Emmanuel Macron, lors d'un évènement dédié à la French Tech, au palais de l'Elysée, en février 2023.

Emmanuel Macron, lors d'un évènement dédié à la French Tech, au palais de l'Elysée, en février 2023.

Michel Euler / POOL / AFP

C’est un petit groupe qui pourrait changer le destin de la France. Composé de 15 experts, le comité sur l’IA générative a rendu ce 13 mars un rapport très attendu sur ce que Paris doit mettre en place pour devenir un leader mondial de l’intelligence artificielle. Une feuille de route que le comité, co-présidé par l’économiste Philippe Aghion et la présidente du conseil d’administration de l’ENS Anne Bouverot, a mûrement réfléchie avant de la remettre à Emmanuel Macron : 600 experts ont été auditionnés et 7000 citoyens ont été sondés via une consultation. Financement des start-up, infrastructures…. Tous les chantiers que la France doit mener pour gagner la grande course de l’IA sont finement analysés. S’il ne fallait en retenir qu’un, ce serait celui de la formation.

Publicité

C’est le premier atout de Paris dans ce domaine : l’excellence de ses filières (Polytechnique, master MVA de Saclay…) en mathématiques et en ingénierie. C’est ce qui explique la forte présence de Français dans les pôles IA des géants du numérique et l’essor des entreprises tricolores de l’intelligence artificielle. La France compte plus de 600 start-up de l’IA, dont déjà 141 dans l’IA générative, pointe le dernier radar du cabinet Wavestone. "Et parmi elles, plusieurs sont spécialisées dans les modèles de fondation, la pierre angulaire de ce marché", souligne Chadi Hantouche, associé du cabinet. En particulier, Mistral AI qui talonne désormais le champion OpenAI. Pour Laura Connell, partenaire du fonds européen Atomico, cela ne fait aucun doute : "la France est un des leaders mondiaux de l’IA".

LIRE AUSSI : Xavier Niel : son plan pour faire d'Iliad un géant européen de l'IA

Pour garder son avance, le pays doit cependant augmenter significativement son nombre de diplômés spécialisés en IA. En 2021, ces filières comptaient environ 16 687 places. Pour le comité, il faut a minima multiplier ce chiffre par trois au cours de la décennie à venir. Une cible ambitieuse qui nécessite d’ouvrir de nouvelles places, mais aussi de donner envie à davantage d’étudiants de se lancer dans ces filières. Une fois ces cerveaux de l’IA formés, la France doit également s’employer à les retenir, en revalorisant conséquemment le salaire des chercheurs de ce domaine. Ces têtes bien faites se voient fréquemment proposer des salaires trois à dix fois supérieurs aux Etats-Unis. Et le nombre de pays leur faisant les yeux doux ne va cesser d’augmenter. Arabie saoudite, Emirats arabes unis… Les pays du Golfe se lancent dans la course à l’IA à grand renfort de pétrodollars. Or s’ils ont les moyens financiers de leurs ambitions, ils manquent pour le moment cruellement d’experts de l’IA générative.

La colonne vertébrale de l’IA

Gardons aussi à l’esprit que le monde de l’IA ne tourne pas qu’autour des grands modèles de langage. Data center et puces IA sont la colonne vertébrale de ce nouveau monde. Disposer d’experts de ces infrastructures est crucial si l’on veut avoir un siège à la table des grands de l’IA, où Nvidia brille. La France, comme le reste de l’Europe, a un retard certain ici. Mais la partie n’est pas perdue. "De petites start-up font d’étonnantes percées dans le domaine des puces", souligne Bernard Liautaud, directeur du fonds d’investissement Balderton Capital.

Pour que la magie opère, il est essentiel enfin que toute la population française sache bien utiliser ces nouveaux outils. Droit, santé, commerce, graphisme… Tous les secteurs vont être transformés par l’IA générative. Le comité recommande donc de généraliser le déploiement de l’IA dans toutes les formations d’enseignement supérieur et d’acculturer les élèves dès le secondaire.

LIRE AUSSI : IA générative : "Il n’y a rien de magique dedans, seulement des mathématiques"

"En France, il y a un étonnant clivage : d’un côté une petite portion de personnes très bonnes en maths, et de l’autre côté un nombre important de personnes qui pensent que c’est hors de leur portée. Aux Etats-Unis, vous n’entendrez pas un jeune de 20 ans vous dire 'les maths, ce n’est pas pour moi'. Il serait bon qu’un grand nombre de formations postbac incluent des cours obligatoires d’informatique et d’IA. Cela aiderait beaucoup d’étudiants à se rendre compte qu’ils ne sont pas aussi mauvais qu’ils le pensent, voire qu’ils aiment ces matières", confie dans un grand entretien à L’Express, la Française directrice de recherche en IA de Google DeepMind Joëlle Barral.

400 milliards d’euros dans le PIB français

Il est également urgent de former les actifs à ces nouveaux outils. "Les études indiquent que l’IA va permettre aux travailleurs moins qualifiés de monter en compétence plutôt que de remplacer des emplois", souligne Marina Ferrari, secrétaire d’Etat chargée du Numérique. Le risque pour les Français n’est pas d’être remplacés par des IA, mais de voir demain des entreprises étrangères leur piquer des parts de marché en utilisant plus astucieusement cette technologie.

"Dans tous les secteurs, les entreprises vont voir leur titre remis en jeu. L’IA va permettre aux sociétés d’être plus efficaces et de bâtir des offres plus riches", pointe Vincent Luciani, PDG du cabinet de conseil en IA Artefact. Il est important d’aider les entreprises tricolores à mener cette transition. "En particulier, les ETI", pointe l’expert. Si Paris y parvient, les opportunités sont enthousiasmantes. L’économiste Philippe Aghion révèle dans le rapport sur l’IA générative qu’en dix ans, celle-ci pourrait faire progresser le PIB de la France de 250 à 420 milliards d’euros.

Publicité