthographe, pour conjuguer, même pour quelqu'un dont c'est la langue maternelle", explique le cinéaste. "Si bien que la langue française met un auteur d'origine étrangère sur un pied d'égalité".

Le français est moins "cool" que l'anglais

Si l'anglais est associé à la culture pop branchée - le "hipster" s'amuse à ponctuer ses propos de "fail", "huge", "seriously" ou "old school" -, il est l'une des langues qui a le plus emprunté à notre lexique. Les mots "bigot" et "touché" cartonnent aux Etats-Unis. Ils figurent même dans le top 10 des mots de l'année 2012 de Merriam Webster, le grand l'éditeur de dictionnaire américain. Que ce soit l'emploi de termes désuets ("crème de la crème"), de vocabulaires de la galanterie ("femme fatale") ou de notions issues de mouvements artistiques ("nouvelle vague", pour le cinéma), nombreuses sont les expressions françaises à avoir investi la langue de Shakespeare.

"Plus qu'un facteur démographique, le rayonnement d'une langue repose sur la puissance culturelle du pays, pointe Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France. C'est parce que notre gastronomie est reconnue à l'international que les termes français issus du domaine culinaire se sont installés dans la plupart des langues étrangères, de même pour la danse et la haute couture", poursuit-il. Cela dit, le français d'aujourd'hui pioche quasiment exclusivement dans le lexique anglo-américain.

Le français ne se prête pas à la musique

Ah oui? La programmation de l'édition 2013 de la Semaine de la langue française et de la Francophonie fait office de première réponse, offrant une place de choix au slam. Le temps des tournois, la parole libre des artistes incarne les dix mots emblématiques de la manifestation ("atelier", "bouquet", "cachet", "coup de foudre", "équipe", "protéger", "savoir-faire", "unique", "vis-à-vis", "voilà"). Si le slam a plutôt des allures de poèmes que les tubes de Lady Gaga ou Rihanna, il repose sur le sens du rythme, le claquement du son. La langue devient un instrument de musique à part entière. Et le français s'est toujours parfaitement prêté à cet exercice, sans mentionner les chansons à texte en général. De Serge Gainsbourg à Jacques Brel, en passant par Bénabar, la liste des artistes serait bien trop longue à dérouler, mais l'engouement récent autour de l'excellent groupe hexagonal Fauve prouve que le français a encore de beaux jours musicaux devant lui.

Le français s'appauvrit

Si la langue française est assez réticente aux néologismes, elle ne cesse de créer des nouveaux sens ou d'emprunter à l'étranger. Elle continue de s'inventer. En témoigne le mot "kiffer", qui provient de l'arabe, il est totalement entré dans la langue. Le français est menacé s'il perd sa fonctionnalité, s'il n'est plus en mesure d'exprimer l'intégralité de notre expérience de la réalité. Or, certains domaines, comme celui de la recherche, utilisent exclusivement l'anglais. Mais il est toujours temps de faire machine arrière. Pendant la Semaine de la langue française et de la Francophonie, les librairies mettent à l'honneur les ouvrages consacrés aux mots pour matérialiser le pouvoir de notre langue. La librairie du Québec, à Paris, invite notamment ses clients à écrire des textes courts autour des dix mots de la manifestation dans le cadre d'un concours.

Le français est la langue de l'amour

Pourquoi attribue-t-on cette image au français? Si la réputation est flatteuse, il serait bien d'en connaître les origines. "L'amour et la passion amoureuse se sont exprimés avec force dans la littérature française", tente d'expliquer Xavier North, délégué général à la langue française et aux langues de France. De La Princesse de Clèves de Madame de La Fayette à Belle du Seigneur d'Albert Cohen, en passant par Madame Bovary de Gustave Flaubert, la plupart des grands romans français sont liés à l'amour. L'image du pays entier est une image romantique. "Les amoureux accrochent des cadenas sur le Pont des Arts pour sceller leur lien", poursuit-il. La Cité de l'architecture et du Patrimoine organise d'ailleurs le 21 mars un voyage littéraire dans la cité de l'amour à travers des textes d'auteurs du XIXe et XXe siècles. Quand les murs de la ville dévoilent les grands textes...